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Le Canal Seine-Nord Europe, un chantier pharaonique à l'heure des choix stratégiques
Le Canal Seine-Nord Europe (CSNE) devrait être mis en service en 2028 -au pire, en 2031. Cette voie navigable à grand gabarit doit relier le bassin de la Seine et ses ports (Le Havre, Rouen) à la région des Hauts-de-France (et au port de Dunkerque). Mais le projet va bien au-delà, rayonnant sur les 20.000 km du réseau fluvial européen avec, à la clé, des enjeux environnementaux et de compétitivité colossaux pour la France. Cependant, face au risque de « siphonnage » du trafic par le port belge d'Anvers, les élus ont-ils fait les bons choix ? Stratégie à l'échelle d'une méga-région nord européenne, saupoudrage des plateformes, coûts du relèvement des ponts... "La Tribune" passe en revue les arguments en présence.
Il aura fallu quatorze ans pour concrétiser ce Canal Seine-Nord Europe. Quatorze années (précisément depuis le 11 septembre 2008 quand il a été considéré d'utilité publique) pour trouver des financements colossaux (4,9 milliards d'euros) afin de construire de toutes pièces une liaison fluviale à grand gabarit de 107 kilomètres, entre Aubencheul-au-Bac près de Cambrai, dans le Nord, et Compiègne, dans l'Oise.
Objectifs : faciliter le transport de marchandises entre les pays du Benelux et la région parisienne et décharger l'autoroute A1. La réalisation de ce canal à grand gabarit européen de type "Vb" permettra d'accueillir des bateaux de gabarit « grand rhénan », jusqu'à 95 m de longueur, avec une capacité d'emport jusqu'à 3.000 tonnes de marchandises, soit chacun l'équivalent de 150 camions ou 75 wagons de marchandises. Il pourra également accueillir des convois poussés jusqu'à 185 m de longueur pouvant transporter jusqu'à 4.400 tonnes, soit chacun l'équivalent de 220 camions...
Une France mieux ancrée dans le transport européen de marchandises
Outre le gain environnemental (effacement de 600.000 tonnes de CO2 à l'horizon 2050 selon Voies navigable de France, VNF), ce CSNE sera facteur de compétitivité pour les entreprises et d'attractivité pour les territoires de France.
En effet, en permettant de relier le bassin de la Seine et ses ports du Havre et deRouen à la région des Hauts-de-France et au port de Dunkerque, mais, au-delà, également aux 20.000 km du réseau fluvial européen, ce projet est un puissant levier de développement économique pour l'Hexagone tout entier.
Une victoire à l'arraché pour Xavier Bertrand sur Édouard Philippe
La mise en route de ce projet est une victoire décrochée de haute lutte par Xavier Bertrand face à Édouard Philippe en 2017, lorsque, depuis Péronne dans la Somme, et soutenu par un parterre d'acteurs économiques et d'élus locaux, le président des Hauts-de-France avait lancé un ultimatum au Premier ministre de l'époque, opposant historique au Canal Seine-Nord Europe.
Au sortir de son bras de fer, le président du conseil régional des Hauts-de-France (alors LR et devenu sans étiquette) avait donc finalement obtenu 1,1 milliard d'euros de l'État (via l'Agence de financement des infrastructures de transport), 1,1 milliard de la part des départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l'Oise et de l'Ile-de-France, 2 milliards d'euros de l'Union européenne, ainsi qu'un emprunt de 700 millions d'euros.
Crainte de "siphonnage" du trafic par le port d'Anvers
Les premiers coups de pioche ont commencé l'année dernière. Le CSNE arrive, cette fois, c'est sûr. La livraison est prévue a minima pour 2028, au pire en 2031, avec la perspective de 10.000 emplois pendant les travaux, de 30.000 emplois à terme, et surtout, d'une structuration du territoire autour de quatre nouvelles plates-formes logistiques.
Pourtant, le projet pose encore beaucoup de questions.
« Comme les vaches qui regardent passer les trains, nous courons quand même le risque de voir passer les péniches vers les ports belges, à commencer par le port d'Anvers en Belgique, sans pour autant bénéficier des retombées économiques », admet Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France.