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JDD a écrit:La reconquête de la Petite Ceinture
EXCLUSIF. La Ville de Paris et Réseau ferré de France ont lancé une "réflexion commune" sur le devenir de la rocade ferrée circulaire à l’abandon. Les premières pistes.
Aucun voyageur n’a emprunté cette ligne depuis… soixante-dix-sept ans. Pourtant, la Petite Ceinture (PC) est toujours là, inexploitée, inaccessible, désespérément vide mais intacte. Le badaud a une impression de gâchis quand il croise cette infrastructure ferroviaire abandonnée qui fait le tour de Paris sur 32 km, à l’intérieur des boulevards des maréchaux. Pourquoi tant d’espace perdu dans une ville qui manque cruellement de foncier et de verdure? La question de son exploitation s’était posée lors de la création du tramway T3, finalement implanté sur les Maréchaux.
Après des années de tergiversations, la Mairie de Paris et Réseau ferré de France (RFF), propriétaire de cet axe circulaire, sont sur le point de trouver un accord – dans les grandes lignes. Les deux parties ont commandé une "étude prospective" à l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur). Le JDD a pu consulter cette étude confidentielle. Des ébauches de projets y figurent qui, s’ils restent à valider, ont les faveurs de RFF et de la Ville.
La PC a été progressivement mise en service à partir de 1852. À son apogée, en 1900, son trafic atteignait 39 millions de voyageurs par an. Mais avec l’arrivée du métro, la ligne périclite, jusqu’à la fin de son exploitation commerciale en 1934. Le trafic de marchandises perdure de manière épisodique jusque dans les années 1970. Aujourd’hui, seule la partie ouest de la PC voit encore des trains rouler, sur 2 km, puisque le RER C passe par ici en direction d’Argenteuil. Une autre petite section, au nord, sert au retournement des locomotives des gares du Nord et de l’Est.
Vingt-trois kilomètres encore inexploités
En 2006, la Ville et RFF signent une convention – arrivée à terme en juin dernier et prolongée jusqu’à décision – stipulant que la boucle doit conserver sa "vocation ferroviaire". Quelques "aménagements réversibles" – jardins partagés, sentier nature – sont autorisés sur les bas-côtés des voies (loués 7 euros le m²). Lundi, le conseil de Paris se penchera sur un projet de promenade – démontable – de 1,3 km sur un tronçon du 15e, qui doit être inauguré fin 2013 pour sept ans (lire encadré).
Quid des 23 km de la PC toujours déserts? L’heure est venue de leur trouver un nouveau destin. Les élus écologistes parisiens lancent une offensive en ce moment, réclamant l’organisation d’un "vaste débat public" sur la PC en 2012 – "Pourquoi pas un référendum?", s’interrogent même certains. Ils ont déposé un voeu en ce sens au conseil de Paris de lundi. "Nous sommes très attachés à ce corridor écologique et inquiets à l’idée d’un démantèlement", souligne Fabienne Giboudeaux, adjointe EELV chargée des espaces verts. L’élue présente également lundi au conseil de Paris son plan biodiversité* ; la PC y a toute sa place.
Depuis 2006, la situation a changé, notamment avec l’arrivée du T3. "RFF est beaucoup plus allant", se réjouit la première adjointe PS, Anne Hidalgo. RFF opère en effet un virage : "Jusqu’ici, nous tenions au maintien de tous les rails, en cas de reprise du trafic. Désormais, nous sommes prêts à renoncer à la vocation ferroviaire de certaines portions", confie Olivier Milan, responsable du dossier à la direction régionale de RFF. L’entreprise publique serait même disposée à "céder" certaines sections à la Ville.
Une ligne Buttes- Chaumont/Père-Lachaise?
Dans ce contexte, l’étude de l’Apur suggère une "reconquête" des tronçons inutilisés. La portion sud, du pont du Garigliano à la porte d’Italie, pourrait ainsi être "déclassée" du réseau ferré national pour devenir une promenade pérenne (comme c’est déjà le cas dans le 16e, entre Auteuil et la Muette) ; les rails et les équipements de sécurité seraient alors démontés. Quant à la portion est, entre la gare Évangile et la porte Dorée, elle pourrait accueillir une nouvelle ligne de tramway qui passerait par les Buttes-Chaumont et le Père-Lachaise. "Une piste de réflexion intéressante", estime Olivier Milan. Le reste demeurera en l’état, dans les 17e-18e et 12e-13e, histoire de ne pas "insulter l’avenir" ferroviaire.
RFF souhaite "annoncer une position commune avec la Mairie" au premier trimestre 2012. Reste quelques problèmes à résoudre : la volonté de RFF de construire des logements sur certaines portions ; les réticences des arrondissements qui veulent avoir leur mot à dire ; ou encore l’usage qui peut être fait des longs tunnels de plus de 1 km, non conformes aux normes de sécurité et peu propices à la promenade.
*Ce plan prévoit, entre autres, la création de 40 nouvelles mares ou milieux humides, de 7 ha de toitures végétalisées supplémentaires dans la capitale à l’horizon 2020…