Les Echos a écrit:Pierre Graff , PDG d'Aéroports de Paris : « Nous allons inaugurer deux infrastructures majeures en 2012 »
Après une année 2011 marquée par des résultats records et un pic d'investissement, Aéroports de Paris maintient le cap de la croissance en 2012, avec l'ouverture prévue du nouveau satellite 4 et du bâtiment de jonction entre les terminaux A et C de Roissy-CDG.
Quel bilan faites-vous de l'année 2011 ?
Tout d'abord, nous avons battu notre record de trafic, avec 61 millions de passagers à Paris-Charles de Gaulle et 88,1 millions de passagers au total. Soit une croissance de 5,7%. Même en enlevant l'effet volcan islandais en 2010, c'est très supérieur aux 2% de croissance prévus dans le contrat de régulation pour 2011. Tous les faisceaux sont en nette hausse, sauf le Moyen Orient et l'Afrique, du fait des évènements en Tunisie et en Egypte qui nous ont coûté 1 point de trafic.
Autre motif de satisfaction : l'amélioration de la qualité de service se poursuit. J'étais un peu inquiet, car 2011 était une année de travaux intensifs. Malgré cela, nous avons progressé de 2 points sur le taux de satisfaction client au départ, qui passe de 79,3% à 81%. Enfin, les résultats sont bons. Le chiffre d'affaires est en faible croissance, du fait d'évènements non récurrents (la vente de Masternaut et les évènements en Libye). Mais l'Ebitda est en hausse de 5,5%, à 972 millions et le résultat opérationnel courant est en hausse de 9,1%, à 607 millions. Les actionnaires devraient être contents.
La crise financière ne vous a-t-elle pas bridé dans vos projets immobiliers ?
Certes, pour Coeur d'Orly nous n'avons pas encore signé notre premier client, mais nous n'avions pas prévu de recettes pour ce projet avant 2016 et il ne nous coûte rien.
Par ailleurs, nous avons quand même initié plusieurs projets immobiliers majeurs l'an dernier. Avec Unibail, nous avons lancé la construction d'Aéroville à l'ouest de Paris-Charles de Gaulle, un centre commercial haut-de-gamme de 110.000 mètres carrés, qui ouvrira ses portes fin 2013. Nous avons racheté 60% d'un ensemble immobilier appartenant à General Electric situé à Roissypôle et nous avons lancé un nouvel immeuble de bureau de 13.250 m2 (l'immeuble Altaï) qui est déjà commercialisé à 60%. Nous avons également lancé la construction d'une troisième gare de fret de 18.000 m2, qui sera inaugurée mi-2012. Côté hébergements, nous avons annoncé un hôtel de luxe Citizen M de 230 chambres pour 2014 et nous allons lancer deux autres hôtels cette année, avec le groupe Accor, pour environ 550 chambres. Au total, sur les 320.000 à 360.000 m2 supplémentaires que nous avons prévu de développer seul ou en partenariat entre 2011 et 2015, nous en avons déjà lancé 280.000 m2.
Au chapitre des activités annexes, les commerces tirent-ils toujours la croissance ?
Les commerces et services progressent toujours aussi vite avec un Ebitda en hausse de 7,8% en 2011. Nous sommes passés d'un chiffre d'affaires par passager des boutiques en zone réservée de 9,8 euros en 2006 à 15,1 euros l'an dernier, et même à 27,6 euros dans les boutiques duty free. Nous avons presque rattrapé nos collègues d'Amsterdam-Schiphol qui sont à 15,6 euros en 2011 ! La clientèle chinoise et russe y est pour beaucoup, avec, un chiffre d'affaires par passagers à destination de la Chine d'environ 85 euros.
Quelle sont vos prévisions pour 2012 ?
Tout le monde va dire la même chose : 2012 est une année d'incertitudes. Mais en ce qui nous concerne, nous restons raisonnablement optimistes. Nous maintenons une hypothèse de croissance modérée du trafic, du chiffre d'affaires et de l'Ebitda. Après tout, les compagnies aériennes prévoient toujours d'augmenter leurs programmes. Par ailleurs, nous allons inaugurer cette année deux nouvelles infrastructures majeures sur la plate-forme de Paris-Charles de Gaulle : le satellite 4 du terminal 2E et le bâtiment de jonction entre les terminaux A et C, avec des surfaces commerciales supplémentaires hors du commun : 6 000 m2 au satellite 4 et 2 300 m2 sur le nouveau bâtiment de la jonction AC. Soit 8.300 m2 avec les plus grandes marques de luxe, comme on en avait rêvé. Nous aurons là une nouvelle source de revenu qui s'ajoutera à la légère croissance du trafic, à partir d'avril pour la jonction A-C et juillet pour le S4.
Comment sera réorganisé le terminal 2 de Paris-Charles de Gaulle, une fois inauguré le satellite 4 ?
L'inauguration du satellite 4, qui offrira une capacité additionnelle de 7,8 millions de passagers et 16 poste avions supplémentaires, va nous permettre de réorganiser le terminal 2 en concentrant tous les vols du hub d'Air France-KLM et Skyteam sur les terminaux F et E, pour des correspondances plus faciles. Le 2F sera entièrement consacré aux vols Schengen, tandis que le 2 E sera dédié au grand international, avec ses trois salles d'embarquement : la Jetée, le Satellite 3 et le Satellite 4. A ces facilités supplémentaires s'ajoutera l'instauration, en octobre 2012, de l'inspection filtrage unique, qui permettra à tous les passagers en provenance de pays Schengen, de ne plus être contrôlés lors de leur correspondance à Paris-Charles de Gaulle. Cela va grandement simplifier la vie des passagers.
L'ouverture du Satellite 4 va également nous permettre de fermer le terminal 2B, destiné à terme à Easyjet, pour le réhabiliter. Nous étudions actuellement la même chose que pour les terminaux A et C : à savoir un bâtiment de jonction avec le terminal 2D. Ainsi, les compagnies internationales du 2F pourront partir sur le E, tandis que les vols Schengen du 2 D, iront au 2F. Les compagnies du 2B rejoindront le 2D.
Les travaux devraient durer jusqu'en 2016. Après quoi, nous devrions être tranquilles jusqu'à la fin de la décennie. Avec le Satellite 4, nous aurons une capacité de 81 millions de passagers sur CDG, dont de 45 à 50 millions pour le hub d'Air France-KLM et Skyteam. Mais il restera de la place pour pouvoir construire, plus tard, un éventuel terminal 4 à la place de l'actuel T3, ce qui permettrait de vider les terminaux A,B, et D, pour permettre à Air France-KLM de continuer à s'étendre. Si besoin, nous pourrions également relier entre eux les satellites de CDG 1. Mais pour les dix ans qui viennent, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de lancer de nouvelles infrastructures. A Orly, on étudie l'installation d'une gare sous-terraine métro et TGV dans le cadre du Grand Paris, qui puisse desservir à la fois l'aéroport et les futures zones de bureaux. Nous étudions également un projet de bâtiment de jonction des aérogares Ouest et Sud à l'horizon 2016. C'est la seule façon de redonner de l'espace au hall 3 d'Orly Ouest.
Allez-vous lever le pied sur les investissements d'infrastructures ?
L'année 2012 marque également le début de la décrue de notre programme d'investissement. Après avoir investi environ 500 millions en 2011, nous prévoyons encore 480 millions en 2012, puis 340 millions en 2013, 360 millions en 2014 et 300 en 2015. C'est un gros avantage sur certains de nos concurrents comme Fraport, qui entre dans une phase de lourds investissements et envisage de relever ses redevances de 25% pour les financer.
Avez-vous des investissements en vue dans d'autres aéroports, en France ou à l'étranger ?
Notre stratégie n'a pas changé. Nous nous intéressons à des aéroports offrant un potentiel de croissance, plutôt dans les pays de l'OCDE et les BRIC, plutôt de taille significative (10 millions de passagers), mais nous ne sommes pas pressés. Après c'est une affaire d'opportunité. Nous avons regardé du côté des aéroports espagnols et brésiliens Nous avons également répondu à l'appel d'offres pour Zagreb ; c'est en cours. Je sais que le gouvernement croate examine notre offre avec intérêt et nous regardons actuellement du coté d' Istanbul. Quant à la France, il n'y a rien de neuf depuis l'arrêt du processus sur les aéroports régionaux. J'aurais fait une offre sur Lyon si cela avait été possible. Nous avons les mêmes clients principaux (Air France et Easyjet), une bonne liaison ; cela aurait du sens. Mais en affaires, je suis patient et je regarde vers l'avenir.
On commence à évoquer la question de votre renouvellement à la tête d'ADP. Etes-vous candidat à un troisième mandat ?
J'ai un mandat de 5 ans, qui court jusqu'en juillet 2014. Cependant, les statuts d'ADP prévoient un départ à la retraite à 65 ans, soit en novembre 2012 en ce qui me concerne. C'est une question qui regarde mes actionnaires et qu'il ne m'appartient pas de commenter.