L'article évoque aussi un débat d'obsolescence du Grand PAris, qui pourrait être remplacé par des navettes autonomes sur les autoroutes
http://www.lejdd.fr/jdd-paris/grand-paris-express-peut-on-faire-mieux-3572096
Le Journal du dimance a écrit:
Grand Paris express : peut-on faire mieux?
18h00 , le 12 février 2018
Le Grand Paris Express devrait être confirmé, avec des retards. Des spécialistes de la mobilité suggèrent d'y intégrer la "route connectée".
Atention, le Grand Paris Express peut en cacher un autre. Lancé en 2010 par le président Sarkozy, confirmé par le président Hollande, le projet de "supermétro" automatique de 200 kilomètres en rocade autour de la capitale attend aujourd'hui les arbitrages du président Macron. Ceux-ci sont repoussés depuis le mois d'octobre, à l'instar des décisions concernant la gouvernance régionale. Pendant la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron louait les mérites de ce "grand projet de métro [qui] a passé sans encombre l'alternance politique de 2012, [étant lui-même] de ceux qui y [avaient] veillé". Fin janvier, le Premier ministre, Édouard Philippe, a assuré que le Grand Paris Express – ses 68 gares, ses deux lignes prolongées (14 et 11) et ses quatre lignes crées (15, 16, 17 et 18) – sera "mené à bien dans son intégralité"… Mais pas dans les délais prévus.
Dérapages budgétaires
Mi-janvier, la Cour des comptes publiait un rapport accablant, chiffrant la construction du Grand Paris Express (GPE) à 35 milliards d'euros – et même 38,5 milliards si l'on ajoute les autres projets de transports franciliens, comme le prolongement du RER E (Éole). Sommes à comparer aux 19 milliards d'euros avancés à l'origine, avec une mise en circulation en 2025, et aux 26 milliards lors de sa réévaluation en 2013, avec une livraison prévue en 2030. Selon les derniers calculs de la Cour des comptes, l'endettement de la Société du Grand Paris, l'établissement public chargé du projet, atteindrait 134 milliards d'euros (avec les frais financiers) et le remboursement serait reporté de vingt-cinq ans, de 2059 à 2084, voire au-delà de 2100.
Lire aussi : Jean-Louis Missika sur le Grand Paris Express : "Evitons de figer l’ensemble du dispositif dans un grand programme intangible"
Pourtant, l'obstacle budgétaire ne semble pas insurmontable. Le 30 janvier, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a confié une mission au député (LR) Gilles Carrez, spécialiste des finances publiques, visant à trouver de "nouvelles ressources à identifier" afin de "rétablir la soutenabilité économique du projet d'ensemble". Comment ? "Nous devons trouver 200 à 250 millions d'euros par an ; ce n'est pas hors de portée", explique Gilles Carrez au JDD, évoquant par exemple la possibilité d'augmenter la taxe de séjour pour les touristes (hôtels et locations touristiques). Une telle surtaxe GPE viendrait s'ajouter à celle existante sur les bureaux franciliens. "Tout doit être prêt pour la loi de finances 2019, pour une application dès 2019", précise le député, pour qui "le problème n'est pas tant financier que technique".
Trois vagues de livraison
"L'argument budgétaire ne me paraît pas recevable, abonde Jean-Louis Missika, adjoint d'Anne Hidalgo à la mairie de Paris, chargé de l'urbanisme, du développement économique et des projets du Grand Paris. Car le mode de financement du GPE a été relativement sécurisé. Par contre, l'argument de la faisabilité technique est plus acceptable pour un élu local, voire imparable." Voilà sur quoi le gouvernement recentre désormais sa communication auprès des élus. Élisabeth Borne a réuni mardi les présidents des conseils départementaux franciliens, la maire de Paris et le vice-président chargé des transports à la Région. Pour le cabinet de la ministre, il s'agissait de "partager avec les élus les contraintes techniques importantes et la nécessité de définir un nouveau calendrier." Et de proroger la "concertation".
«La nouvelle feuille de route est prête, il faut maintenant convaincre les élus»
"Le sujet est extrêmement sensible, jusqu'au plus haut niveau de l'État. La nouvelle feuille de route est prête, il faut maintenant convaincre les élus", indique un bon connaisseur du dossier. Selon nos informations, les tronçons de lignes ont été classés en trois catégories par le gouvernement. Une première vague sera réalisée conformément aux délais prévus, avant les Jeux olympiques de 2024 : les prolongements au nord et au sud de la ligne 14 ; la ligne 15 Sud ; la ligne 16, qui passe par Clichy-Montfermeil (93) ; et le début de la ligne 17, de Saint-Denis-Pleyel au Bourget-RER (93), afin de relier des sites comme le village olympique et le centre des médias.
Deuxième vague de livraison : les lignes retardées de deux ou trois ans. La 17, du Bourget-RER au parc des expositions de Villepinte (93), est désormais annoncée pour 2026 au lieu de 2024 ; le reste de la ligne jusqu'à Roissy-CDG et Le Mesnil-Amelot, en passant par le triangle de Gonesse (et le projet Europacity), pour 2027. La 15 Ouest, de Pont-de-Sèvres à Nanterre (92) : 2029 au lieu de 2025 ; de Nanterre à Saint-Denis-Pleyel : 2030 au lieu de 2027. La 15 Nord, de Pleyel à Rosny (93) : 2027 au lieu de 2025. Et la 18, d'Orly au CEA de Saclay (91) : 2026 au lieu de 2024. Enfin, la troisième vague regroupe les lignes "moins prioritaires", soit le prolongement de la 11 (de Rosny à Roissy), la 15 Est (de Rosny à Champigny) et la 18 Ouest (du CEA à Versailles). Le gouvernement assure qu'elles seront construites après 2030. D'aucuns en doutent.
"Ces calendriers ne tiennent pas compte des inévitables aléas de chantier", complète un proche du dossier. Gilles Carrez, lui aussi, estime que "techniquement on ne peut pas faire mieux, sauf à faire tourner une trentaine de tunneliers en même temps dans le gruyère du sous-sol parisien". Sachant qu'un tunnelier construit sur mesure coûte entre 25 et 100 millions d'euros…
Le fret par la route?
C'est dans ce contexte que Jean-Louis Missika jette un pavé dans la mare en suggérant que le GPE pourrait être "obsolète au moment de sa livraison". Il précise : "Mon interrogation ne porte pas sur la première phase du projet, mais dès lors que sa construction va s'étaler sur quinze ou vingt ans, je dis : attention à ne pas se focaliser sur le dernier mode de transport du XXe siècle alors que l'on pourrait lancer, parallèlement, le premier mode de transport du XXIe siècle. Je souhaite que le GPE comporte des clauses de revoyure liées aux évolutions technologiques. Évitons de figer l'ensemble du dispositif dans un grand programme intangible."
Le maire adjoint plaide pour "la route connectée à haut niveau de service". Explication : "Dans un avenir proche, en 2040, il est évident qu'on ne lancera plus de projets d'infrastructures lourdes de chemins de fer enterrés. Selon un certain nombre d'experts, les autoroutes et voies rapides de demain accueilleront des transports en commun de masse, des rames de bus connectées et autonomes qui pourront transporter autant de passagers que le métro à une vitesse équivalente voire supérieure." Jean-Louis Missika souhaiterait que les expérimentations soient menées sans attendre : "On peut commencer par l'A4 ou l'A6."
«À terme, toutes les autoroutes urbaines, y compris le périphérique, pourraient être équipées d'une voie connectée»
Ce ne serait pas compliqué, affirme-t-il : "Il suffit d'intégrer dans les véhicules existants une technologie qui leur permet de dialoguer avec la route et de les faire circuler sur une voie réservée, équipée de capteurs, à la vitesse que l'on veut. La circulation sur cette voie est ainsi automatisée. Tous les véhicules sont contrôlés par un système central. On peut réserver la voie à des véhicules collectifs ou à du transport de marchandises à certaines heures. On peut garantir la vitesse moyenne, la fréquence, l'heure d'arrivée… comme un train. L'avantage de ce système, c'est qu'il est beaucoup plus flexible que le chemin de fer, car il combine transport en commun [200 passagers dans un train de bus], transport individuel, taxis collectifs ou encore transport de marchandises."
Et de rêver : "À terme, toutes les autoroutes urbaines, y compris le périphérique, pourraient être équipées d'une voie connectée. Pour cela, il faut se doter sans attendre d'un programme d'investissement, en faire une spécialité française. Si on s'en donne les moyens, on peut déjà faire du Grand Paris une vitrine du savoir-faire français lors des JO de 2024."