27/04/2009
L'immense succès de la fête de l'aérotrain
> L'hommage à l'aérotrain et à son inventeur, Jean Bertin, organisé de concert par les associations des amis de Jean Bertin, aerotrain.fr et la mairie de Saran, a accueilli près de 3000 visiteurs le week-end des 25 et 26 avril.
Symbolique. Rue des Fosses-Guillaume, à Saran. Sous l'une des arches du viaduc qui supporte un rail de béton, trône le cockpit du prototype 02, témoin silencieux d'une technologie avant-gardiste, celle de l'aérotrain - sacrifiée au profit du TGV en 1974. Tout droit sorti de "La Guerre des étoiles", l'engin a atteint en 1968, la vitesse de 411 km/h à Gometz-Le-Châtel (91). Et ce grâce à une technique de sustentation par coussins d'air et un système de propulsion, sur lesquels, depuis 1960, Jean Bertin, polytechnicien, ingénieur issu de l'école supérieure de l'aéronautique et visionnaire, travaillait avec une équipe de 50 personnes.
A l'époque, Daniel Ermisse conduisait ces prototypes. Il avait tout juste 22 ans. Aujourd'hui, à 63 ans, il est là , fidèle au poste, mémoire vivante de l'histoire de l'aérotrain. Sur le pied de guerre, il y a Danièle Jannot et Alain Galopin, piliers de l'association des Amis de Jean Bertin. Comme eux, par devoir de mémoire, d'autres sont venus parfois de très loin, pour saluer leurs anciens copains. Si avec le temps, la mémoire des visages fait défaut, on se nomme, on se serre la main, l'émotion est palpable. Ensemble, tous ceux là ont vécu une fabuleuse épopée.
Humble, Daniel Ermisse, se prête volontiers au jeu de la photo devant la machine de métal. A côté de lui, les gosses qui grimpent dans le cockpit, jouent les conducteurs l'espace d'un instant, sourient aux photographes et reçoivent un diplôme de conducteur d'aérotrain. Ils ne sauront peut-être jamais que le 5 mars 1974, aux manettes de l'I.80 HV, Daniel a établi le record du monde de vitesse des véhicules sur coussins d'air, à 430,2 km/h ! Si le prototype est parti en fumée lors d'un incendie criminel en 1992, perpétré dans le hangar de Chevilly où il était entreposé, l'I.80 continue sa course folle dans la tête de Daniel tel "un avion prisonnier, volant sans ailes et au ras du sol ", comme le décrivait son inventeur, Jean Bertin.
Démonstration à l'appui. L'aérotrain est culte à Orléans. 16 000 passagers ont embarqué dans l'I.80 lors des essais. Un voyage sensation à 250 km/h. Alors ici, personne n'a oublié. Et comme une plaie béante, le long rail de béton qui longe la Nationale 20 et la ligne SNCF Orléans-Paris rappelle que des hommes et des femmes savaient que le projet de l'homme qu'ils admiraient, était une avancée technologique remarquable.
L'idée de ce transport était bel et bien de circuler sur de courtes distances, un transport inter-urbain comme rallier Orléans-La-Source-Paris. Un projet Cergy-Pontoise-La Défense avait même été lancé sous la présidence de Georges Pompidou, un autre Orly-Roissy "Ces projets n'étaient pas antinomiques avec le TGV. Il s'agissait de deux moyens de transport complémentaires, l'un sur rails et sur grandes distances : le TGV, l'autre inter-urbain avec des techniques issues de l'aéronautique" explique Philippe Bertin, fils de l'inventeur, venu inaugurer la manifestation. Mais l'histoire s'est écrite autrement.
La passion pour cette fabuleuse machine est restée intacte. Et s'il fallait s'en convaincre, il suffisait d'observer la file de visiteurs, accoudée sur les 300 mètres de barrières, qui observait avec des yeux d'enfants, les maquettes aux 1/5 du prototype 02 réalisées par Philippe Ronc, pilote et maquettiste passionné. Sur 200m de rail, les prototypes ont atteint, sans coup férir, des vitesses de 50 km/h. Vitesse relevée par les radars de la police municipale de Saran.
Les émules de Jean Bertin. Le maire de Saran, Michel Guérin, fervent défenseur de l'aérotrain et membre des Amis de Jean Bertin a soutenu cette manifestation. "Cette idée était bonne. Pour preuve, tous les projets ressortis des cartons en Allemagne comme au Japon basés sur cette même technique" explique le maire. Et s'il n'est plus à l'ordre du jour de "refaire le match", il faut savoir que le système de sustentation de Jean Bertin a été repris dans le monde entier.
Développée en Allemagne, la première ligne de Maglev (train à sustentation magnétique) au monde a été mise en service en 2003 à Shanghai. Ces Maglevs chinois devraient atteindre la vitesse de 500 km/h. Au Japon, la compagnie privée JR Tokai, qui exploite les trains à grande vitesse entre Tokyo et Osaka, compte investir 32 milliards d'euros dans une ligne de ce type. Il y a quelques jours Nicolas Sarkozy a annoncé "l'intention d'agir encore plus radicalement avec le système de transport francilien". Il dévoilera le volet transports de la région-capitale le 29 avril. Il devrait s'agir d'un réseau qui relie les pôles de développement de Roissy, la Défense, Orly et Marne-la-Vallée. Un projet de 15 à 20 milliards.
P.L.