Au-delà de cette fameuse
feuille de route pour un espace européen unique des transports, ça cogite manifestement aussi sur des mesures un tantinet plus radicales...
L'Expansion a écrit:Bruxelles prépare l'autoroute durable
Bruxelles - de notre bureau européen
La Commission européenne a rendu publique lundi 28 mars une ambitieuse feuille de route sur les transports. Déplacement urbain quotidien, interurbain, longues distances : à chaque type de trajet correspondent des solutions pour améliorer la multimodalité. Certaines recommandations sont consensuelles (mise en place d'un réseau transeuropéen de corridors), d'autres ont d'ores et déjà donné lieu à de vives discussions. C'est notamment le cas de l'objectif de disparition des véhicules conventionnels dans les centres-villes d'ici 2050.
C'est toutefois un débat d'une toute autre ampleur qui pourrait avoir lieu si les pistes de réflexion actuelles de la Commission devaient aboutir. Les services de la Commissaire Damanaki travaillent en effet à des mesures autrement plus draconiennes. Objectif : diminuer au strict minimum la part du transport routier.
Les pistes de travail portent notamment sur la généralisation du péage sur l'ensemble des routes actuellement à deux fois deux voies d'Europe, et le triplement des tarifs des autoroutes déjà concédées. L'intention est claire : rendre la route moins compétitive que le rail. Cela passe aussi par les temps de parcours. "La seule solution pour un report modal massif, estime un haut fonctionnaire européen sous couvert d'anonymat, c'est que pour un trajet donné on mette moins de temps en train qu'en voiture".
Deux solutions pour cela : accélérer les trains (mais la construction de lignes à grande vitesse coûte cher et atteint ses limites) ou... ralentir les voitures. C'est vers cette option que se dirige la Commission, même si le débat n'est pas encore tranché en son sein sur le meilleur moyen d'y parvenir. "Certains proposent de descendre d'autorité la limitation de vitesse à 80 km/h, comme dans certains Etats américains, poursuit notre interlocuteur. Mais si cette mesure pourrait être bien acceptée dans les pays nordiques, elle paraît plus difficilement réalisable dans les pays latins. C'est pourquoi nous nous dirigeons plutôt vers une solution pragmatique : pas de limitation imposée mais une circulation réduite à une seule voie dans chaque sens". Concrètement, on ne circulerait ainsi plus que sur les voies de gauche.
Ce qui présenterait, vu de Bruxelles, de nombreux avantages : une bonne acceptabilité sociale (pas de limitation affichée) mais une limitation de facto (impossibilité de doubler donc auto-régulation du flux de circulation). Le tout en préservant la principale caractéristique de l'autoroute : l'absence de carrefour à niveau, gage de sécurité. Quant aux voies de droite ainsi libérées, qu'en faire ? Notre interlocuteur s'enthousiasme : "c'est fantastique, nous récupérons des dizaines de milliers de kilomètres de voies ! Dans certains cas, nous pourrons développer dessus des moyens de transport collectifs modernes - la société française Lohr a d'ores et déjà fait part de son intérêt. Et là où le besoin ne s'en fait pas sentir, nous les rendons à la nature."
Moindre emprise au sol, vitesse régulée, flux stable : le gain écologique devrait être net. Encore faut-il ne pas le gâcher en fin de parcours. "La domestication des autoroutes est un grand enjeu. Mais il faut aussi penser aux feux rouges en ville !" Ces derniers sont accusés de favoriser le stop-and-go, très mauvais en termes d'émission de gaz carbonique. Quelle solution, alors ? La Commission a réponse à tout : "Mais elle existe déjà, la solution ! L'objectif est simple : plus aucun feu rouge, il suffit de les remplacer par des carrefours giratoires, où on ralentit mais sans forcément s'arrêter."
La Commission européenne espère achever sa réflexion interne "dans les prochains mois". Commencerait alors un travail de pédagogie auprès des gouvernements et des opinions publiques. "Nous sommes conscients qu'il faudra quelque temps pour faire passer cela. Mais avons-nous un autre choix ?" Les services de Mme Damanaki espèrent ainsi faire de leurs idées le principal enjeu des élections européennes de 2014.