Le Parisien a écrit:Sécurité routière : bientôt à 80 km/h sur la nationale ?Alors que les chiffres de la sécurité routière sont mauvais, le gouvernement pourrait réduire la vitesse autorisée de 10 km/h sur les routes sans séparateur central.Risque de collision, intersections dangereuses… Les routes sans séparateur central — la quasi-totalité du réseau hors autoroute et voie rapides — sont parmi les plus stressantes et les plus risquées. Abaisser la limitation de 90 km/h actuellement à 80 km/h sur ces axes est une revendication récurrente des associations de sécurité routière.
Or, selon Le Point, la décision vient d’être arbitrée : Matignon devrait l’« annoncer début 2018 », alors qu’un Conseil interministériel de sécurité routière (CISR) est convoqué le mois prochain pour élaborer le plan de lutte contre les morts de la route promis par Emmanuel Macron. L’an dernier, 3477 personnes ont perdu la vie dans un accident de la circulation, des chiffres en hausse pour la troisième année consécutive, ce qui ne s’est jamais vu depuis 1972.
Un pétition en ligneContacté ce vendredi, Matignon ne dément pas mais estime qu’il est « prématuré » d’évoquer les 80 km/h. Le ministère de l’Intérieur indique de son côté qu’« il ne s’agit que d’une piste parmi d’autres. Le gouvernement sait qu’il faut des mesures qui bousculent si l’on veut avoir des résultats en termes de sécurité routière mais, pour l’heure, rien n’est tranché ».
QUESTION DU JOUR. Etes-vous favorable à une limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes ?Selon Pierre Chasseray, de 40 Millions d’automobilistes, l’Etat réfléchirait même à abaisser de 20 km/h la vitesse. « L’objectif est surtout d’empocher l’argent des automobilistes pincés en infraction », juge-t-il, avant de citer l’exemple du Danemark, qui a au contraire testé une augmentation des vitesses maximales autorisées de 80 km/h à 90 km/h avec comme effets bénéfiques « de limiter le nombre de dépassements dangereux ».
40 Millions d’automobilistes, qui a lancé vendredi
une pétition contre l’abaissement à 80 km/h, dénonce l’empilement de mesures. Selon l’association, les sanctions qui en découlent ont au mieux un effet éphémère et au pire déresponsabilisent les conducteurs.
Faux et ultra-faux, réplique la Ligue contre la violence routière qui porte les 80 km/h depuis des années. « Baisser les vitesses autorisées est la décision la plus importante pour la sécurité routière, car la vitesse est le premier facteur de mortalité sur la route », martèle Chantal Perrichon, sa présidente.
Cas par cas ou généralisationLe débat entre les associations de sécurité routière porte surtout sur le fait de savoir s’il faut adapter les limitations de vitesse au cas par cas ou généraliser les 80 km/h. Ce seuil a été testé pendant trois ans sur trois tronçons dangereux : la nationale 7 (18 km dans la Drôme), la N 151 (17 km dans la Nièvre et 32 km dans l’Yonne) et la N 57 (14 km en Haute-Saône). Mais on ignore toujours les résultats de cette expérimentation, alors qu’elle a pris fin en juillet.
Anne Lavaud, de l’association Prévention routière, préconise « de baisser la vitesse de manière pragmatique selon les routes, y compris à 70 km/h sur les portions les plus accidentogènes, et de laisser à 90 km/h pour les autres ». Claude Got, spécialiste en accidentologie, lui, plaide pour que la mesure soit « généralisée sans exception aucune ». Il craint qu’on ne réduise la vitesse maximale sur les départementales tortueuses mal entretenues mais pas sur les « belles routes » toutes droites avec une bonne visibilité. « Attention, prévient le spécialiste, ces axes qu’affectionnent les automobilistes sont certes un peu moins dangereux mais, comme ils sont beaucoup plus empruntés, ils enregistrent le plus de morts. »
Une mesure, trois questionsL’idée d’abaisser la vitesse de 90 à 80 km/h risque d’impacter de très nombreux automobilistes tant elle concerne une partie importante du réseau hexagonal.
1 - Quels axes sont concernés ?Les routes bidirectionnelles sans rail ni muret entre les deux voies. Difficile de connaître la longueur exacte de ce réseau, mais il comprend plus de la moitié des routes nationales (N), soit 5 335 km, et l’immense majorité des départementales, soit 377 500 km.
2 - Combien de morts évitées ?« Les routes secondaires sont les plus accidentogènes, il faut impérativement agir, estime Anne Lavaud, de la Prévention routière. Sur les 3 477 morts de la route en France métropolitaine l’année dernière, plus de 60 % ont été tués sur des axes limités à 90 km/h ou moins. »
Selon l’accidentologue Claude Got, « si la mesure était généralisée on sauverait environ 450 vies par an ». On estime que 1 % de vitesse en moins = 4 % de morts en moins. Mais cette formule ne fait pas l’unanimité, C’est pourquoi Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, avait lancé en 2015, pendant deux ans, un test grandeur nature sur quatre tronçons. Pas sûr que ce soit très concluant : si l’on en croit les chiffres de l’Observatoire des vitesses publiés récemment, les Français roulent en moyenne à 82 km/h sur ces routes.
3 - Combien cela coûterait ?Cette mesure, si elle était adoptée, ne nécessiterait qu’un changement des panneaux de signalisation. Elle obligerait aussi les éditeurs de cartes GPS à mettre à jour leurs données, comme ils le font déjà régulièrement. Pourtant, la Ligue de défense des automobilistes estime que le passage de 90 km/h à 80 km/h coûterait 12 milliards d’euros. Comment en arrive-t-elle à cette somme ? En guerre contre les abaissements de seuil de limitation de vitesse, l’association avance qu’un certain nombre d’entreprises et de commerces seraient pénalisés, les clients et les employés étant contraints de passer plus de temps sur les routes.
É.T.