Laboureyre.
Sud Ouest a écrit: Samedi 09 Mai 2009
DE 12 À 18 MOIS D'ACTIVITÉS, VOIES FERRÉES. Le bois de la tempête du 24 janvier sera acheminé par train, comme l'étaient les poteaux de mine il y a plus d'un demi-siècle. Témoignages
Une nouvelle ère du fret à Labouheyre
Les anciens Francis Abadia ( gauche) et Marcel Lagofun se réjouissent que la gare de triage bouheyrote reprenne bientôt du service. (Photo pascal bats)
La nouvelle a réjoui la commune et ses environs, et a ravivé des souvenirs émus chez les anciens cheminots. La gare de triage de Labouheyre qui, il y a un demi-siècle, était le noeud ferroviaire pour l'expédition du pin des Landes, va reprendre du service. La SNCF et Réseau ferré de France (RFF) sont en train de réhabiliter le site pour y organiser les convois de bois abattus par la tempête du 24 janvier dernier. À partir du 25 mai, ce sont jusqu'à deux trains par jour qui seront expédiés vers le nord de la France et de l'Europe (lire ci-contre).
Marcel Lagofun, 87 ans, s'en souvient comme si c'était hier. « J'ai été embauché en novembre 1945, dit-il, alors que je rentrais du STO en Allemagne. Mon rôle, c'était de préparer les wagons, de les accrocher pour que les gars puissent charger tranquillement. C'étaient des troncs de 4 mètres de haut, choisis pour étayer les mines de charbon ou de fer. Quand le poteau en pin des Landes craquait, cela signifiait qu'il allait bientôt céder. Un avertissement utile pour les ouvriers qui travaillaient dessous. »
Wagons chargés à l'épaule
Un temps où les wagons étaient chargés à la main, les ouvriers portant les poteaux sur l'épaule, ajustant chaque pièce d'un coup sec et précis, pour l'adosser aux autres sur la plate-forme. « Un travail très dur, souligne l'ancien. Le bois n'était pas encore sec, et de plus il était créazoté, traité contre les maladies et les champignons. Les pauvres ouvriers qui chargeaient ça à la main avaient l'épaule pelée comme un serpent. Il y avait du pin, beaucoup, mais aussi du chêne, de temps en temps. »
Un train par semaine quittait la gare bouheyrote pour Bordeaux, un autre pour Bayonne, et les troncs de bois étaient apportés non sur des camions, mais par des attelages de mules.
Raymond Duro, 89 ans, qui travaillait au matériel et à la distribution des wagons, a des souvenirs plus anciens encore. « C'était pendant l'Occupation, raconte-t-il, on faisait jusqu'à 250 wagons par jour. Des wagons de 15 à 30 tonnes, qui emportaient des traverses, des billons, du bois de sciage, des baraquements. à‡a partait vers le Nord et l'Est, mais les Allemands en importaient aussi beaucoup. Les bois venaient de toute la lande, et on recevait aussi des trains de Mont-de-Marsan, Sabres, Bias, par les lignes secondaires. Il y avait 47 agents pendant la guerre, qui s'occupaient des marchandises ou des voyageurs. »
« Cela a duré jusqu'à 1947, où il y avait aussi beaucoup de passagers, que l'on mettait dans des tombereaux quand on n'avait plus de voitures libres. En revanche, je me souviens que le vendredi après-midi, il y avait 200 à 300 vélos en bagages. Les gens partaient vers les Charentes, pour se ravitailler ! »
Des bois de Bias et de Sabres
Francis Abadia, dit Titou, 71 ans, n'a pas connu tout cela. « J'ai commencé en 1966, dit-il, à l'entretien des voies. Il y avait encore beaucoup de trains de bois pour le papier, la trituration. On recevait toujours des wagons de Bias, Sabres et Mont-de-Marsan. De gros volumes de papier venaient aussi de Mimizan. On partait au boulot à 4 heures du matin, et on ne s'arrêtait pas pour casser la croûte. »
Rapidement, toute cette activité autour des voies ferrées de Labouheyre va reprendre. Des monceaux de pierre ont été amenés pour consolider le sol, tandis que de nouveaux rails sont en train d'être installés à proximité de l'ancien site, afin de faciliter l'accès aux camions semi-remorques pour le chargement sur les wagons. Une autre ère du fret qui redémarre à Labouheyre.
Jean Dhobie, directeur commercial Sud-ouest pour le fret matériaux à la SNCF, confirme que « les perspectives d'expédition de bois par voie ferrée sont significatives. Nous avons déjà repris depuis Morcenx et Mont-de-Marsan, des trains de 22 à 25 wagons de 50 tonnes, deux par semaine actuellement. Mais nous allons monter en cadence, et quand Labouheyre aura démarré, en principe à partir du 25 mai, nous pensons atteindre un rythme beaucoup plus soutenu, deux trains de 1 200 tonnes par jour, soit dix à douze trains par semaine. »
Du bois d'industrie, pour des grosses entreprises du nord de la France et de l'Europe, à base de bois de la tempête qui ont un besoin de dégagement massif et rapide. Il n'y aura en principe pas de personnel supplémentaire, « parce que nous allons redéployer une partie du personnel en place, explique M. Dhobie. En tout cas, le dossier évolue vite, et nous n'excluons pas de mettre en place d'autres sites d'expédition. » En principe, celui de Labouheyre est réactivé pour une durée de 12 à 18 mois, mais il se dit aussi qu'il pourrait être pérennisé.
Auteur : Jean-Louis Hugon
jl.hugon@sudouest.com