JDD a écrit:Un plan contre le bruit
EXCLUSIF. La région Ile-de-France veut lutter contre la pollution sonore. Les grandes lignes de son projet pour les dix ans à venir.
Outre ses deux aéroports internationaux et ses 25 aérodromes, dont l’héliport de Paris-Issy-les-Moulineaux, la région parisienne est sillonnée par 40.000 km de routes (dont plus de 1.000 km d’autoroutes et de voies rapides) et 1.800 km de rails. Ajoutez à cela la forte densité de population (11,8 millions d’habitants) et on comprend que le bruit figure en tête des nuisances de moins en moins tolérées. Selon une étude de l’Observatoire régional de la santé (ORS) publiée en 2009, 71% des Franciliens se disent gênés par le bruit à leur domicile et 26% le sont "souvent ou en permanence" (contre 13% des provinciaux).
Le JDD a pris connaissance du rapport sur "la résorption des nuisances sonores" – routières et ferroviaires –, qui sera soumis au vote de la séance plénière du conseil régional les 29 et 30 septembre. Une initiative unique en France. "Même si ce n’est pas de notre compétence, nous voulons être un acteur central, nous doter d’une véritable politique globale de lutte contre le bruit pour les dix prochaines années", explique Jean-Vincent Placé (EELV), vice-président chargé des transports.
Agir "là où les enjeux de santé sont les plus forts"
La région prévoit entre 200 et 250 millions d’euros à l’horizon 2020, soit plus de 10 millions d’euros par an pour lutter contre le bruit routier et l’équivalent pour le bruit ferroviaire. Surtout, elle entend désormais énoncer ses priorités concrètes, accorder ses subventions sous conditions et orienter les choix des maîtres d’ouvrage (État, collectivités territoriales, RATP, RFF…). Murs antibruit, revêtement de sol, traitement végétatif, isolation phonique des façades… La région veut avoir son mot à dire.
La circulation routière constitue la principale source de pollution sonore. "Un jour ouvré, on compte environ 23 millions de déplacements mécanisés, souligne le rapport. Plus de la moitié de ceux-ci sont effectués par des véhicules privés (le parc est supérieur à 4 millions de voitures) ou par des véhicules utilitaires. Le solde est assuré par les transports en commun." Le conseil régional ambitionne donc, pour commencer, d’éradiquer "d’ici à 2020" les dix principaux points noirs du bruit (PNB) du réseau routier national (lire l’encadré). Des dizaines de milliers d’habitants verraient ainsi leur qualité de vie s’améliorer.
Pour y parvenir, la région financera la mise en place d’écrans ou buttes antibruit à hauteur de 50% ; à charge pour l’État de compléter. Sur certains sites, des couvertures de routes ou d’autoroutes – très coûteuses – peuvent être envisagées ; la région y participera (25%) "à la condition expresse" qu’elles s’inscrivent dans un projet plus vaste de "couture urbaine", comme l’A1 à Saint-Denis.
Concernant les routes départementales, la région agira (50%) en priorité "là où les enjeux de santé sont les plus forts et pour protéger le plus grand nombre de riverains". Une "première expérience" est prévue sur la RN3 dans le secteur de Pantin, qui compte deux collèges, une crèche, 35 pavillons et 290 immeubles de logements.La chasse au bruit du rail se veut plus préventive que curative. Le rapport précise qu’un "programme de recherche" sur le matériel roulant doit être mis sur pied en partenariat avec la RATP, la SNCF, RFF, afin de s’attaquer au bruit à la source. Objectif : "Tester en vraie grandeur l’efficacité de dispositifs nouveaux, tels les absorbeurs rail et roue."
Pas un mot sur l’aérien
Pour autant, les murs antibruit et autres protections de façade le long des voies ferrées font aussi partie de l’arsenal (subventionné à 50 %). L’objectif est de traiter, d’ici à 2025, près de la moitié des "sites les plus impactés par le bruit ferroviaire". Une enveloppe de 40 millions d’euros est d’ores et déjà réservée pour la période 2011-2014, au cours de laquelle seront lancés notamment les travaux de protection phonique des RER A et B.
Le rapport de la région fait toutefois l’impasse sur les nuisances aériennes. "On n’a pas de prise sur l’aérien. L’État et Aéroports de Paris ont tous les pouvoirs sur les plannings de vols, les horaires de nuit…", justifie Jean-Vincent Placé. Même réponse sur les limitations de vitesse (zones à 30 km/h…). Et Paris, curieusement absent du rapport? "La capitale a déjà été bien servie, avec plusieurs couvertures du périphérique."
Les associations engagées dans la lutte contre le bruit attendent de voir. "Pour s’attaquer efficacement à la pollution sonore, les pouvoirs publics doivent adopter le principe de pollueur-payeur", estime Benoît Hartmann, porte-parole de France nature environnement. "Le bruit est un vrai problème de santé publique, responsable de troubles du sommeil, d’accidents de la route, de dépressions, de maladies cardio-vasculaires… Cela a un coût considérable pour la société. Il ne faut pas hésiter à dépenser de l’argent ; au final, on fera des économies."
Bertrand Gréco - Le Journal du Dimanche
.. mais risque de se heurter à diverses "administrations" de l’État