Le problème est évidemment financier (insuffisance des revenus par rapport aux paiements bancaires), mais il relève avant tout d'une exploitation défaillante. Il ne faut pas être naïf : ce ne sont pas de rares trains Paris/Lyon/Marseille/Toulouse-Barcelone trop chers et trop lents qui justifient l'existence de cette ligne, mais plutôt le trafic fret. Or, celui-ci est victime d'un ralentissement lié à la crise économique et à l'incapacité française de développer une offre ferroviaire performante alors que les autoroutes voisines sont saturées. L'inaction à ce niveau est incompréhensible alors que le problème est soulevé depuis de trop nombreuses années.
La solution : faire comme dans les Alpes et créer une surtaxe sur les péages autoroutiers de l'A9 pour financer les déboires de cette ligne et inciter au report modal ?
Ceci dit, les problèmes rencontrés sur cette ligne sont un avant-goût de ce qui attend l'exploitant du Lyon-Turin, avec un projet nettement plus complexe, beaucoup plus coûteux, de faibles perspectives pour les voyageurs et un fort aléa sur le fret. De quoi se poser des questions tant qu'il est encore temps !
Le Monde a écrit:Le concessionnaire de la ligne TGV Barcelone-Paris dépose le bilan
LE MONDE ECONOMIE | 20.07.2015 | Par Sandrine Morel (Madrid, correspondance)
Faute d’accord avec ses créanciers pour renégocier une dette de plus de 400 millions d’euros, le consortium franco-espagnol TP Ferro, détenu à parts égales par les groupes de construction français Eiffage et espagnol ACS, a annoncé, le 17 juillet, « une demande volontaire de mise sous administration judiciaire » devant le tribunal de commerce de Gérone, ce qui revient à déposer le bilan.
Le temps de trouver une « solution pérenne à la précarité actuelle et non soutenable de son modèle économique, » les actionnaires affirment toutefois qu’ils ont « donné à TP Ferro les moyens de poursuivre l’exploitation de la section internationale dans les mêmes conditions de haut niveau de sécurité, de fluidité et de régularité qu’auparavant. »
Les problèmes de TP Ferro ne sont pas nouveaux. Après avoir obtenu la concession pour la construction et l’exploitation, durant cinquante ans, de la ligne à grande vitesse entre Figueres et Perpignan, en 2003, le consortium avait souscrit une dette de plus de 530 millions d’euros afin de mener à bien la construction du tronçon, de 44 km de long, et en particulier la nécessité de creuser dans les Pyrénées le tunnel du Perthus.
Accumulation de surcoûts
Mais les surcoûts pour la construction d’une ligne chiffrée initialement à plus de 1,2 milliard d’euros, se sont multipliés. Le retard de trois ans dans la mise en fonctionnement a affecté le calendrier d’amortissement des dettes et obligé les pouvoirs publics français et espagnol à accorder des aides et un allongement de la concession. Enfin, la faiblesse du trafic, par rapport aux premières estimations, avec 34 convois de marchandises par semaines et 70 de passagers, a compliqué les possibilités de rentabiliser la ligne.
TP Ferro a déposé plusieurs plaintes devant des tribunaux d’arbitrage en Suisse contre les gouvernements français et espagnol. En février, l’une d’elle, portant sur les surcoûts et visant à obtenir 350 millions d’euros de dédommagement, a été rejetée.
Après s’être déclaré en précessation de paiement en mars, afin de renégocier plus de 400 millions d’euros de dettes, TP Ferro, a cherché, ces quatre derniers mois, un accord avec ses créanciers. En vain. La mise sous administration judiciaire ouvre un nouveau délai de négociation pour le consortium qui pourrait faire valoir la responsabilité patrimoniale de l’administration afin d’obtenir des aides.
Mais pour le gouvernement espagnol, pas question de se porter de nouveau au secours d’une entreprise privée. L’an dernier, ACS, dirigée par Florentino Perez, par ailleurs président du Real Madrid, a déjà obtenu une compensation de l’Etat de 1,3 milliard d’euros pour l’arrêt d’un projet de stockage de gaz en Méditerranée, à cause de risques sismiques non détectés par l’étude préalable à la mise en fonctionnement.
Infrastructures démesurées
Le cas de la ligne à grande vitesse destinée à relier par voie ferrée Madrid et Paris, un vieux rêve espagnol, est symptomatique des infrastructures démesurées mises en route durant le boom économique. Difficilement capable de concurrencer l’avion, qui ne met que deux heures pour relier Paris et Barcelone (contre six heures et trente minutes en TGV) et coûte moitié moins cher, cette ligne pose la question de la rentabilité des investissements ferroviaires.
Guidés davantage par des considérations politiques qu’économiques, ces investissements ont fait de l’Espagne le deuxième pays au monde en kilomètres de lignes d’AVE (l’équivalent du TGV), derrière le Japon. Mais, selon une étude publiée en mars par la Fondation pour les études d’économie appliquée (FEDEA), elles sont les moins empruntées avec à peine 11 000 passagers par kilomètre de lignes AVE (contre 158 000 pour le Japon et 61 000 pour la France).
En mai, le tribunal des comptes est revenu à la charge avec un rapport sur le modèle de développement de l’AVE qui émet « des doutes importants quant à la rentabilité économique à long terme ». En cas de faillite, la gestion et les dettes de TP Ferro pourraient retomber sur les gouvernements français et espagnol.
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