Tram-train : avant Lille, Mulhouse ouvre la voie
Alors qu'un tram-train doit faire son apparition dans la métropole lilloise à l'horizon 2017, nous nous sommes rendus à Mulhouse, en Alsace, qui a inauguré en décembre le premier tram-train du genre en France, pour découvrir comment fonctionne ce mode de transport. Reportage.
Au pied de la Porte jeune, l'équivalent mulhousien d'Euralille, le piéton est le roi du pavé. Ici, pas de voitures ou presque. Seuls le crissement des tramways sur les rails et le brouhaha des conversations se font entendre. Les tramways jaunes, qui quadrillent le centre-ville de la sous-préfecture du Haut-Rhin, charrient les voyageurs à flot continu. Et au milieu de cette armada, chaque demi-heure, surgit le fameux tram-train, plus massif, et tout de bleu vêtu. Celui-là même qui attire toutes les semaines des cohortes d'élus en quête d'informations sur ce véhicule encore largement inconnu.
On embarque pour Thann, une commune située à 22 km de là. Thann, la porte d'entrée de la vallée de la Thur, un secteur fortement urbanisé dont les accès routiers sont saturés. En voiture, quand la voie est libre, c'est 25 minutes de route. En TER, 18. En tram-train, 45. « Le TER est plus rapide mais l'avantage du tram-train, pour ceux qui viennent de Thann, c'est qu'il ne dessert pas que la gare de Mulhouse, mais six autres stations du centre, l'université, la mairie ou encore la Porte jeune, et puis, il circule de 5 h à 23 h », détaille Jean-Michel Macra, directeur du pôle transports de M2A (Mulhouse Alsace Agglomération).
Le paquebot bleu serpente en silence dans les rues de la ville. Sur des rails tantôt engazonnés, tantôt pavés. En embarquant, on oblitère son ticket sur un composteur à double entrée : d'un côté, la taille de ticket classique, de l'autre, celle d'un billet SNCF. Car le véhicule est cogéré par cette dernière et Soléa, entreprise qui a la délégation des transports publics dans le ressort de M2A. Les chauffeurs du tram-train sont d'ailleurs pour moitié des agents de Soléa et de la SNCF. Ce qui suppose une formation de chacun pour apprendre la réglementation qui s'applique à la circulation urbaine ou ferroviaire...
Le tram-train très critiqué
À bord du véhicule, les voyageurs sont loin de l'enthousiasme béat. À commencer par les anciens habitués du TER, qui disent avoir perdu en rapidité.
« Il y a autant de trains qu'avant, mais les horaires ont bougé, donc quand je prends le tram-train pour aller en gare de Mulhouse où j'ai une correspondance, je perds au moins un quart d'heure », peste Perrine, lycéenne de 17 ans. Allan, 19 ans, affirme que le TER n'est pas seulement plus rapide mais également « plus confortable » et doté de « plus de places ». En revanche Micheline et Henri, âgés de 65 ans, qui habitent Thann, vont « beaucoup plus souvent en ville qu'avant » depuis l'arrivée du tram-train en décembre. Et Michel, 61 ans, estime que le tram est « toujours à l'heure contrairement aux TER », et trouve que « la ville a sacrément changé avec l'arrivée du tram ».
Au sortir de la ville, le tram flâne à 70 km/h et emprunte une voie dédiée longeant les voies réservées au trafic SNCF, qui était trop intense à cet endroit pour y ajouter de nouveaux créneaux. Étrange sensation : à bord d'un tram, ce n'est pas tous les jours qu'on se voit doubler par un TGV.
Mais après la station de Lutterbach, le doux ronronnement qui devait vous conduire tout droit à un assoupissement certain est interrompu par un « clac » soudain : la faute au disjoncteur, alors que le tram rallie les voies SNCF. « Ici, on passe d'un courant de 750 V à 25 000 V, en mode TER ! », sourit Jean-Michel Macra. Le tram devient train et le « ronron » est remplacé par le « tac-tac » caractéristique du bon vieux train corail. Puis c'est l'accélération, de 70 à 100 km/h, et la longue ligne droite entrecoupée par les six stations qui séparent Lutterbach de Thann. Certaines gares, qui n'étaient plus desservies par le TER, ont même ressuscité avec l'arrivée du tram-train. Au retour, ce sera le même sentiment : du « tac-tac » à la sensation de rouler en apesanteur, on passe du train au tram à bord du même véhicule. Avant d'être déposé en douceur au pied de la Porte jeune. Et de se retrouver de nouveau roi du pavé.