SudOuest du 16 Mars 2012 a écrit:Bordeaux-Mérignac : du train à l'avion d'un coup de rame
Le projet de navette entre la gare et l'aéroport avance. L'idéal serait une liaison ferroviaire totale mais ça paraît difficile.
Pas de guerre programmée entre la gare Bordeaux-Saint-Jean et l'aéroport de Mérignac, à l'horizon 2017, lorsque la LGV mettra Bordeaux à deux heures de Paris. « Aucune raison qu'on se livre bataille », souligne Pierre Boutier, le directeur régional SNCF. « Nous ne sommes pas concurrents mais complémentaires. Aussi, plutôt que nous chamailler, avons-nous engagé avec Pascal Personne, directeur de l'aéroport, une réflexion commune sur l'avenir de nos établissements. En partant de l'idée que le client fera, et lui seul, le bon choix. Il prendra l'avion lorsque ce sera la meilleure solution, le train lorsque ce sera le mieux pour lui. »
Autant le train peut piquer des voyageurs à l'aéroport, autant il peut aussi lui en apporter avec ses trains rapides. Et vice versa. Ce que démontrent les chiffres dans les grandes villes de France déjà dans l'ère LGV.
100 000 voyageurs via Jetbus
Lyon, par exemple. La SNCF et l'aéroport progressent de façon aussi spectaculaire l'un que l'autre. La gare Lyon-Part-Dieu a vu son trafic doubler en dix ans (24 millions de voyageurs en 2011 contre 12 millions en 2001) et, malgré la LGV, l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry a battu tous les records l'an passé en dépassant les 8, 3 millions de voyageurs (+ 19 % en un an pour les vols low-cost).
À Bordeaux, on peut donc s'attendre à un phénomène identique. « Pour que la gare et l'aéroport s'apportent des clients, il est indispensable toutefois que les deux sites soient mieux reliés », précise Pierre Boutier. « 100 000 voyageurs par le biais de la navette aujourd'hui, c'est bien mais cela peut-être bien mieux. »
Un point de vue que partage pleinement Patrick Stefanini, préfet de région. Il l'a rappelé hier. « Il faut une navette plus directe, plus rapide que celle qui est proposée à ce jour. Certes, la navette Jetbus est intéressante mais elle met trop de temps. De 45 minutes à 1 heure 30 suivant les embouteillages, c'est bien trop long. »
La liane 1 mise en service par Keolis entre les Quinconces à l'aéroport a un peu amélioré la situation. Elle aussi, hélas, dépend du trafic. Le dimanche, ça va, la semaine aux heures de pointe, c'est la galère.
La compétence de la CUB
« Les transports, ce n'est pas l'affaire de l'État, c'est la compétence de la CUB. Nous y travaillons ! », répond à toutes ces remarques Gérard Chausset, vice-président de la Communauté urbaine chargé des transports de demain. Au schéma des déplacements urbains figure donc en bonne place la réalisation d'une liaison rapide entre la gare et l'aéroport.
« Il y a plusieurs scénarios possibles », précise Gérard Chausset « C'est pour retenir le meilleur que des études sont en cours. Les conclusions seront connues au plus tard en début d'année prochaine. »
De tout cela, il sera certainement question ce matin lors de la réunion plénière de la CUB. Les transports figurent à l'ordre du jour de la réunion, avec en tête de liste, la création d'un tram-train entre Blanquefort et Bordeaux. « Si le préfet veut maintenant financer la liaison de l'aéroport, nous sommes preneurs ! », ironise Gérard Chausset. Ce qui n'est pas l'intention du préfet visiblement. « Les transports, c'est en effet la compétence de la CUB. Pas question pour moi de la contester. Je sais également que des études sont programmées. Les services de l'État apportent leur contribution » dit-il. « À moyen terme, le problème sera donc réglé mais lorsque je vois le trafic de l'aéroport et celui de la gare progresser de façon aussi rapide, je pense qu'il y a urgence et qu'il faudrait trouver une solution intermédiaire, en attendant. Je rencontre Vincent Feltesse la semaine prochaine, je lui en parlerai. »L'exemple de Lyon : une navette directe entre la gare et l'aéroport
Avec Satobus, une liaison autocar, il fallait 50 minutes pour se rendre de la gare Lyon-Part-Dieu à l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry. Avec « Rhône Express », une liaison ferroviaire, de bout en bout, il faut 29 minutes aujourd'hui. D'où le succès. Lors de sa dernière année d'activités (2009), Satobus a transporté 845 000 voyageurs, lors de sa première année pleine (2011), Rhône Express a accueilli 1, 1 million de voyageurs.
Derrière le tram, devant la navette Rhône Express. À Lyon, on se partage déjà les voies.
Une salle d'attente roulante
Rhône Express n'est pas tout à fait un train, ni tout à fait un tram, ni un tram-train. « C'est un prototype. Nous en sommes fiers. Nombreux sont ceux qui nous l'envient », précise Luc Borgna, le directeur de la société concessionnaire.
Cette navette est exemplaire à plus d'un titre. Elle a été pensée et conçue « comme une salle d'attente roulante. » La navette est spacieuse (27 mètres de long, 2,55 mètre de large), les sièges sont rembourrés, les couleurs agréables (du rouge et du gris), des prises sont là pour brancher son téléphone ou l'ordinateur et, comme dans une pré-salle d'embarquement, des écrans annoncent les départs des avions. Cette navette navigue enfin de façon continue. Un départ toutes les 15 minutes. De 5 heures du matin à minuit, 365 jours par an.
Un partenariat public-privé
Ce projet n'a pas du tout été traité dans le cadre du réseau de transport lyonnais. Il a été initié par le Conseil général du Rhône et concrétisé dans le cadre d'un partenariat public-privé. Propriétaire de l'emprise de l'ex chemin de fer de l'est lyonnais, le département a cédé le lieu de passage à condition qu'il soit conservé et dédié aux transports collectifs. Pour alimenter l'est de l'agglomération ainsi que le nouvel aéroport. Sur les 22 kilomètres qui séparent la gare Lyon-Part-Dieu, 15 kilomètres étaient donc déjà trouvés. Ici, le tram (ligne T3) et Rhône Express se partagent les voies. Il ne restait donc que 7 kilomètres de plus pour atteindre l'aéroport.
Une société a été tout spécialement créée pour mener à bien le projet : Rhône Express, une société où se retrouvent réunies la CDC Infrastructure, filiale de la caisse des dépôts (36,6 %), Vinci (35,2 %) et Veolia-Transport (28,2 %).
Les collectivités, le Conseil général entre autres, ont exclusivement apporté une aide financière pour la construction de l'infrastructure, la société prenant en charge le reste de l'investissement (matériel roulant, locaux…) ainsi que des charges liées à l'exploitation durant les trente ans de la délégation de service public.
120 millions d'euros d'investissement (62 millions d'emprunt, 18 millions apportés par les actionnaires et 40 millions de subventions.) CFTA Rhône, filiale de Veolia Transport assure l'exploitation, l'entretien et la maintenance.
Un peu cher
Pour avoir testé cette navette, on peut affirmer que la formule est idéale. Sur les 7 kilomètres qui lui sont propres, Rhône Express roule jusqu'à 100 à l'heure et sur la partie commune à 40 à l'heure.
Sur le plan technique, l'utilisation des voies par le tram et la navette ne pose également aucun problème. La navette se glisse entre les trams, et adapte sa vitesse pour ne pas rattraper celui qui le précède ou retarder celui qui suit. Tout cela sans avoir à s'arrêter partout. Trois arrêts seulement.
Un point négatif tout de même : le prix du billet. 14 euros le voyage, 25 euros l'aller-retour. C'est cher. Difficile de faire autrement. Le service a un coût élevé et malgré les prix pratiqués, la société n'arrivera pas à équilibrer ses comptes avant d'avoir atteint 1,5 million de voyageurs.
Jean-Paul Vigneaud
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