par secteurPublic » Lun 15 Juil 2013 13:07
Je lui reproche un anti-TGVisme assez primaire. Ce qui semble être la mode du moment. Mais je comprends que, vu de Paris, le réseau LGV soit déjà suffisamment étoffé : c'est vrai que pour rejoindre et profiter des "nouveaux" grands projets, il faudra déjà s'être tapé quelques heures de trains sur les LGV ou lignes existantes.... et qu'on y sera surement plus vite en avion !
On parle de remise à niveau du réseau existant, mais il ne faut pas oublier que des LGV font aussi partie du réseau existant. Faut-il comprendre qu'elles ne doivent pas être entretenues ? C'est vrai qu’après tout, à en écouter certains, elles ne profitent qu'à "un passager sur 10" (qui font quand même plus de la moitié du trafic en voy.km). Sans doute faut-il les laisser se dégrader et baisser concomitamment leur vitesse. Sans doute jusqu'à 220 km/h, terrain de prédilection de la nouvelle génération de train qu'on nous promet, moins cher, plus rapide, "plus proche des gens" !
Eh oui, tant qu'à vouloir de nouvelles orientations sur les investissements d'avenir, autant se l'appliquer aussi sur les investissements du passé, histoire de garder un minimum de cohérence.
Le "tout TGV" abandonné ? Mais à quel moment en a-t-il été question ? Pas même dans le SNIT. Ce genre de propos me fait penser à un dialectique évoquant une France "tout nucléaire" pour mieux justifier d'en sortir, quand sa part dans l'énergie finale est finalement raisonnable (1/5è).
Au demeurant, les études sur la plupart des grands projets ne sont pas arrêtées : si réellement, on voulait en sortir, on arrêterait les études là dessus non ? A l'échelle nationale, on parle quand même de centaines de millions d'euros... mais non curieusement, on les continue "pour que les projets puissent sortir quand le financement sera stabilisé".
Et on parle aussi de 4 grands projets actuels qui continuent. Si le propos du gouvernement est de dire qu'on ne continuera pas à ce rythme dans cette voie, ça ne veut pas dire pour autant qu'on abandonnera cette voie.
Ce n'est pas la 1ere fois, ni sans doute la dernière que les médias annoncent "un coup de frein aux LGV". Il faudrait d'ailleurs consulter les archives, mais les 4 grands projets actuels en étaient à l'ébauche dans les années 90, quand déjà, il fallait "freiner des 4 fers sur les LGV", réfléchir aux lignes existantes, aux pendulaires etc...
La journaliste parle d' "un pays dont le réseau ferroviaire a bâti sa fierté sur ses lignes à grande vitesse". Sans être cheminot, il me semble que les cheminots ont été fier de leur réseau avant 1981.... Et qu'il n'est pas anormal que cette fierté ait pu être liée aux performances de vitesses, qui ont commencé bien avant les LGV, et dont aujourd'hui, les LGV ne sont qu'une composante (nécessaire, mais pas suffisante)
La journaliste cite Mariton qui "critiquait la fragilité financière des projets de nouvelles lignes, notamment leur "faible niveau d'autofinancement". Il préconisait déjà un rééquilibrage des investissements en faveur de la "maintenance et du renouvellement du réseau existant".". Se pose-t-on la question du niveau d'autofinancement de la maintenance et du renouvellement du réseau existant ? Heureusement que non. Donc si les LGV permettent d'améliorer le taux global d'auto financement du réseau ferroviaire, ça mérite d'y réfléchir (même si en absolu, ça veut dire des concours publics important, mais en face, il y a un service plus performant)
Enfin, on cite abondamment le rapport Mariton, sans rappeler que le même député est adepte d'une nouvelle gare sur LGV (Allans-Montelimar) chez lui, au détriment des lignes et gares existantes.
Est ensuite cité Marc Fressoz, ce qui n'incite pas à une grande confiance... Hormis entre Bordeaux et Toulouse, 4è et 5è métropole de France, il n'existerait plus de ligne à trafic suffisant ? Donc entre Bordeaux et l'Espagne, entre Montpellier et l'Espagne, entre Marseille et Nice, c'est faible ? Ca n'est pas ce que disent les études. Sur ces lignes ou sur POCL, le trafic prévu est supérieur à ce qui est prévu sur Bordeaux Toulouse.... ce qui confirme bien qu'il en reste encore des projets pertinents, ce qui va de pair avec la poursuite des études.
Il y a ensuite une grande confusion sur les différents acteurs du ferroviaire, en déclarant que les LGV sont de moins en moins rentables pour RFF : c'est faux, elles sont rentables à 8% pour une durée d'amortissement de 30 ans... vu qu'il est juridiquement interdit à RFF d'y prendre une part supérieure. Ensuite, c'est aux acteurs publics de juger s'il y a un intérêt public à subventionner la construction pour qu'elle puisse se faire.
Si les LGV sont de plus en plus chères pour la SNCF, c'est qu'il a été considéré que celle-ci faisait "trop de marges sur les TGV"... preuve que le TGV, ça marche ! Et que ces marges devaient revenir au financement du système ferroviaire.
Concernant la "lourde facture énergétique de la SNCF", la journaliste sous-entend-elle qu'elle est du au TGV, à ses vitesses trop élevées ? Pourtant des études faites sur Paris Strasbourg, montre qu'une rame lancée à 320 km/h sans à-coup sur la LGV consomme moins d'électricité qu'une rame TGV sur la ligne classique tendant à coller aux vitesses limites variables selon les sections. Cet enjeu est donc un cheveu sur la soupe quant à "la fin du tout TGV". Il concerne tout simplement l'ensemble du système ferroviaire, du fret aux TER, et dont j'espère qu'il ne s'agit pas de souhaiter un développement de la traction thermique !
La journaliste parle de la baisse du nombre de passagers dans les TGV en 2012 comme si cela était perpétuel, à cause de la crise... Suivant cette logique, on devrait fermer chaque section d'autoroute, quand d'une année sur l'autre, elle enregistre moins de transactions. Mais je me demande bien aussi pourquoi il faut investir sur le train du quotidien, étant donné les perspectives de chômage du pays : à quoi bon miser sur les relation "domicile-travail", si de travail il n'y a plus ? ah, oui, pour préparer l'avenir (mais sur la base de la variation de trafic de 2012 quand il s'agit de LGV...)
Matignon a dit qu'une LGV, c'est 4 fois le renouvellement de tous les corail de France. Mais s'il n'y avait pas eu les LGV pour rentabiliser un certain nombre de liaison grâce à des TGV suffisamment remplis qui parviennent à équilibrer leur cout d'exploitation, et nombreux pour amortir l'infra, quelle serait l'ampleur du renouvellement du parc corail ?
La journaliste, mal renseignée, dit aussi que la LGV PACA, à 14 milliards d'euros, est écartée des arbitrages : s'agissant d'un projet dont une 1ere tranche de presque 7 milliards d'euros est déclarée prioritaire à réaliser AVANT 2030 pour traiter les nœuds ferroviaire de Marseille et de la Cote d'Azur, représentant près de 30% des investissements ferroviaires de la nation d'ici 2030, il y a pire comme mise à l'écart ! D'autant que le reste du projet, à moins de 6 milliards d'euros, montrera sa rentabilité, dès lors qu'on exclura des calculs financiers le montant des opération de traitement des noeuds ferroviaires, de toute façon nécessaire.
Après on peut toujours, renommer les projets, ôter cette LGV qu'on ne saurait voir, pour se dire que malgré tout, "ouf, c'est bien la fin du tout TGV !"
Sur les trains à 220-250km/h, je reste persuadé qu'il s'agit d'une chimère pour "faire rêver" (pour d'autres, ce sont les LGV qui ont ce rôle, mais au moins, pour 4 d'entre elles, le rêve devient réalité, et il faudrait se souvenir de ce qu'en disait leurs détracteurs il y a 10-15 ans). D'une part, car la SNCF est loin d'avoir été intellectuellement fermé à cette idée. N'y a-t-il pas (eu) des trains circulant à 200 ou 220km/h entre Le Mans et Nantes, Strasbourg et Mulhouse, Tours et Bordeaux, Paris et Orléans/Tours/Vierzon, Paris et Clermont dans la plaine d'Arles etc... N'est-ce pas la 1ère pièce à l'ouest de Rennes du plan "Bretagne à Grande Vitesse" ?
Mais de là à inventer un nouveau concept soit-disant révolutionnaire... Car il y a 2 cas à distinguer :
- soit on parle de ligne dont majoritairement les trains vont emprunter, en dehors du secteur, des LGV, et donc ça sera des TAGV. Dans ce cas, si une Ligne Nouvelle doit être envisagée, autant que le matériel qui l'emprunte puisse exploiter au mieux ses performances (des lignes au départ de Bordeaux, Rennes, Montpellier ou Marseille sont donc dans ce cas)
- soit ça sera majoritairement des trains tournant en vase clos sur des distances où la grande vitesse ne peut être atteinte. Mais concrètement, on ne trouve ce cas qu'à proximité de la capitale, et la seule grande direction où il n'y a pas de LGV, (et sans destination pertinente plus loin dans la même direction) c'est la Normandie.
La réalité, c'est qu'il ne faudrait pas avoir peur des mots "vitesse" et "performance", dans ce pays et qu'avant d'inventer des "trains intermédiaires", il faudrait déjà faire rouler à 160 tout ceux qui le peuvent, à 120 tout ceux qui le peuvent etc... Bref, trouver sur toutes les lignes sans enjeu capacitaire, des performances aussi proches de ce que les tracés existants permettent, des traversées de gares, avec ou sans arrêt performantes etc... Vu le gouffre de non rentabilité des LGV tant décriées, il devrait y avoir une marge pour beaucoup d'opération avant d'atteindre le seuil des LGV (en cout par passagers.secondes gagnés par exemple), non ?
Bref ne pas refaire avec ces "trains intermédiaires", ce qui est critiqué pour les LGV, ie, investir à certains endroits pour en délaisser d'autres. Ni le faire dans le seul objectif d'anihiler la perspective d'une LGV lorsque sa pertinence est suffisament étayée. Sauf à vouloir multiplier les fausses-manoeuvre et dilapider l'argent public ("maximiser" les performances d'une ligne n'est pas forcément la meilleure opération quand une nouvelle ligne s'avère de toute façon nécessaire, pour des raisons capacitaires et/ou pour franchir un seuil de performance)
L'article se termine sur la dette. Avec le sous-entendu qu'elle existe car il y a des LGV. Sans rappeler que précisément, l'existence de LGV fait que cette dette s'amortit ! Que les 1ères LGV n'ont plus de dettes à amortir, mais continue néanmoins de dégager des bénéfices pour le système ferroviaire. Qu'une LGV ruineuse, nuisible, pharaonique comme la LGV Med sera remboursée en 2034, etc....
A moins qu'une étude sérieuse ne vienne invalider tous les bilans LOTI déjà réalisés sur les LGV.
Pour enfoncer le clou, la journaliste cite deux chiffres. La dette actuelle de RFF : 32 milliards d'euros. Celle en 2020 après réalisation des 4 LGV actuellement en construction : 60 milliards d'euros. Le "grand public" peu au fait des détails en conclura que c'est seulement la construction de ces 4 LGV qui produits cette dette. Mazette : +28 milliards d'euros ! Qu'importe que ce soit beaucoup plus que le cout cumulé de ces 4 LGVs, qu'en outre, RFF n'en finance qu'une partie, et qu'enfin elles auront une rentabilité de 8% pour RFF (on pourrait finalement y voir une subvention déguisé pour RFF, et justifié par l'intérêt de ces projets pour les territoires)
Mais conclure que "Revoir à la baisse l'appétit français en matière de grande vitesse est un des premiers ingrédients pour éviter les dérives" est-il un parti pris journalistique et médiatique qu'on a le droit de critiquer ? ou s'agit-il d'une nouvelle pensée unique à laquelle il faut se plier ?