super5 a écrit:basco - landais a écrit:La Francilienne dans ce coin a eu une tres forte opposition de la part de la Mairie de Servon et surtout de Lesigny (demission complete du Conseil Municipal en opposition au projet) et n'a ete ouverte que sur une voie pendant quelques années
http://www.ina.fr/economie-et-societe/e ... ny.fr.html
Attention aux dates ! Le projet dont il est question dans cette émission télévisée de 1973 n’est qu’un lointain ancêtre de la Francilienne dont le concept, à l’époque, n’existait pas encore. Si vous avez un peu de temps pour lire ma prose, voici ce que j'ai appris petit à petit à force de fouiner dans les vieux cartons d'archives (dont le contenu, pour ce secteur, est malheureusement très incomplet
)
Il s’agissait juste de l’aménagement du CD51, un projet « pirate » du Conseil Général de Seine-et-Marne destiné, officiellement, à desservir les milliers de logements (construits, en cours de construction ou prévus) dans les ZAC qui fleurissaient discrètement depuis 1969 du côté de Pontault-Combault (2000 logements), Lésigny (4400 logements) et Roissy-en-Brie (8000 logements). Essentiellement des lotissements de maisons individuelles.
J’utilise le terme « pirate » car l’urbanisation de ce secteur se faisait en totale contradiction avec les prescriptions du SDAURP, dont la version initiale de 1965 et la version révisée de 1969 classaient le secteur en « zone d’espace vert et de loisirs en secteur rural », et aucun aménagement d’axe routier à grande capacité n’y était autorisé car cela aurait constitué un support d’urbanisation incontrôlée. Les élus locaux (et les promoteurs…) exploitaient simplement le fait que le schéma directeur n’avait jamais été approuvé officiellement et qu’il n’avait donc pas force de loi. Pour mémoire, Paul Delouvrier qui avait publié et fait appliquer son SDAU au forceps du temps où il était à la tête du District puis de la région, s’était fait beaucoup d’ennemis en imposant ses vues aux élus locaux et aux gros promoteurs (notamment dans l’épisode du rachat de la forêt de Notre-Dame par la région) mais au moins il faisait respecter ses grands principes. Après que ses opposants ont obtenu sa promotion à la tête d’EDF, début 1969, ses successeurs se sont montrés, semble-t-il, beaucoup moins attentifs ou intransigeants que lui et les aménagements en dehors des préceptes de base du SDAU ont été, d'un coup, nombreux.
Pour en revenir au CD51, son aménagement s’inscrivait dans le cadre d’un vieux projet d’axe Nord-Sud que le Département envisageait depuis la fin des années 50. Il s’agissait à l’époque d’aménager les CD51, 34 et 212 et de dévier tous les secteurs urbanisés pour créer une liaison homogène, si possible classée nationale, entre la préfecture de Melun et l’Autoroute dite alors ‘du Nord de la France’ au Mesnil-Amelot, via Brie-Comte-Robert, Champs-sur-Marne, Chelles et Claye-Souilly. Dans le « programme duodécennal 1964-1975 d’équipement de la Région de Paris » puis dans le SDAURP de 1965, seule la partie Nord de cet axe avait été retenue, sous la forme du projet de voie rapide G4, mais Delouvrier avait fermement refusé que la partie Sud entre A4 et RN19 le soit. Après son départ, le Département profitait discrètement du besoin d’améliorer la desserte des nouveaux lotissements (et, accessoirement, des financements d’Etat disponibles pour financer la desserte des principales ZAC) pour relancer son projet.
Du Sud vers le Nord, celui-ci comportait :
- une déviation Est de Servon, depuis la N19 jusqu’au CD51 au Sud de Lésigny,
- un aménagement sur place avec élargissement de l’emprise à Lésigny où le CD passait un peu à l’écart du bourg,
- un aménagement avec rectifications de tracé à travers la forêt de Notre-Dame, entre le Nord de Lésigny et la RN4 à Pontault-Combault,
- une déviation en tracé neuf par l’Est de Pontault-Combault et Émerainville,
- un raccordement à la VPO de Marne-la-Vallée, par prolongement de la déviation au Nord d’Émerainville.
En s’appuyant sur la future autoroute G4 au Nord et la RN5bis (future RN105) ou l’éventuelle autoroute A5 au Sud, entre Brie-Comte-Robert et Melun, on avait bien l’axe Nord-Sud souhaité.
L’aménagement était prévu à 2 voies, sur une seule chaussée de 7 mètres, mais les acquisitions foncières devaient être faites pour permettre un élargissement ultérieur à 2 fois 2 voies. Entre la RN19 et la RN4, les quelques carrefours étaient prévus à niveau, notamment celui avec la RN19 (une sorte de demi rond-point) et celui la route communale de Servon à Férolles ; entre la RN4 et l’A4 ils devaient être dénivelés d’emblée. Pour la DDE, le tracé ne posait pas de difficulté majeure, la plus grande partie se déroulant dans des secteurs encore non construits sauf au Sud du bourg de Lésigny, où plus d’une cinquantaine de maisons des deux principaux lotissements avaient été construites en bordure immédiate du CD51, à un endroit où aucune déviation n’était prévue à court terme.
Le tronçon compris entre Lésigny et Émerainville, soit les deux tiers du parcours, avait été classé comme voirie primaire de ZOH (Zone Opérationnelle d’Habitat) et, à ce titre, les travaux (18,75 MF) étaient financés à 100 % par le Ministère de l’Intérieur. La participation financière du Département se limitait donc à l’aménagement au droit de Lésigny et à la déviation de Servon.
Pour expliquer la réaction des habitants de Lésigny au moment du reportage de la télé en 1973, il faut revenir sur la façon dont ce projet « pirate » a été présenté et rappeler la chronologie des annonces. En effet, le projet a été découpé en sections qui ont fait l’objet d’enquêtes séparées, vraisemblablement au fur et à mesure de l’achèvement des études par le service des Ponts-et-Chaussées de Seine-et-Marne, et ce n’est qu’au bout de 3 ans que les habitants concernés ont pu réaliser que la départementale qui passait le long de leur lotissement risquait de devenir un jour une voie rapide à 2x2 voies à laquelle ils ne pourraient peut-être plus accéder et qui les séparerait du bourg ! Voici la chronologie :
En 1970, un premier projet est présenté, ne concernant que de la rectification du CD51 à travers la forêt de Notre-Dame :
- 17 janvier 1970 : prise en considération par le Conseil Général du projet d’aménagement et de rectification du CD51 entre Lésigny et la RN4 et déviation partielle de Pontault-Combault par l’Est (jusqu’à la rue des Prés Saint-Martin),
- 8 septembre 1970 : ouverture d’une enquête d’utilité publique sur ce premier projet,
- 5 mars 1971 : déclaration d’utilité publique de ce premier projet.
En 1971, nouvelle enquête portant cette fois sur le prolongement vers Marne-la-Vallée :
- 5 et 7 juin 1971 : prise en considération par le Conseil Général du projet de déviation par l’Est du CD51 à Pontault-Combault (2ème section) et Émerainville,
- 6 octobre 1971 : ouverture d’une enquête publique sur ce second projet.
Ce n’est qu’au cours de nouvelles enquêtes publiques lancées en 1972 et 1973 que sont apparues les notions de liaison entre Melun et Marne-la-Vallée, prolongée par l’autoroute G4 de Marne-la-Vallée à Roissy, et de classement de l’axe en voie express :
- 22 janvier 1972 : prise en considération par le Conseil Général des projets de déviation du CD51 par l’Est de Servon, entre la RN19 et Lésigny, et de prolongement de la déviation d’Emerainville jusqu’à l’A4
- 29 mai 1972 : ouverture d’une enquête publique préalable à l’attribution du caractère de route express à l’ensemble des sections du CD51 entre RN19 et A4
- 12 mars 1973 : ouverture d’une enquête d’utilité publique pour les projets de déviation de Servon et de prolongement du CD51 dévié jusqu’à l’A4.
Avec le recul, les réactions locales semblent totalement compréhensibles. Je retiens d’ailleurs que les riverains protestaient surtout parce que le projet ne prévoyait pas de déviation de Lésigny : le seul aménagement qui semblait se dessiner à terme devant chez eux était un doublement sur place et, avec le statut de ‘voie express’ qui était envisagé, ils n’étaient même pas certains de pouvoir continuer à la traverser pour aller dans le bourg ! Si une déviation avait été prévue dès cette époque, il n’y aurait sûrement pas eu autant de bruit médiatique… Pour l’anecdote, on remarquera que, parmi les riverains impactés, il devait y avoir quelqu’un qui avait de hautes relations puisque cette affaire de la non-déviation de Lésigny a fait l’objet non seulement d’une émission télévisée en 1973 mais aussi d’une question officielle à l’Assemblée Nationale, honneur que n’ont pas eu nombre d’autres aménagements pourtant plus importants…
Ce remue-ménage à très haut niveau a eu le mérite de faire dégager des moyens pour trouver une solution rapidement. A court terme, l’avis favorable du commissaire-enquêteur a été suivi par un décret d’utilité publique le 5 septembre 1973 qui concernait la totalité des aménagements entre la RN19 et l’A4 (y compris donc ceux déjà déclarés d’utilité publique en 1971), à l’exception de la traversée de Lésigny, du PK 2,760 (extrémité Nord de la déviation de Servon) au PK 5,750 (carrefour de Maison-Blanche au Nord du bourg), qui gardait son statut de route « normale ». La DDE a été priée d’engager immédiatement des études pour trouver un tracé acceptable pour une déviation de ce tronçon. Un premier projet, déjà dans les cartons, est présenté rapidement : il partait du carrefour de Maison-Blanche, contournait le bourg de Lésigny et le futur collège par le Nord, traversait le Réveillon et le longeait sur sa rive Est, sur le territoire des communes de Férolles-Attilly, où de nombreux aménagements urbains étaient envisagés (des lotissements !), et de Servon. Ce projet fut abandonné aussi rapidement qu’il avait été présenté car apparemment la majorité des habitants de Férolles-Attilly refusait l’ensemble des aménagements (lotissements et voie rapide). La commune de Servon refusant elle aussi qu’on touche à son territoire pour régler un problème qui ne concernait que Lésigny, la DDE a dû se replier en catastrophe sur le seul autre tracé possible, celui que nous connaissons aujourd’hui, car toute déviation par l’Ouest à travers la forêt de Notre-Dame était totalement inenvisageable (c’était pourtant ce que proposaient jusqu’à l’Assemblée Nationale certains des riverains opposés à la voie express devant chez eux…). Le tracé proposé restait sur le territoire de la commune de Lésigny au prix d’une géométrie un peu défavorable (virage de presque 90° pour rattraper la déviation de Servon) et le problème du passage au droit du Vieux Bourg était réglé par un enfoncement du tracé de quelques mètres, ce qui permettait de couvrir la voie nouvelle sur quelques dizaines de mètres entre le bourg et les nouveaux lotissements. Ce projet un peu bancal, mais acceptable pour une voie départementale, est pris en considération, faute de mieux, par le Conseil Général le 23 janvier 1976 (avec cette fois l'approbation du conseil municipal), soumis à enquête publique le 21 avril suivant et déclaré d’utilité publique le 8 mars 1977.
L’idée d’utiliser le CD51 dans le cadre d’une grande rocade de l’Ile de France qui remplacerait l’A87 n’est apparue que plusieurs années plus tard. Dans le SDAURIF de 1976, par exemple, son aménagement n’est pas évoqué du tout ; il restait un projet purement départemental et l’A87 conservait son rôle de rocade principale de la région. De même, en 1981 et 1982 le tronçon de la Francilienne actuelle compris entre Evry-Grégy-sur-Yerres et Combs-la-Ville a fait l’objet de 2 enquêtes d’utilité publique successives mais il ne s’agissait que… de la déviation locale du CD50 de Seine-et-Marne !!!
En fait, j’ai l’impression que ce sont les grosses difficultés financières de l’Etat dans les années 1982-1983 qui ont enclenché le processus de façon indirecte, alors qu’étaient engagées des réflexions pour une révision du projet d’infrastructures routières du SDAURIF. Depuis plus d’une dizaine d’années (comité interministériel du 15 octobre 1970), la priorité avait été donnée à la réalisation des 2 rocades A86 et A87 mais leur construction se heurtait à des obstacles de plus en plus nombreux et, année après année, chaque kilomètre nouveau à engager coûtait de plus en plus cher. Petit à petit la construction de la rocade principale A87 était passée en priorité 2 et tous les moyens financiers avaient été concentrés sur la « petite » rocade A86 pour réaliser au moins une liaison entre l’A1 et l’A6 évitant le Boulevard Périphérique. La réduction drastique du budget des routes imposée dans le cadre du plan de rigueur de mars 1983 semble avoir été le déclic qui a fait émerger au sein de la Direction des Routes l’idée qu’il fallait être réaliste et qu’on ne pourrait jamais construire l’A87 telle qu’elle était envisagée (2 fois 4 voies). Déjà, pour le tronçon Nord-Est entre F2 et A4, plusieurs voix proposaient de décaler sa construction de 2 ou 3 décennies, vu que celle de G4 avait démarré quelques kilomètres plus à l’Est. De même, pour le tronçon Sud-Est entre A4 et la future A5 la mise au point de l’APS piétinait depuis des années à cause de l’opposition systématique des maires locaux et on se disait qu’avec A86 à l’Ouest et le doublement du CD51 à l’Est on pourrait sans doute tenir de longues années.
C’est ainsi que le 16 mai 1984 on a pu découvrir le nouveau projet d’infrastructures routières du SDAU, approuvé par le décret n° 84-370, dans lequel l’A87 abandonnait son statut de « support du parti d’aménagement régional » pour devenir une simple « autre liaison » dont de nombreuses sections en pointillés indiquaient qu’il s’agissait d’un axe dont le tracé « doit faire l’objet d’études complémentaires », c'est-à-dire reporté aux calendes grecques... En parallèle apparaissait un axe à peu près continu de Charles-De-Gaule jusqu’à l’A10 à La Folie-Bessin, classé également parmi les « autres liaisons ». Il ne portait pas d’appellation particulière et on s’était contenté de faire figurer la numérotation de quelques uns des petits bouts de sections qui avaient été juxtaposés pour le constituer : A104, RN105, RN447 (F6), RN446 et F6.
L’appellation « Liaison Interdépartementale des Villes Nouvelles » n’est apparue que plus tard, sans doute en 1985 ou 86 et elle n’a pratiquement jamais été utilisée au niveau du grand public. Jusqu’à présent j’ai rarement fouillé dans des archives aussi « récentes » mais il va falloir que je m’y mette pour essayer de retrouver le compte-rendu de la réunion où cette appellation a été utilisée pour la première fois. Quant à la date d’apparition du terme « Francilienne », elle est mieux connue, vu que l’évènement a été médiatisé : c’est juin 1987, comme l’indique la fiche du
Wiki.
Dernières petites précisions :
- A sa naissance, la RIVN ne constituait qu’un grand contournement Est de la région parisienne, de l'A1 à l'A6. Ce n’est qu’avec le concept de « Francilienne » qu’on a cherché à lui faire faire le tour complet en lui rajoutant des morceaux de RN118, B12, A12, A13 et A88. A noter que cette Francilienne d’origine ne comportait pas de barreau Nord entre A16 et A1 : le bouclage était prévu par le BIP.
- le numéro N104 a été proposé pour la section A4 – A10 après la réunion d’un groupe de travail à la Direction des Routes (sous-direction des investissements routiers / bureau des opérations urbaines) en avril 1988. Le compte-rendu précise :
Numérotation Francilienne 13 avril 1988.JPG
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