Le Parisien a écrit:
L’avenir du Charles-de-Gaulle Express compromis
A quelques jours du lancement des travaux, la liaison directe entre Roissy et Paris a du plomb dans l’aile. Les principaux élus de la région s’y opposent désormais, craignant une overdose de travaux qui nuirait aux RER, transports du quotidien.
C’est une folle semaine qui vient peut-être de faire basculer le projet du Charles de Gaulle Express, cette liaison ferroviaire directe entre Roissy et la gare de l’Est.
Ce serpent de mer était sur le point de franchir les derniers obstacles avant le lancement des travaux. Sauf qu’entre-temps, la mobilisation d’associations d’usagers et d’opposants aux projets a fini par payer. Valérie Pécresse, présidente LR de la région, et Anne Hidalgo, maire PS de Paris, jusque-là soutiens prudents du projet, ont demandé à l’Etat de suspendre le CDG Express en l’absence de garanties sérieuses sur le maintien d’une bonne qualité de service sur les lignes de banlieue, notamment le RER B.
Le projet était dans la dernière ligne droite. Initialement, ce lundi devait même être signé un contrat de concession entre l’Etat et la société commune Aéroports de Paris (ADP)-SNCF Réseau-Caisse des Dépôts, chargée de construire cette ligne de 32 km, dont 24 km sur des voies déjà empruntées par le Transilien K et le TER Paris-Laon, parallèles au RER B. Le terme d’un long processus, initié en 2012 par Augustin de Romanet, PDG du Groupe ADP, qui a fait du CDG Express une priorité.
Après une série d’enquêtes publiques et d’études, une loi et un prêt de l’Etat d’1,7 Mds€, la société pouvait être constituée et les travaux lancés, normalement dès février 2019. Les JO 2024, pour lesquels le CDG Express avait été rajouté dans le dossier de candidature, étaient passés par là. RATP et Keolis ont même été choisis pour faire rouler le futur train, qui serait construit par Alstom.
La colère des usagers. C’était sans compter sur la mobilisation d’usagers et d’élus locaux. Critiqué depuis le début par des élus de Seine-Saint-Denis, des maires comme celle de Mitry-Mory (Seine-et-Marne), et des associations comme Non au CDG Express de l’ancien cheminot CGT et élu parisien Didier Le Reste, le CDG Express a pourtant survécu aux multiples recours devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat.
Une mobilisation qui a commencé par quelques distributions de tracts sur les gares du RER B, et qui a fini par trouver un écho à mesure que la ligne aux 900 000 voyageurs cumulait les difficultés. Les associations COURB, Plus de Trains, Usagers du RER B en colère ont rejoint le mouvement, le CDG Express devenant le symbole d’un train pour riches qui, pour 24 € le billet, ne servirait pas aux voyageurs du quotidien tout en perturbant son fonctionnement.
Le revirement des politiques. Alors qu’Ile-de-France Mobilités (IDFM), autorité organisatrice des transports dans la région présidée par Valérie Pécresse, devait rendre un ultime avis sur le CDG Express le 12 décembre dernier, le ton des élus s’est soudain durci. Le lundi 10 décembre, Valérie Pécresse signait avec Augustin de Romanet, le PDG d’Aéroports de Paris, une charte pour l’accueil des touristes d’ici 2024. « On ne peut pas opposer une desserte directe pour l’aéroport et les transports du quotidien, expliquait-elle. Les deux se complètent et s’améliorent mutuellement ». Deux jours plus tard, elle évoquait clairement un report du CDG Express, faute de garantie sur le RER B.
Même changement de ton chez Anne Hidalgo. La Ville de Paris jugeait jusqu’alors le projet « essentiel à l’attractivité » de la capitale. Le 13 décembre, la maire redoutait que CDG Express ne devienne « une liaison obsolète et néfaste pour les transports du quotidien ». Les Gilets jaunes semblent être passés par là. Dans un contexte de lutte pour le pouvoir d’achat et la mobilité, « il devenait de plus en plus risqué de défendre le CDG Express au détriment du RER B », fait valoir une source proche du dossier.
Décisions début 2019. Conséquence : le projet est en suspens. Selon nos informations, le ministère des Transports planche actuellement sur des solutions pour tenter de rassurer Valérie Pécresse sur la compatibilité des travaux du CDG Express avec le bon fonctionnement du RER B. Un groupe de travail présidé par le préfet de région Michel Cadot s’est réuni une première fois début novembre. Il devrait à nouveau se réunir en janvier ou février. Le planning de tous les chantiers ferroviaires au nord de Paris sera recalé. C’est à ce moment-là que l’on saura si le CDG Express passe à la trappe ou pas.
UNE OVERDOSE DE TRAVAUX EN PRÉVISION
Ce sont des documents qui ont mis le feu aux poudres. A mesure que la date du début des travaux de CDG Express approchait, le planning des chantiers se précisait. Et la SNCF a mis les problèmes sur la table, d’abord discrètement, lors de réunions entre ingénieurs. Selon un document que nous avons pu consulter, l’entreprise a commencé fin novembre à chercher des sous-traitants pour réaliser les immenses travaux sur son réseau au nord de Paris. « 500 projets entre 2018 et 2024 », et une « réelle incertitude sur la capacité à réaliser l’ensemble des travaux à l’horizon 2024 », reconnaît-on.
Parmi ces chantiers à 3,3 Mds € sur la période, près de la moitié (1,4 Md) concerne le CDG Express. Pour le train de l’aéroport, sont notamment prévus, dans un calendrier serré entre 2019 et 2023 : la création de trois ponts-rails à Mitry-Mory (77), d’un tunnel d’1,5 km sous les pistes à Roissy, le changement d’équipements ferroviaires (quais, rails, signalisation) à Drancy, Aulnay, Le Blanc-Mesnil (93), Villeparisis (77) ou au Bourget (93), de gros travaux de génie civil près des voies à Saint-Denis, le renouvellement de ponts et le franchissement de la porte de la Chapelle en viaduc…
Difficile de croire que ces lourds travaux pourront être menés sans prévoir des week-ends et des nuits de coupure, et aussi des ralentissements de trafic sur les RER B ou la ligne K. D’autant que ces lignes attendent aussi des travaux : renouvellement de la caténaire, changement des voies et des rails entre Aulnay et Roissy et Aulnay et Mitry… Il va falloir faire des choix pour éviter l’overdose.