Schéma national des infrastructures de transport : la question du financement reste entière
publié le 26 juillet 2010
"Un schéma national des infrastructures de transport (Snit) vraiment financé doit voir le jour." Dans un communiqué publié le 23 juillet, l'association TDIE, qui fédère professionnels, élus et experts du secteur des transports, estime que ce schéma doit reposer sur "une politique de la mobilité durable clairement définie, suffisamment ambitieuse et vraiment asssumée, mais surtout effectivement financée". Selon l'association, l'expérience du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (Ciadt) de décembre 2003 "démontre qu'une liste de projets même avec une planification sérieuse, comme peut l'être l'avant-projet du Snit, n'a de sens que si la question du financement est résolue concomitamment et si une programmation raisonnable est mise au point... Dans le cas contraire, liste de projets ou Snit... le résultat est le même : les retards d'exécution s'additionnent".
TDIE a dressé un tableau édifiant de l'état de réalisation des projets validés lors du Ciadt il y a sept ans. Ainsi les projets de lignes nouvelles à grande vitesse n'ont guère progressé, "à part ceux qui auraient en tout état de cause évolué favorablement, les financements étant bouclés (TGV Rhin-Rhône branche Est 1ere phase) et/ou le portage politique très important (TGV Bretagne ou TGV Est 2e phase)".
Sur les trois grandes liaisons ferroviaires d'aménagement du territoire - Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT), Paris-Rouen-Le Havre et Paris-Cherbourg et Paris-Clermont-Ferrand - les objectifs initiaux ont été revus : le premier a été abandonné, sauf travaux spécifiques d'entretien curatif et de modernisation, le deuxième a été transformé en projet de LGV Normandie et le troisième fait l'objet de travaux dans le cadre des contrats de projet Etat-régions. Concernant les grands axes ferroviaires pour le fret, seul le corridor Atlantique éco-fret est en cours de réalisation.
Parmi les 18 projets autoroutiers ou de contournement urbain, certains ont été abandonnés (contournement de Bordeaux) ou reportés, dans l'attente du Snit (contournement ouest de Lyon, A51 Grenoble-Sisteron, A54 à Arles...). Dans le domaine fluvial et maritime, la conclusion des études de l'écluse fluviale de Port 2000 au Havre est attendue cette année mais la réalisation n'est pas programmée et le projet de canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe prend lui aussi du retard.
Enfin, sur les deux projets aéroportuaires du Ciadt - Aéroport de Nantes-Notre-Dame-des-Landes et 3e réseau d'aéroports dans le bassin parisien (Beauvais-Vatry-Châteauroux) - le premier est bien avancé, avec une concession en cours d'attribution mais le second est resté cloué au sol.
Anne Lenormand
Transports : pitié pour les finances publiques !
[ 30/07/10 - 01H00 - Les Echos - actualisé à 00:36:49 ]
La politique des transports repose tout entière sur l'impératif catégorique du report modal : moins de voitures et de camions, plus de trams et de trains. Cette politique est portée par tous les partis : de droite, de gauche, du centre et de l'écologie. Elle est affichée et pratiquée à tous les niveaux : municipal, régional, national et européen. Elle est multiforme : stigmatisation, interdictions et réglementations pour le routier ; encouragements, investissements et subventions pour le ferroviaire et le fluvial.
Cette politique a été conçue sans référence aux finances publiques. S'interroger sur ce que ce report modal allait coûter c'était afficher une méprisable « vision comptable ». Les gens d'en haut s'attachent à la qualité de la vie ou à l'avenir de la planète, pas à l'intendance. Chassée par la porte (de service), voilà maintenant l'intendance qui frappe à la fenêtre.
Notre politique des transports a en effet un coût pour nos finances publiques. Deux chiffres le résument. D'un côté, le transport routier représente pour les budgets publics un gain net d'environ 20 milliards d'euros chaque année (les taxes spécifiques s'élèvent à 36 milliards, les dépenses publiques pour les routes à 16 milliards). D'un autre côté, le transport ferroviaire et le transport public urbain ont pour les finances publiques un coût net d'environ 17 milliards (les transports publics locaux sont subventionnés à hauteur de 70 % et le train l'est à hauteur d'environ 50 % - les seuls salaires de la SNCF sont du même ordre de grandeur que les paiements des usagers).
Moins de transport routier et plus de transport public fait ainsi moins de recettes, plus de dépenses, et donc beaucoup plus de déficit. Le doublement du transport ferroviaire et public, un objectif souvent mentionné de notre politique officielle, implique un doublement des subventions à ces modes, soit 17 milliards de subventions de plus par an. Encore est-ce là un prix d'ami, car on peut, on doit, supposer que les lignes qui fonctionnent actuellement sont les plus rentables, et donc que les subventions augmenteront plus vite que l'activité. Une diminution de 20 % du transport routier, objectif affiché comme désirable - et déjà atteint dans une ville modèle comme Paris -diminuera les recettes de la route de 7 milliards par an, mais pas les dépenses car il faudra bien continuer à entretenir le réseau routier. Notre cher, très cher transfert modal national coûtera ainsi quelque 24 milliards de plus par an, le double de ce que nous dépensons actuellement pour toutes les universités de France, plus que notre contribution au budget de l'Europe.
Le Grenelle de l'environnement est un grand pas dans cette direction. Il prévoit dans les dix ans à venir des investissements de plus de 70 milliards dans des lignes TGV nouvelles (en plus de toutes les dépenses d'entretien et de rénovation du réseau existant, sans parler du coût des gares et du matériel roulant). Les paiements des usagers ne rembourseront pas plus de 40 % de ces sommes. Voilà donc au moins 40 milliards de dette (ou d'impôts) supplémentaires. Un montant de dépenses comparable est également prévu pour les tramways, avec une rentabilité similaire, et donc un autre trou supplémentaire de 40 milliards dans les finances publiques. A côté de cela, les 4 milliards du canal Seine-Nord, entièrement à la charge du contribuable ou de ses enfants, sont de la menue monnaie.
Bien sûr, cet argent public n'est pas complètement perdu. Il permettra aux riches, qui sont les principaux utilisateurs des TGV, de se déplacer plus rapidement et plus confortablement. Il économisera aussi quelques centaines de milliers de tonnes de CO2 par an - moins que ce que la Chine crache par heure (1 million de tonnes). Certes, il n'y a pas que les budgets publics dans la vie d'un pays. Mais il y a aussi les budgets publics et le malheur des temps veut que les prêteurs rechignent de plus en plus à les financer.
Quand on aime, on ne compte pas. Quand on ne compte pas, on creuse les déficits. Quand on creuse les déficits sans compter, on se retrouve en Grèce, avec rien d'autre que les yeux pour pleurer. Les Etats-Unis d'Obama mettent sous le coude leurs projets ferroviaires. Même l'Italie, qui n'est pourtant pas un modèle en la matière, commence à se demander si elle peut vraiment se payer des trous financiers comme le pont entre la Calabre et la Sicile ou comme le tunnel ferroviaire du Lyon-Turin. La politique des transports de la France peut-elle être laissée aux seuls bien-pensants du politiquement correct ?
Cette politique a été conçue sans référence aux finances publiques. S'interroger sur ce que ce report modal allait coûter c'était afficher une méprisable « vision comptable ». Les gens d'en haut s'attachent à la qualité de la vie ou à l'avenir de la planète, pas à l'intendance.
Notre politique des transports a en effet un coût pour nos finances publiques. Deux chiffres le résument. D'un côté, le transport routier représente pour les budgets publics un gain net d'environ 20 milliards d'euros chaque année (les taxes spécifiques s'élèvent à 36 milliards, les dépenses publiques pour les routes à 16 milliards). D'un autre côté, le transport ferroviaire et le transport public urbain ont pour les finances publiques un coût net d'environ 17 milliards (les transports publics locaux sont subventionnés à hauteur de 70 % et le train l'est à hauteur d'environ 50 % - les seuls salaires de la SNCF sont du même ordre de grandeur que les paiements des usagers).
Le doublement du transport ferroviaire et public, un objectif souvent mentionné de notre politique officielle, implique un doublement des subventions à ces modes, soit 17 milliards de subventions de plus par an.
Il permettra aux riches, qui sont les principaux utilisateurs des TGV, de se déplacer plus rapidement et plus confortablement. Il économisera aussi quelques centaines de milliers de tonnes de CO2 par an - moins que ce que la Chine crache par heure (1 million de tonnes).
Quand on creuse les déficits sans compter, on se retrouve en Grèce, avec rien d'autre que les yeux pour pleurer. Les Etats-Unis d'Obama mettent sous le coude leurs projets ferroviaires.
Maastricht a écrit:Franchement, G.E., est-ce bien sérieux ?
Et je ne parle pas de la problématique de l'étalement urbain qui reste strictement la même.
G.E. a écrit:Maastricht a écrit:Franchement, G.E., est-ce bien sérieux ?
Je l'ai dit très clairement : cet article ne prend en compte que les coûts directs et non pas les coûts indirects liés aux transports, la plupart des calculs sont donc erronés. Par sa caricature (il prend le contre-pied complet des analyses en vogue actuellement), il met cruellement en évidence l'absence d'une analyse coûts-bénéfices (comparer sérieusement chaque projet à des alternatives avec des critères variés et objectifs) qui aurait dû servir à l'élaboration du SNIT. Beaucoup d'économistes français travaillent sur ces questions mais notre pays ne s'en sert pas (contrairement aux USA), en restant soit sur une analyse purement comptable, soit sur une analyse en fonction de l'air du temps.
il met cependant en évidence des thèmes que les autres journaux sérieux mettent de côté : la stigmatisation des utilisateurs de la route, le côté irréalisable de certaines LGV, ... C'est à ce titre qu'il est intéressant ; on sort du discours "entendu" et tant mieux si ça peut faire réfléchir !
super5 a écrit:Et je ne parle pas de la problématique de l'étalement urbain qui reste strictement la même.
Ce qui favorise l'étalement urbain, c'est le prix de l'immobilier exorbitant en ville, l'accès de plus en plus difficile au centre-ville etc.
Maastricht a écrit:Quelles sont les méthodes utilisées aux USA ?
G.E. a écrit:Analyse coûts-bénéfices systématique, transfert de valeurs (basé sur les expériences existantes), etc. J'ai un peu travaillé sur ces thèmes qui, même s'ils ne sont pas parfaits, permettent de caler correctement des projets.
La France est source de grandes avancées en économie et en gestion, notamment appliquées aux transports, à la logistique, aux questions environnementales,... mais en pratique les méthodes et les modèles développés ne sont pas utilisés. Le Grenelle a mobilisé un grand nombre de laboratoires et de chercheurs (dont votre serviteur, si si) et le résultat est discutable par rapport à toutes les ressources mobilisées : sur la préservation de la biodiversité, c'est très bien, mais sur les transports, c'est zéro.
Je m'explique : chaque projet du SNIT devait être justifié précisément par une analyse coût-bénéfice ou au moins des critères peu discutables. Au lieu de celà, on se retrouve avec une boîte noire totalement politicienne et c'est vraiment dommage. On aurait énormément gagné à mettre un peu de scientifique dans tout ça, quitte à faire des déçus, mais au moins à arbitrer sur des critères visibles.
Le Monde a écrit:Europe : la rigueur menace les projets d'infrastructures
LEMONDE | 03.08.10 | 13h13
La lutte contre les déficits publics oblige les Etats européens à tailler dans les investissements notamment d'infrastructures. En Espagne, le gouvernement a annoncé, lundi 2 août, des baisses jusqu'à 45% des tarifs de rachat de l'électricité photovoltaïque, ce qui pourrait mettre en difficulté quelque 600 opérateurs à travers le pays. Le secteur éolien est aussi touché, mais le coup le plus dur a été porté, le 22juillet, par José Bianco, ministre de l'équipement, qui annonçait le gel, pour un à quatre ans, de près de 200 projets d'infrastructures dont 112 concernent les routes et les autoroutes, et 87 le chemin de fer.
Baptisé pudiquement "plan d'ajustement", il reporte 17% des programmes, mais 40% des fonds, soit 6,4 milliards d'euros, en 2010 et 2011. A ces gels s'ajoutent 32 annulations pures et simples d'appels d'offres pourtant déjà attribués, dont une douzaine sera, toutefois, transformée en partenariats privé-public, mais leur liste n'est pas encore arrêtée. Seuls sont préservés les ports et aéroports et quelques lignes TGV.
"Ces coupes budgétaires vont perturber l'économie espagnole et toute la filière des travaux publics", alertaient cinq organisations professionnelles espagnoles, le 28 juillet. La restructuration brutale du secteur menace 115 000 emplois directs et 1,1 million emplois indirects. De grands groupes, Sacyr, Acciona ont déjà annoncé des résultats semestriels en forte baisse.
Et les solutions financières ne peuvent venir des collectivités locales, dont les ressources sont laminées par la crise immobilière. Les taxes sur les transactions, qui avaient représenté jusqu'à 16,7 milliards d'euros, en 2006, vont, en 2010, chuter à 1,8 milliard d'euros! Et du côté de l'Europe, le robinet des fonds structurels est désormais fermé. Seule perspective pour financer les autoroutes espagnoles, une taxe sur les poids lourds est envisagée, le recours à des péages mais surtout une réduction de 22% du coût moyen de construction.
UNE MAUVAISE NOUVELLE POUR LES GROUPES DE BTP
La Grande-Bretagne est l'autre grand pays européen soumis à une cure d'austérité budgétaire sans précédent. Danny Alexander, secrétaire d'Etat au Trésor, annonçait, le 12 juillet, l'annulation de 12 projets publics pour un montant total de 2 milliards de livres (2,4 milliards d'euros) et la suspension de 12 autres, pour 8,5 milliards de livres.
La liste est hétéroclite et va du nouvel hôpital à Wynyard, au nord-est de l'Angleterre (540 millions d'euros) à un centre touristique dans le site historique de Stonehenge (30 millions d'euros), en passant par un tribunal à Birmingham (112 millions d'euros). Le budget pour la construction de cinq nouvelles prisons, pourtant une priorité pour les conservateurs, va être réduit à deux bâtiments. C'est une mauvaise nouvelle pour les groupes de BTP, engagés dans ces programmes, comme les britanniques Balfour Beatty, Carillion, le français Bouygues et le suédois Skanska.
Les infrastructures sont en revanche relativement préservées, bien que l'agrandissement des aéroports londoniens Heathrow, Gatwick et Stansted soit abandonné, à la grande satisfaction des écologistes. Aucune décision n'est en revanche prise sur le Crossrail de RER londonien (19 milliards d'euros).
Le programme de construction d'écoles va lui souffrir, en perdant 1,2 milliard d'euros, en 2010. Depuis 2004, le pays était en effet engagé dans une vaste remise à niveau de 3500 collèges, qui devait mobiliser 66 milliards d'euros d'ici 2023. Aujourd'hui, 58 projets portant sur 715 établissements sont abandonnés et un audit doit trancher sur la poursuite de plusieurs autres, tandis que les opérations sur 700 écoles, pour 1,8 milliard d'euros, sont maintenues.
Les grands groupes de construction, Bouygues en tête, s'attendaient certes à des économies, mais pas de cette ampleur: "C'est catastrophique! Plusieurs constructeurs ont dépensé des millions pour obtenir ces contrats. Cela va affecter tous les grands noms du secteur", indique un cadre d'un de ces groupes, cité par Le Bulletin européen du Moniteur du 19 juillet.
En France, les grands projets, notamment les grandes lignes de TGV, sont épargnés. Seul le tram-train et la Maison des civilisations, sur l'Ile de la Réunion, sont abandonnés, pour cause, de changement politique à la tête de la région. Sans être officiellement gelés, certains projets ont cependant du plomb dans l'aile, comme la ligne RER Charles de Gaulle Express, ou les autoroutes A51, entre Gap et Briançon, A24, d'Amiens à la Belgique, et A32, de Nancy à Thionville. Le Canal Seine-Nord, un partenariat privé-public de 4,2 milliards d'euros peine à réunir son financement.
Le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), que Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, a dévoilé le 12 juillet, se veut ambitieux, prévoyant d'investir 170 milliards d'euros d'ici 2030. "Le SNIT est un catalogue de vœux pieux, sans financement, on y retrouve des projets déjà inscrits dans le comité interministériel d'aménagement de 2003! Or les entreprises ont besoin de visibilité", juge Olivier Deleu, secrétaire général de l'association Transport développement intermodalité environnement (TDIE).
Isabelle Rey-Lefebvre
super5 a écrit:En Espagne ce sont des chantiers en cours qui ont été suspendus !
juju a écrit:super5 a écrit:En Espagne ce sont des chantiers en cours qui ont été suspendus !
Ben oui en Espagne il y'a des communes en fallite (si ce n'est pas le pays...) alors les projets transport ont dû être gelés...
Retourner vers Politiques de transports
Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 1 invité