capital.fr, Olivier Drouin a écrit:Paris-La Défense, l'énigme des futures tours russes
Appartements somptueux, restaurants bling bling... Le projet de l’Hermitage Plaza, dans les Hauts-de-Seine, suscite la convoitise de Nicolas Sarkozy. Problème : leur très opaque promoteur russe est en quasi-faillite...
Elles en imposaient, sous la verrière du Grand Palais, ces énormes poupées russes de 16 mètres de haut. Mais, ce vendredi 11 juin, François Fillon et Vladimir Poutine, venus inaugurer l’Exposition nationale russe à Paris, n’y ont jeté qu’un regard furtif. Foin de matriochkas ! Les deux Premiers ministres ont préféré s’attarder sur l’énorme maquette futuriste qui trônait juste à côté. Elle représentait deux tours géantes, scintillantes comme des diamants, qu’un promoteur de Saint-Pétersbourg s’est mis en tête de construire à la Défense, le quartier d’affaires de Paris. Leur nom ? Hermitage Plaza.
Rarement projet privé n’aura bénéficié d’autant d’attention au plus haut niveau : Poutine a proposé de venir lui-même, à l’automne 2011, poser la première pierre de ces tours jumelles, qui coûteront la bagatelle de 2 milliards d’euros. Et c’est en présence de Nicolas Sarkozy et de son homologue Dimitri Medvedev que le protocole d’intention a été signé le 19 juin dernier, à Saint-Pétersbourg, avec l’Epad, le fameux Etablissement public de gestion du quartier d’affaires de la Défense, dont Jean Sarkozy briguait la présidence. «Tout cela s’est décidé dans la précipitation, sans aucune concertation avec les collectivités», s’étrangle Jean-André Lasserre, membre PS du conseil municipal de Courbevoie, ville où sera construite la future merveille. «Cette situation est inadmissible», renchérit Jean-Paul Huchon, président socialiste du conseil régional d’Ile-de-France, outré lui aussi d’avoir été laissé sur la touche d’un projet aussi pharaonique.
Mais les élus de l’opposition ne sont pas les seuls à s’interroger. Choix architecturaux, opacité des décisions, financement du projet… Bien des professionnels se grattent la tête en examinant les détails de cette folle opération, menée à contre-courant du marché : depuis la crise des subprimes, tous les grands projets de la Défense ont été différés, ou carrément abandonnés, comme la tour Signal de Jean Nouvel. Les Russes, eux, veulent aller jusqu’au bout.
Premier sujet d’interrogation : la taille et l’emplacement de leurs tours, dessinées par le célèbre architecte britannique Norman Foster. Elles seront en effet édifiées en bord de Seine, juste à côté du pont de Neuilly. «D’un point de vue urbanistique, c’est une aberration», commente l’architecte Denis Valode, associé du cabinet Valode et Pistre. De fait, avec leurs 92 étages et leurs 323 mètres de haut (1 mètre de moins que la tour Eiffel), les tours Hermitage dénatureront inévitablement la perspective historique, qui relie l’obélisque de la Concorde à la Grande Arche, en passant par l’arc de Triomphe. Philippe Chaix, le directeur général de l’Epad, balaie l’argument d’un revers de main : «Quand on a bâti le Cnit en 1956, les architectes criaient déjà au scandale.» Ancien secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine, cet énarque ne cache pas son enthousiasme pour les futurs gratte-ciel. «La Défense est à la traîne en terme d’image et elle est déserte la nuit. Ce condominium de grand luxe devrait lui permettre de renforcer son attractivité et son rayonnement.»
Question bling bling, on sera en effet bien servi… Sur près des deux tiers de sa surface, l’Hermitage Plaza (280 000 mètres carrés) abritera des appartements de grand standing proposés à 12 000 euros le mètre carré. Le reste abritera des bureaux très haut de gamme, un hôtel cinq étoiles, des commerces chics, des restaurants clinquants et un spa panoramique au sommet d’une des deux tours. Circonstance aggravante pour ses détracteurs, ce temple racoleur sera construit à l’emplacement de 250 logements sociaux, qui seront bientôt rasés. Le promoteur les a d’ailleurs déjà rachetés pour 50 millions d’euros à leur propriétaire, Logis Transports, une filiale de la RATP. Et le permis de démolir est déjà affiché dans la rue.
Mais, au fait, comment seront donc financés les 2 milliards d’euros de ce mégachantier ? Les responsables de l’Epad avouent l’ignorer. Emin Iskenderov, le jeune patron (34 ans) d’Hermitage, la société russe qui mène le projet, n’a pas souhaité recevoir Capital. Mais il a fourni de vagues précisions dans un communiqué : outre les 150 millions d’euros déjà investis en études et en achat des logements sociaux, son entreprise disposerait de 150 millions de fonds propres, et elle se ferait fort de conclure avant la fin de l’année un accord de financement à hauteur de 700 millions avec un pool de banques européennes. Lesquelles ? Mystère. «Leurs noms seront révélés à la signature du contrat définitif avec l’Epad», précise le communiqué. Et le milliard restant ? Hermitage compte le financer grâce à la vente sur plans des futurs appartements. A condition qu’ils trouvent preneur…
Autre problème : les comptes du promoteur n’ont pas vraiment de quoi allécher un banquier. En 2008, dernière année où ils ont été publiés, ils affichaient 4 millions d’euros de pertes pour un chiffre d’affaires de 6 millions. En fait, la seule réalisation en France de la société se résume aux Allées de l’Hermitage, un ensemble de six petits immeubles bâtis en 2007 à Montévrain (77), dans une drôle d’atmosphère. Suspectant la passation de marchés douteux avec la société d’économie mixte de Montévrain, la justice a en effet ouvert l’an dernier une enquête préliminaire. Et le maire de la commune voisine de Chessy, Olivier Bourjot, assure qu’Emin Iskenderov a tenté de le corrompre, accusation réfutée par l’intéressé. Ambiance…
Les deux autres projets lancés par le promoteur (19 000 mètres carrés de logements à Mantes-la-Jolie et 50 000 à Carrières-sous-Poissy, dans les Yvelines) ont, quant à eux, été abandonnés. «Les Russes ont déboulé en roulant les mécaniques et en achetant des terrains au prix fort sans aucune concertation avec la municipalité, se souvient Eddie Aït, le maire de Carrières. Ils ne savaient même pas qu’ils étaient dans une zone d’aménagement différée, avec droit de préemption de la ville.» Pas très professionnel.
Mais il en faudrait plus pour décourager le camarade Iskenderov, qui plastronne chaque année au Mipim, le salon immobilier de Cannes, en vantant la solidité de sa maison mère, l’un des plus gros promoteurs immobiliers de Russie. Pas de chance : fondé à Saint-Pétersbourg en 1994 par Sergueï Polonsky et Arthur Kirilenko, deux jeunes hommes d’affaires pressés de faire fortune, le groupe Stroïmontage, entièrement financé par emprunts bancaires, a été touché de plein fouet par le retournement du marché immobilier. Et il a fait faillite l’an dernier. Qu’à cela ne tienne : sa filiale Hermitage et son projet de la Défense ont été transférés à Mirax, une autre société détenue par Sergueï Polonsky. Laquelle est aussi harcelée par ses banquiers, qui n’arrivent pas à se faire rembourser leurs prêts. Polonsky, qui se dit proche de Poutine, était jusqu’alors connu en Russie pour son arrogance et son aversion pour «les ratés même pas milliardaires en dollars». Aujourd’hui, il est quasiment ruiné.
Alors, qui paiera pour les tours bling bling de la Défense, auxquelles semblent tant tenir l’Epad et Nicolas Sarkozy ? Pour l’instant, c’est une énigme.
Olivier Drouin
guy21 a écrit:Qu'on arrête de construire à la Défense, bon sang! Et qu'on s'inquiète de ré-équilibrer en buildings la région parisienne à l'est.
djakk a écrit:à l'est je sais pas, mais à "mi-chemin" c'est en cours, au nord (la plaine saint-denis).
Mieux vaut conforter ce 2e grand pôle tertiaire avant d'en créer un 3e
Biglower a écrit:Il faut bien remplacer l'abandon lamentable de la tour Signal, bien que je préférerais que celle-ci refasse surface.
eomer a écrit:Humm...c'était quand même l'un des projets les plus moches, celui de Jean Nouvel, qui avait été choisi. L'interêt de construire des tours de 300 m pour remplacer des tours de 100 m dans un secteur dont les transports sont déja saturés me parrait assez réduit. Autant chercher des alternatives du côté de St Denis-Stade de France ou de Noisy le Grand.
djakk a écrit:à l'est je sais pas, mais à "mi-chemin" c'est en cours, au nord (la plaine saint-denis).
Mieux vaut conforter ce 2e grand pôle tertiaire avant d'en créer un 3e
basco - landais a écrit:guy21 a écrit:Qu'on arrête de construire à la Défense, bon sang! Et qu'on s'inquiète de ré-équilibrer en buildings la région parisienne à l'est.
Et où voudrais tu qu'on construise des buildings ?
Je préfère mieux ce qui se fait à Marne la Vallée qu'à La Défense, et puis ca eviterait aussi cette transhumance tous les jours en equilibrant un peu plus la repartition des emplois
guy21 a écrit:djakk a écrit:à l'est je sais pas, mais à "mi-chemin" c'est en cours, au nord (la plaine saint-denis).
Mieux vaut conforter ce 2e grand pôle tertiaire avant d'en créer un 3e
Surtout pas, tant que l'offre de transport n'est pas là!
La ligne M13 est saturée (on en parle beaucoup sur ce forum), la ligne M14 n'arrivera pas à Pleyel avant 2017 et la gare RER D manque toujours cruellement d'une ouverture vers Pleyel justement.
djakk a écrit:en fait, le quartier Pleyel, malgré sa grande tour, n'est pas l'endroit où se construit le plus de bureaux ; les constructions se concentrent plutôt autour de la gare du rer b, ligne qui en 2012 aura une forte augmentation de capacité (les travaux sont en cours) : un train toutes les 3 minutes et ils seront tous omnibus.
guy21 a écrit:basco - landais a écrit:guy21 a écrit:Qu'on arrête de construire à la Défense, bon sang! Et qu'on s'inquiète de ré-équilibrer en buildings la région parisienne à l'est.
Et où voudrais tu qu'on construise des buildings ?
Je préfère mieux ce qui se fait à Marne la Vallée qu'à La Défense, et puis ca eviterait aussi cette transhumance tous les jours en equilibrant un peu plus la repartition des emplois
Tu ne dis pas autre chose que ce que j'ai exprimé par ma remarque: le choix pertinent en terme de rupture des aller-retours quotidiens est de favoriser le transfert des projets de construction sur MLV.
hh35 a écrit:A 45min de Paris et en rase campagne, très consensuel comme idée
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