01.net a écrit:iTowns, le Google Street View français, est en approche
Dans quelques semaines, l'Institut géographique national (IGN) commencera à expérimenter son projet iTowns en l'ouvrant au grand public. Il s'agit d'un service en ligne de navigation immersive à la manière de ce que propose Google avec Street View.
Dans un premier temps, les utilisateurs pourront explorer le 12e arrondissement de Paris. Mais l'ambition de l'Institut est bien d'englober rapidement la capitale avant d'étendre sa couverture à toute la France dans les prochaines années.
iTowns est l'une des nombreuses applications concrètes issues du projet Stereopolis, lancé par l'IGN en 2002. Il s'agit d'un programme de numérisation du territoire à l'échelle de la rue. A la manière des Google cars, l'IGN dispose d'un véhicule sillonnant les rues pour les photographier. Il est bardé de dix caméras Full HD, de capteurs laser et d'un système de géoréférencement élaboré permettant une acquisition très précise.
L'ambition de Stereopolis est de constituer une base de données qui pourra servir de source à diverses applications grand public et professionnelles, et dont la partie la plus visible sera iTowns. Evoquant ce projet dont il est le coordinateur, Nicolas Paparoditis, le directeur du laboratoire Matis du service de recherche de l'IGN, explique : « C'est un Street View qui a des potentialités de mesure. On peut par exemple s'en servir pour calculer la surface d'une fenêtre ou d'un bâtiment. »
En effet, grâce à la qualité des clichés de Stereopolis (une image panoramique affiche une résolution de 20 millions de pixels) et à l'utilisation des relevés laser, la précision est de l'ordre du centimètre. Le niveau de détail est impressionnant. On peut zoomer au plus près d'une façade et découvrir les détails d'un bâtiment.
Dans iTowns, la navigation est enrichie avec la base de données GeoNames (base mondiale qui répertorie plus de 8 millions de points d'intérêt), que l'on peut activer d'un clic. Les noms des lieux et monuments alentour s'affichent en surimpression de l'image, et il suffit de cliquer dessus pour s'y rendre directement.
Outre la navigation, iTowns intègre des outils qui permettent, à l'aide de la souris, de calculer très facilement la surface d'une façade ou la largeur et la hauteur d'une fenêtre. « Nous sommes les seuls à proposer un tel service. Les géomètres et les architectes sont déjà très intéressés », nous explique Alexandre Devaux, chargé d'études et de recherches qui participe au projet iTowns.
Autre point fort du système, là encore issu de la puissance de Stereopolis, la possibilité d'extraire chaque élément d'une image, comme le marquage au sol, le mobilier urbain, les piétons, etc. Le laboratoire Lip6 de l'institut Pierre-et-Marie-Curie a également mis au point un procédé de détection du texte. Ainsi, grâce au moteur de recherche intégré, on peut par exemple taper le nom d'un magasin et être projeté immédiatement devant son entrée.
Le système ira même beaucoup plus loin, nous a révélé Alexandre Devaux : « On pourra par exemple taper “restaurant chinois rouge” avec le nom du quartier et retrouver le lieu. » iTowns possède aussi un éditeur multimédia grâce auquel il est possible d'ajouter du contenu interactif (vidéos, liens hypertexte…) en quelques clics. Exemple : un bandeau animé sur la façade de l'opéra Bastille qui présente le programme des spectacles. « Pour le moment, cet éditeur sera réservé aux établissements publics », nous a indiqué Nicolas Paparoditis. Mais il pourrait être ouvert aux professionnels du privé (notamment les commerçants), voire au grand public une fois un système de modération mis en place. Après le 12e arrondissement, iTowns devrait rapidement proposer l'ensemble de la capitale. Avant, à l'horizon des prochaines années, de couvrir toute la France.
Nicolas Paparoditis, directeur du laboratoire Matis au service de recherche de l'IGN, est à l'origine du projet Stereopolis, développé avec le soutien de l'Agence nationale de la recherche (ANR). « La mission de service public de l'IGN, c'est la numérisation des territoires. Nous travaillons depuis longtemps sur la modélisation des villes en 3D avec des prises de vue par satellite et des photos aériennes. Mais le niveau des détails n'était pas assez élevé, nous devions nous doter de nouveaux outils », explique-t-il.
Dès 1998, il imagine le projet Stereopolis qui voit le jour en 2002, cinq ans avant le lancement de Street View. Si la comparaison avec le service de Google est utile pour illustrer ce qu'est Stereopolis, sa conception et son champ d'application sont plus élaborés.
Le véhicule de l'IGN est équipé de 10 caméras réparties sur un mât et capables de saisir des images en haute définition 1080p afin de produire des vues panoramiques. Il peut travailler en se déplaçant aux vitesses autorisées, à savoir 50 km/h en ville et 130 km/h sur autoroute. Selon M. Paparoditis, les Google cars de dernière génération n'utilisent que cinq caméras. Il explique par ailleurs que les modèles utilisés pour Stereopolis sont très bien calibrés et offrent une grande « dynamique radiométrique ». En effet, ces caméras travaillent en 12 bits avec 4 000 niveaux utiles, ce qui signifie concrètement qu'il n'y pas de variation dans la vitesse et la qualité de la capture lorsque l'exposition et les conditions de luminosité changent.
Autre particularité, l'image panoramique n'est pas générée physiquement ce qui, comme l'explique le directeur du laboratoire Matis, mobiliserait beaucoup de ressources pour le traitement afin de dupliquer toutes les informations. « Dans un navigateur, les images sont projetées sur des plans pour retrouver l'immersion panoramique. C'est ce que l'on appelle du multiplanaire. »
Stereopolis effectue trois opérations simultanées : l'acquisition des images à l'aide des caméras, la reconstitution de la scène en 3D grâce à des capteurs laser qui créent un nuage de points et le géoréférencement afin d'établir les coordonnées GPS des lieux.
« Ce système n'est pas uniquement dédié à la visualisation, c'est aussi un outil de mesure », souligne Nicolas Paparoditis. D'où la nécessité de disposer de données d'une grande précision.
Mais ce n'est pas tout. En « plongeant » la photo panoramique dans le nuage de points laser, Stereopolis peut en extraire automatiquement certains éléments : piétons, panneaux de signalisation, mobilier urbain, façades, fenêtres, etc.
« Nous collaborons avec un partenaire qui travaille sur l'extraction de texte au cœur des images, ajoute M. Paparoditis. Le but est de pouvoir créer des bases de données images spécifiques qui pourront être utilisées par des services grand public ou professionnels ou intégrées dans des terminaux tels que des GPS ou des smartphones. L'IGN se positionne comme l'opérateur qui va fournir l'infrastructure de données pour toutes ces applications ». Plusieurs projets exploitant Stereopolis existent déjà.
Il y a tout d'abord la déclinaison grand public qui s'appelle iTown. Financé par L'ANR et Cap Digital (pôle de compétitivité des contenus numériques), il est supervisé par Nicolas Paparoditis. « C'est un Street View qui a des potentialités de mesure. On peut par exemple s'en servir pour calculer la surface d'une fenêtre ou d'un bâtiment », explique-t-il.
Stereopolis sert aussi à des missions de service public. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, cette technologie est utilisée pour estimer les pertes énergétiques des bâtiments et assurer le suivi des politiques mises en œuvre dans ce domaine.
Ainsi, le véhicule de l'IGN, équipé de capteurs thermiques, a-t-il quadrillé toute la commune de Saint-Mandé. On retrouve Stereopolis dans le projet CityVIP testé à Clermont-Ferrand. Il s'agit de voitures électriques biplaces mises à disposition du public pour effectuer un trajet sur un parcours donné. Ces véhicules peuvent circuler en flotte et de façon totalement automatique en se guidant notamment grâce aux informations fournies par Stereopolis.
« L'avantage de notre technologie est qu'elle permet de parcourir des distances plus importantes », précise Nicolas Paparoditis. On le comprend, les débouchés envisageables à partir de Stereopolis sont nombreux. Encore faut-il pour cela disposer d'une base de données qui couvre toute la France.
Pour le moment, l'IGN n'a qu'un seul véhicule. Son coût d'exploitation revient à un euro du kilomètre. Selon Nicolas Paparoditis, il faudrait cinq véhicules et de deux à trois ans pour quadriller le million de kilomètres linéaires (hors chemins vicinaux) que compte l'Hexagone. « Cela représente entre cinq et sept pétaoctets de données non compressées », estime le chercheur. Le stockage d'un tel volume de données est l'un des problèmes cruciaux à résoudre.
Il devrait être confié au data center de la plate-forme THD de Cap Digital qui, en principe, accueillera également le projet iTowns. Outre la France, Stereopolis pourra-t-il, comme le fait Google avec Street View, sillonner d'autres pays ? « Il est probable que nous en confions l'exploitation à un autre opérateur », confirme Nicolas Paparoditis.
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