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Les Echos a écrit:La grande vitesse et les autoroutes vont financer les trains Corail déficitaires
Les autoroutes menacent d'augmenter les péages, tandis que la SNCF n'aura pas le droit de répercuter intégralement la taxe sur ses tarifs de TGV.
Ecrit par
Renaud HONORE
Les TGV et les autoroutes au secours des trains interrégionaux déficitaires. Evoquée depuis plusieurs mois («Les Echos» du 8 décembre 2009), cette solution est finalement bien celle retenue par le gouvernement. Selon nos informations, les sociétés d'autoroutes vont être sollicitées à hauteur de 35 millions d'euros et la SNCF autour de 75 millions afin d'assurer le financement de ce qu'on appelle les «trains d'équilibre du territoire» (les Corail inter-cités, Téoz ou Lunéa). La mesure doit être annoncée par Nicolas Sarkozy au cours d'un de ses déplacements dans les prochains jours et figurera au projet de loi de Finances 2011 qui doit bientôt être débattu à l'Assemblée nationale. Elle sera ensuite contractualisée au travers d'une convention de service public signée avec la SNCF et qui entrera en vigueur l'an prochain.
Cette convention est une demande de longue date de la compagnie ferroviaire. Celle-ci fait le constat récurrent de l'impasse économique dans laquelle se trouvent ces dessertes interrégionales -du Caen-Tours ou du Quimper-Bordeaux par exemple. Rien que pour 2009, le déficit est estimé à 190 millions. La SNCF estime ainsi que seules quatre lignes sont rentables (Paris-Clermont, Paris-Limoges-Toulouse, Paris-Rouen-Le Havre et Paris-Caen-Cherbourg). Et il faut en plus compter sur des besoins d'investissement pour changer des trains vieillissants, qui ont été chiffrés entre 1,5 et 2 milliards d'ici à 2015.
Raison pour laquelle le gouvernement a décidé de faire appel à un financement nouveau de 210 millions par an. Pour les autoroutes, le prélèvement se fera à travers la taxe d'aménagement du territoire, qui sera augmentée de 35 millions (sur un total de 550 millions environ en 2010). Les concessionnaires peuvent presque s'estimer heureux, puisque initialement le gouvernement avait prévu une hausse de 115 millions supplémentaires pour financer l'Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport de France).
«C'est une solution injuste, qui se traduira nécessairement par des hausses de péages», prévient un dirigeant d'autoroutes. Pour les partisans du report modal, le symbole est en tout cas fort. Il va donner du baume au coeur aux défenseurs de l'environnement, qui avaient mal pris en juillet dernier l'annonce coup sur coup de la construction de trois nouvelles autoroutes. Des décisions considérées comme incompatibles avec l'esprit des négociations du Grenelle de l'environnement, qui avaient consacré l'idée que le transport routier représente 24 % des émissions de gaz à effet de serre en France...
Quant à la SNCF, elle verra l'institution d'une toute nouvelle taxe, la «contribution de solidarité territoriale», assise sur le chiffre d'affaires généré par les trains. A priori, les TER seront exclus de l'assiette. Il est évoqué une taxe de 5% maximum sur les revenus générés par les TGV circulant en France et de 3% maximum pour les autres trains. Le tout devrait représenter autour de 175 millions.
Une charge nouvelle
Une charge nouvelle que la SNCF n'aura pas le droit de répercuter intégralement. Environ 15 millions devront être effacés par plus de productivité, tandis que 60 millions sont considérés comme un rattrapage de l'effet d'aubaine de la réforme de la taxe professionnelle pour la SNCF. Restent 100 millions environ, que la compagnie ferroviaire aura le droit de répercuter sur ses tarifs.
Dans l'immédiat, ce mécanisme devrait avoir un effet limité sur les finances de la SNCF, puisque celle-ci continuera de financer en grande partie le déficit des lignes interrégionales. Un coup pour rien ? Pas totalement car «si le marché s'ouvre, l'idée est de faire peser cette charge également sur les futurs concurrents, afin qu'elle ne reste pas éternellement sur les épaules du groupe public. C'est une logique déjà à l'oeuvre pour les marchés postal et des télécoms », explique une source ministérielle. Certains y voient malgré tout un mauvais coup pour la concurrence, cette nouvelle taxe étant perçue comme une nouvelle barrière à l'entrée sur un marché déjà difficile
Photo : AFP/Carl de Souza
JULIE CHAUVEAU ET RENAUD HONORE, LES ECHOS