http://www.rfi.fr/emission/20191228-france-contre-exces-vitesse-mer
La France contre l'excès de vitesse en mer pour réduire la pollution
Ce qui fonctionne pour les voitures fonctionne aussi pour les navires ! Réduire la vitesse du moteur pour moins polluer : expérimentée pour des raisons économiques au lendemain de la dernière crise financière de 2008, cette technique du ralentissement des cargos avait fait chuter le taux d'émission de CO2. En 2019, Emmanuel Macron a défendu l'idée à l'ONU puis au G7, le rendez-vous des pays les plus puissants du monde. Devenu l'ambassadeur d'une idée apparemment toute simple, mais pas si facile à imposer !
En coulisses, c'est à un Français, Philippe Louis-Dreyfus, que l'on doit cette idée toute simple (il le dit lui-même) de ralentir la vitesse en mer pour moins polluer. Philippe Louis-Dreyfus a voué sa carrière au transport maritime. Après un mandat à la tête des armateurs européens, il continue de gérer sa société de transport maritime.
Autant dire que les navires et leur fuel, beaucoup plus lourd que celui des voitures, n'ont pas de secret pour lui. Cet expert convaincu est tellement convaincant qu'il a réussi à convaincre le président de la République de se faire l'ambassadeur de la vitesse réduite auprès des grandes puissances du monde.
Le diesel maritime pollue plus que le diesel des voitures
« Effectivement, nous dit-il, j'ai eu la chance de pouvoir en parler à Emmanuel Macron. Il ne faut pas se voiler la face, un navire c'est grand, c'est lourd et extrêmement polluant. Le fuel maritime n'est pas raffiné, et même si les nouvelles normes nous imposent de réduire le taux de souffre dans nos moteurs, il reste encore plus polluant que le carburant du secteur automobile. »
« Or, poursuit-il, cette solution efficace de réduction de la vitesse agit comme pour une voiture, moins vous allez vite moins le moteur pollue. Cela fait quatre ans que je suis engagé dans ce combat pour la préservation de la planète. La réussite de cette mesure a été prouvée en 2008 lors de la crise financière et la hausse du prix du carburant. Nous les transporteurs, tous les armateurs, nous avons aussi notre part d'efforts à faire. »
95% des marchandises mondiales sont transportées par la mer, soit 3% de la pollution au CO2
Dans le monde du transport maritime, ce n'est un secret pour personne, le retard pris dans l'équipement de bateaux ou de bornes pour moteurs électriques ou à hydrogène ne permet pas encore une circulation plus propre. C'est pour cela que la France tente de devenir pionnière d'une contrainte si utile et si simple à appliquer. Mais plus facile à dire qu'à faire ! Le président français en a fait les frais lors du dernier G7, la réunion des sept plus grandes puissances du monde l'été dernier, en France.
Les produits périssables et les ferrys de voyageurs ne seraient pas concernés
Les grands pays exportateurs de pétrole comme l'Arabie saoudite, les États-Unis mais aussi les exportateurs de produits frais comme les fruits pour le Chili ou l'Argentine s'opposent à une telle mesure. Leur poids pèse lourd auprès des instances de l'Organisation maritime internationale.
C'est pour cela que la proposition française déposée auprès de cette instance dépendant de l'ONU exempte de contraintes de vitesse tous les ferrys puisqu'en tant que transporteurs de voyageurs, ils ont des distances souvent courtes avec des contraintes de temps. Les porte-containers de produits périssables en seraient aussi exonérés.
Le président Macron en appelle aux armateurs de France pour convaincre leurs collègues japonais
Le 3 décembre dernier aux assises de la mer, Philippe Louis-Dreyfus a de nouveau rencontré le président Macron. Sur scène, aux côtés d'un panel d'experts, le président l'a félicité pour le travail déjà accompli. La Grèce et la Norvège d'abord opposées ont fini par se ranger du côté français. Mais en même temps que les louanges, Emmanuel Macron n'a pas caché son impuissance :
« Tout président de la République que je suis, je ne peux pas faire le travail tout seul auprès des grands de ce monde. Vous avez deux camps, celui du court terme efficace et rapide, le nôtre ! Et l'autre, à long terme mené par les Japonais qui privilégient plus le progrès technique avec la recherche sur de nouveaux matériaux et de nouveaux carburants. »
« Pour aller vite et défendre la planète, j'ai besoin de vous, armateurs et professionnels de la mer. En mars prochain, j'ai une nouvelle réunion internationale sur le sujet. D'ici là, je compte sur vous pour en parler et convaincre vos collègues japonais pour qu'ils fassent pression sur leur gouvernement. »
Grâce à l’outre-mer, la France possède le deuxième espace maritime mondial
Cette année, la France s’est engagée à faire du XXIe siècle un siècle maritime. Les dernières assises de la mer ont confirmé le lancement d’un nouveau programme de recherche océan et climat. Doté d’une enveloppe de 5,5 millions d’euros, il sera ouvert aux scientifiques du CNRS, le Centre national de recherche scientifique et de l’Ifremer, l'Institut national de recherche maritime. Le but est de pouvoir allier activité économique et protection des mers et des récifs coralliens.
5,5 million d’euros pour un nouveau programme océan et climat
Si tous les pays du monde, loin s’en faut, ne font pas de l’écologie leur priorité, cette initiative de recherche scientifique française s'inscrit dans les préoccupations de la nouvelle présidente de la Commission européenne. Dans son discours d’entrée en fonction, Ursula Van Der Leyen s’est engagée à réduire les émissions de carbone dans les dix ans à venir.
Pour résumer, outre la réduction de la vitesse, appuyée par l’Europe, des solutions durables à court terme comme l’obligation pour les navires de réduire le taux de soufre dans les moteurs ont déjà montré leur efficacité. Les autres défis pour bateaux du futur concernent les carburants moins polluants mais aussi l’équipement des ports pour le passage à l’électrique ou à l’hydrogène.