Sud-Ouest a écrit:PAU-CANFRANC. Michel Martin était l'un des premiers à réclamer la réouverture de la ligne ferroviaire. Il déchante
Une ligne divergente
Ancien adjoint communiste du maire d'Oloron Raymond Dieste, retiré de la vie politique depuis de longues années, Michel Martin ne se désintéresse pas de l'actualité pour autant. Et l'histoire de la ligne ferroviaire Oloron-Canfranc le touche personnellement.
« À l'époque de la construction de la ligne, des Aragonais y ont travaillé par centaines. Mon grand-père maternel en était. Un rail lui est tombé sur la jambe, qu'on a dû lui sectionner. Depuis, il avait une jambe de bois. Je suis donc sensible à tout ce qui touche cette ligne, d'autant plus que mon fils Éric a participé en tant que dessinateur à la lutte contre le tunnel du Somport avec Éric Pétetin. »
Convoqué chez le juge
Michel Martin se souvient surtout de la bataille menée pour la réouverture de cette ligne, après l'accident du pont de l'Estanguet, le 27 mars 1970, il y a quarante ans jour pour jour. « Depuis cette date, avec la CGT et le PCF, on a multiplié les actions. Le Creloc, qui nous a ensuite rejoints, n'existait pas encore, on ne parlait pas d'associations écologiques », raconte-t-il. Une histoire qu'il a reproduite dans son livre, « Au fil de nos gaves » (éditions Atlantica).
« À Bedous, à Oloron ou à Pau, des manifestations se succèdent avec des centaines de personnes. Rien n'avance, Giscard règne », écrit-il. Michel Martin passe aussi à l'action plus musclée. « Il nous arrive de stopper des trains en gare de Pau ou d'Oloron », poursuit-il. Une position qui n'est pas sans risques. « Neuf responsables syndicaux ou usagers, tous communistes, sont assignés devant la justice par la SNCF. Il s'agit notamment de nos amis Beudou, Chague et Lassus », écrit-il. L'élu oloronais n'est pas épargné par ces actions judiciaires.
« Le 22 mai 1981, M. Minvielle, premier juge d'instruction de Bordeaux, me convoque pour ''entrave à la circulation des trains'' », se souvient-il encore. Mais le 10 mai 81 est passé par là, avec l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir. « Je n'ai pas à comparaître, la plainte ayant été annulée dès la nomination du gouvernement de gauche. Et l'arrivée du ministre communiste Charles Fiterman nous remplit d'espoir. Hélas, de 81 à 84, date de départ des communistes du gouvernement, le dossier piétine et il reste ensuite dans les tiroirs, avec un Premier ministre socialiste ou de droite. Le poids des lobbies de transporteurs s'affirme, tant à Bruxelles qu'à Paris », explique-t-il dans son livre.
Sans illusions
Michel Martin ne sera pas des manifestants demain. L'homme a perdu toute illusion sur le sujet. « Ceux qui sont pour le train aujourd'hui étaient tous pour le tunnel du Somport. C'est un serpent de mer qui revient à chaque élection. C'est de la politique politicienne. Aucun élu n'a fait avancer le problème, même quand Dominique Voynet et Jean-Claude Gayssot étaient au gouvernement. C'est un combat qui arrive quarante ans trop tard, et surtout après la construction du tunnel du Somport. Il ne faut pas raconter de salades aux gens », se fâche-t-il.
Quant au projet émis par Alain Rousset de rouvrir la ligne d'Oloron à Bedous, l'ancien élu le balaie d'un : « Un projet touristique qui ne servirait à rien ! »
« 40 ans sans Canfranc... Rouvrons ! » c'est le thème du débat organisé aujourd'hui à Bedous, au château Fénard, de 14 heures à 18 heures, en présence de Bernard Claraco, expert ferroviaire, Luis Granell, journaliste espagnol, Jürg Suter, géographe ferroviaire, David Grosclaude, Bernard Uthurry et Bernard Férié.
bedous Aujourd'hui, les partisans de la réouverture de la ligne ferroviaire organisent une manifestation pour demander, une fois de plus, la reprise du trafic de trains de voyageurs et de marchandises entre Oloron et l'Espagne. Le Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc (Creloc) fait pression depuis 1986. Avant lui, d'autres ont mené le combat, mais n'y croient plus.
Oloron-Bedous repoussé à 2013
La réélection d'Alain Rousset à la tête de la région Aquitaine a d'abord soulagé les membres du Creloc, le Comité pour la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc. Le socialiste avait en effet déclaré, le 25 août 2008, en gare d'Oloron : « Je fais le serment, ce matin, devant vous : je rouvrirais Pau-Canfranc si les électeurs me prêtent vie. » Et de promettre d'accorder 30 millions d'euros sur les deniers de la Région pour commencer la rénovation de la ligne Oloron-Bedous. « Il n'était pas obligé de le faire ! Les voies, c'est Réseau ferré de France », explique François Rebillard, secrétaire du Creloc.
Les travaux ont en effet démarré sur la voie, mais la directive Bussereau, interdisant l'utilisation de vieux passages à niveau, risque de faire grimper la facture au-delà des capacités de la Région. Du coup, si Alain Rousset obtient une dérogation, la réouverture de ce tronçon est plutôt projetée à 2013.
Et les 27 kilomètres restant ? « Une mission intergouvernementale franco-espanole travaille sur une étude en utilisant conjointement le tunnel ferroviaire du Somport, aujourd'hui tunnel de secours pour la route », précise François Rebillard, qui croit dur comme fer que le Canfranc se fera. « C'est difficile, car le Grenelle de l'environnement a l'air de voler en éclats, mais c'est possible », ajoute-t-il.
Aujourd'hui, Alain Rousset sera représenté par Bernard Uthurry, son premier vice-président (lire aussi en page 24.)