Bonjour,
Je travaille à Massy, alors j'ai pu aller voir le chantier de fouilles. Vraiment très intéressant. Les traces macroscopiques ne peuvent pas passer inaperçus, même pour un novice, mais c'est fou ce que les archéologues arrivent à déduire à partir de minuscules traces de rien du tout...
Quelques précisions cependant :
- 53 mètres, c'est la largeur du chantier de fouilles, ce n'est pas la largeur de la voie empierrée.
- La voie était empierrée sur 6 mètres de large et non pavée, avec des pierres non taillées sans aucune forme, mais sur une belle épaisseur (20 cm à vue d'œil). C'est peut-être à cause de cette rugosité de la voie que les côtés de la voie sont si intéressants pour les archéologues et qu'ils ont fouillé large : ils constatent la présence de traces d'ornières en dehors de la largeur empierrée, ce qui signifierait qu'une circulation existait également à côté de la voie empierrée. Ca peut se comprendre : on peut préférer se déplacer sur de la terre ferme plutôt que sur des pierres inégales, du moins par temps sec car en cas de pluie la pierre peut devenir préférable à la boue...
- C'est vraiment au raz de la RN20, seulement quelques dizaines de mètres.
Cette découverte a été possible parce qu'un permis de construire avait été déposé pour construire à cet endroit précis, et ce projet a donné l'occasion à l'INRAP de voir ce qui se cachait sous la surface. Sans ce dépôt de permis de construire, aucune fouille n'aurait été menée et il n'y aurait eu aucune découverte. Je le souligne car ça ne se passe pas aussi bien partout...
J'habite à seulement quelques kilomètres au sud de ce chantier de fouilles, à La Ville du Bois où la RN20 passe également. Là aussi il aurait bien des raisons de mener des fouilles, mais...
La Ville du Bois, juste en face Montlhéry, c'est loin de n'être qu'un centre commercial. C'est une ville d'origine médiévale. Elle en a hérité de minuscules ruelles qui se cachent maintenant entre les habitations du centre-ville, des problèmes chroniques de circulation et de manque de places de parking parce qu'en fait la ville n'assume pas ses origines et son héritage.
Ce passé est visible partout :
- Juste derrière Carrefour et Truffaut, entre les deux, on peut admirer les Douves du Château du Plessis Saint-père. Le château a été détruit, mais il en reste les Douves et des écuries qui ont été converties en ferme puis en conservatoire-école-de-danse-centre-de-loisirs, que l'on connaît sous le nom de Croix Saint-Jacques.
- Le Château du Plessis Saint-Père verrouillait l'accès à la vallée du Rouillon juste derrière. On peut la visiter en remontant le Rouillon, ce n'est qu'un tout petit ruisseau. Lors d'une telle balade on peut faire bien des découvertes :
o Le Rouillon est enjambé par 5 ponts. La tradition locale qualifie certains de « gaulois », d'autres de « romains »... Ce qui est certains c'est qu'ils sont assurément très anciens et qu'ils auraient vraiment besoin d'une bonne rénovation. Il suffit de mettre les pieds dans l'eau et d'aller dessous pour s'apercevoir que bien des blocs de fondations sont manquants, ne laissant que des vides béants et menaçants... Pour fixer les idées, je précise qu'en aval, sur la commune de Longjumeau, le Rouillon est enjambé par un sixième pont, le Pont de Balizy. Il date des Templiers, il est classé, il est qualifié de « plus vieux pont d'Ile de France »... Sauf que ceux de la vallée du Rouillon en amont sont peut-être encore plus vieux... Le Pont de Balizy a cependant une particularité : il comportait un petit barrage pour maintenir une réserve d'eau. Pourquoi ? Pour faire de l'élevage de truites... Et c'est ce qui expliquerait qu'en amont le Rouillon et son affluent le Ruisseau Blanc aient dès cette époque bénéficié de travaux de consolidations des berges, consolidations toujours aujourd'hui en place et visibles pour peu qu'on sache regarder.
Une précision : un des ponts de la vallée du Rouillon, le plus proche de Carrefour, n'est même pas connu du SIAHVY, le syndicat en charge de la gestion des cours d'eau sur une trentaine de communes dont La Ville du Bois ! Il va donc avoir du mal à bénéficier de travaux de rénovations... Il est magnifique car totalement intégré dans son environnement naturel, mais cela signifie également que si vous aller le rechercher sans guide vous risquez de ne pas le trouver...
Une anecdote à ce sujet : le mois dernier, j'étais avec un journaliste qui prépare un reportage télé à propos de la vallée du Rouillon (entre autre un « 52 minutes » pour la Suisse). On a consommé quelques cassettes sur les lieux. Lorsqu'il a voulu s'occuper de ce qui concerne ce fameux pont il m'a demandé : « Alors ? Il est ou, ce pont ? » On avait les pieds dessus...
o Ce n'est pas tout, il n'y a pas que des ponts...
Le ruisseau peut sembler paisible, mais en cas d'orage il peut se montrer d'une extrême violence, et son niveau peut monter de 2 mètres... Dans son lit, on trouve donc bien des choses, comme des dalles et de pierres taillées charriées comme de vulgaires cailloux. L'une de ces pierres taillées, actuellement visible jusqu'à ce que les flots en décident autrement, me semble être un chapiteau de colonne... Mais où se trouve le reste ?
o On peut aussi suivre les chemins plutôt que les cours d'eau.
Vous aurez alors des chances de voir entre autre des bornes gravées. Apparemment (je ne suis pas un spécialiste de ce genre de choses) certaines gravures seraient des chiffres, d'autres des initiales comme PSP (Plessis Saint-Père ?), où encore STL... SainT Louis ? On pourrait être en présence de bornes concernant le Chemin de Saint Jacques de Compostelle. Dans un lieu dénommé La Croix Saint Jacques, ça ne semble pas aberrant. Je me demande ce qu'en penserait l'UNESCO...
o Si plutôt que de suivre les sentiers battus vous préférez passer directement à travers bois, alors faites attention ou vous mettez les pieds car ce genre de choses, on marche littéralement dessus...
Tout ça pour montrer une chose simple : il y a bien des indices directement visibles qui peuvent inciter à ce demander ce qui se cache sous la surface...
L'interrogation est justifiée, car il y a réellement un petit mystère historique dans cette vallée : Ou se trouvait le village du Rouillon, aujourd'hui totalement disparu ?
On a donc pleins de bonnes raisons d'avoir envie de mener des fouilles lorsque l'occasion se présentera. « Lorsque l'occasion se présentera... » C'est là que les choses se compliquent...
Une route a été créée derrière les Douves de la Croix Saint Jacques, elle rejoint un chemin qui a été agrandi à travers les bois, mais il n'a pourtant pas été possible de se demander s'il serait intéressant d'effectuer au préalable des fouilles...
Pourquoi ?
Attention, accrocher-vous bien, parce qu'à notre connaissance :
- Délibération en conseil municipal préalable au transfert des terrains du domaine privé vers le domaine public : AUCUNE,
- Délibération en conseil municipal préalable à la création d'une nouvelle route : AUCUNE,
- Enquête publique préalable à la création d'une nouvelle route : AUCUNE,
- Consultation de la DDE en rapport avec la construction d'une nouvelle route : AUCUNE,
- Autorisation préfectorale relative à la création d'une nouvelle route : AUCUNE,
- Délibération en conseil municipal préalable à l'agrandissement du chemin que rejoint la nouvelle route : AUCUNE,
- Autorisation de défrichage de l'Espace Boisé Classé à travers lequel le chemin a été agrandi : AUCUNE,
- Arrêté municipal permettant d'afficher « Chantier interdit au public pendant la durée des travaux : AUCUN.
- Etc., etc....
Pas moyen de trouver la moindre trace écrite de la moindre autorisation concernant ces travaux !
La notion d'écrit n'existe pas dans cette affaire...
L'INRAP ne risquait donc pas d'avoir une chance d'évaluer l'intérêt de mener des fouilles sur les lieux avant la réalisation des travaux...
Les archéologues de l'INRAP finiront au chômage s'ils laissent faire ce genre de choses...
Comment ont-ils tout de même pu être totalement réalisé ?
Simple : ça c'est fait en même temps que Carrefour agrandissait son parking, et à partir de ce parking.... On a donc un jour vu les bulldozers sortir de la forêt, et tout était déjà fait...
Et qui a fait ça ?
La réponse est déjà écrite, c'est Carrefour.
Et le financement ?
Avec une somme que Carrefour devait à la commune et qui n'a jamais été versée...
L'argent n'est ni rentrée ni sortie des caisses de la commune, toujours aucune trace écrite...
Coût réel des travaux ?
Opacité totale.
Toutes les conditions sont réunies pour que tous les abus imaginables aient eu lieux...
Et que font les gendarmes ?
Ils patrouillent plusieurs fois par jour sur ces lieux interdits à toute circulation puisque rien n'est sensé existé. On y trouve une voiture de temps en temps, brûlée lorsqu'il fait nuit mais encore roulante lorsqu'il fait jour. Parfois ils verbalisent, parfois ils laissent faire...
On l'aura compris, la loi est une option facultative en ces lieux...
Et cela n'a vraiment rien de risible, il y a déjà eu un mort...
C'est tout simplement un des plus gros scandale urbanistico-politico-financier de ces dernières années dans la région.
Les conséquences en sont énormes. On a déjà évoqué les préjudices culturels, ce ne sont pas les plus importants, loin de là .
Un projet de rénovation de la RN20 d'une grande ampleur est en préparation.
Peut-il voir le jour : NON.
Pourquoi ?
Parce que 40 ans d'urbanisation sauvage comme ce que l'on vient d'évoquer paralysent totalement toute initiative d'amélioration globale de la région.
Il faudrait que la municipalité ait un droit de préemption étendue le long de la RN20 pour que ce projet de rénovation puisse se faire, et la préfecture ne peut pas accorder un tel droit en raison des écarts aberrants existant entre le cadastre et la réalité du terrain...
Pourquoi ces écarts ?
Urbanisation sauvage...
La moitié de la ville est bonne à raser...
Voilà comment la connaissance reste enterrée tandis que l'obscurantisme progresse...
Il y a des endroits où l'on fait des décourtes majeures comme ce tronçon de voie romaine à Massy, il y en a d'autres où l'on n'est pas près de découvrir quoique ce soit...
Pour l'association de quartier DANGER CR9,
Dangercr9@free.fr