Sud Ouest a écrit:Ils rêvaient d’autoroute…
En 1905, un projet d’autoroute Arcachon-Biarritz, le long de l’océan en traversant la forêt landaise, a fait couler beaucoup d’encre et dépenser beaucoup d’argent.
Il y a longtemps, très longtemps, bien avant Natura 2 000, la Loi Littoral et les directives européennes, tout était permis. Même d’envisager la construction d’une autoroute entre Arcachon et Biarritz à 500 mètres de la côte, au beau milieu de la forêt des Landes.
Dans son dernier bulletin, la Société historique d’Arcachon et du Pays de Buch raconte, sous la plume de Claude et Marie-Christine Rouxel, cette extraordinaire histoire : le boulevard automobile Arcachon-Biarritz, une sorte d’utopie qui a vécu entre 1905 et 1908, qui a eu beaucoup de supporters… et pas mal de détracteurs !
Où va-t-on trouver les sous ?
Au commencement était donc un article de « L’Avenir d’Arcachon » le 4 décembre 1904 qui annonce la création d’une route entre Arcachon et Biarritz réservée aux autos et aux vélos : 130 kilomètres de long sur 8 mètres de large, avec droit de péage, 20 francs pour une voiture, un franc pour une bicyclette. Une autoroute, donc, rien moins, un truc véritablement révolutionnaire, la première en France.
Forcément, le projet passionne. Et grandit : la voie passe à 20 mètres et le coût à 8 millions de francs. Problème : il faut l’accord de cinq ministères ! Et des sous !
En tout cas, deux expéditions de reconnaissance sont organisées dans ces contrées landaises qui sentent plus le pin et l’iode que la modernité ! La première a lieu du 20 au 23 mars 1905 sous le patronage du comité d’initiative du boulevard Arcachon-Biarritz. L’excursion a lieu à cheval et en charrette, forcément. Le maire d’Arcachon, James Veyrier Montagnères, est du voyage (pour une partie seulement), mais aussi des responsables de clubs automobiles, des journalistes parisiens, etc. La route, cahoteuse, ponctuée de banquets et d’ornières, s’achève en apothéose à Biarrtiz le 23 mars par un vin d’honneur à la mairie de Biarritz.
Mais les informations glanées au fil des kilomètres sont précieuses. Le projet prend forme : c’est une vraie autoroute, avec des arrêts refuge, des poteaux indicateurs en quatre langues, des clôtures, un terre-plein au milieu, et un coût total de 9 millions de francs.
Le 26 octobre 1905, une deuxième caravane part en reconnaissance mais simultanément, le préfet des Landes s’oppose au projet : « Voilà un contretemps fâcheux, écrit l’Avenir d’Arcachon, nous espérons toute fois que cette décision n’est pas irrévocable. » Ils espèrent bien puisque le député d’Arcachon intervient et fait en sorte qu’en décembre 1905, la continuation des études soit autorisée par l’administration.
Les poids lourds chez nous ?
Le projet est présenté au Salon de l’auto à Paris le 8 décembre, la Chambre syndicale du cycle et de l’auto pousse en sa faveur. Et pourtant, « il faut bien avouer que dans la pratique, les choses n’avancent guère, écrivent Claude et Marie-Christine Rouxel. Pire encore, durant l’année 1906, il va être beaucoup question de l’amélioration de la route Bordeaux-Bayonne. »
Heureusement, le Conseil général des Basses-Pyrénées émet un vœu en faveur de l’autoroute le 30 décembre 1906. Or, son président, Louis Barthou, est également ministre des Travaux Publics.
Las, des études sont annoncées, des essais sont tentés, le maire d’Arcachon propose un montage financier pour trouver les 12 millions de francs nécessaires (hé oui, tout augmente) avec une émission de bons à lots remboursables, il somme les Ponts-et-Chaussées en juillet 1908 d’établir un projet de route mais rien n’avance. L’oubli attend le projet pour l’engloutir.
Et c’est ce qui arrive, même si avant-guerre et pendant l’occupation, des chômeurs et les Allemands défrichent et construisent un semblant de route en direction de Biscarrosse. Le « Boulevard » n’ira pas plus loin.
Mais faut-il s’en plaindre ? « Une telle entreprise était un peu utopique, avouent Claude et Marie-Christine Rouxel. Mais on peut la qualifier de visionnaire et, si elle avait abouti, Arcachon aurait bénéficié de la première autoroute de l’Histoire et bien des choses auraient été différentes. » Oui, il suffit, par exemple, de penser aux immenses et incessants convois de camions qui sillonnent l’A 63…
Des photos à l'adresse http://www.sudouest.fr/2013/11/05/ils-r ... 4-2733.php