LIBÉRATION 19 Juillet 2008
Autoroutes .. Depuis la privatisation de 2005, tarifs et bénéfices augmentent massivement.
Péages: le privé fait la loi, l'Etat promet d'agir. .. en 2009
Pour les sociétés d'autoroutes, tout va bien.
Merci. Leurs chiffres d'affaires ont nettement progressé en 2007: +7,88% en moyenne, pour un montant total de plus de 7,3 milliards d'euros (1). La bataille acharnée pour remporter les concessions, lors de la privatisation des autoroutes en décembre 2005, en valait donc bien la peine. Vinci (propriétaire du groupe ASF, +6,1 %, 465,1 millions d'euros de bénéfices), Eiffage (groupe APRR, +7,9%, 341 millions d'euros de bénéfices) et Abertis (groupe Sanef, +8,8%, 197millions d'euros en 2006) touchent le jackpot. Un jackpot toujours plus important, puisque 96% à 98% du chiffre d'affaires de ces sociétés proviennent des recettes péages, et que les automobilistes sont toujours plus nombreux à passer à la caisse. En 2007, le trafic sur les autoroutes payantes a encore augmenté de 3,8%. "La période actuelle est plutôt bonne, reconnaît Jean-René Argouarc'h, directeur de l'exploitation d'APRR. Grâce à l'augmentation du trafic, la hausse des tarifs autoroutiers et la poursuite de la réduction progressive des taux de remise aux abonnés poids lourds comme le demande une directive européenne,»
C'est justement l'augmentation postprivatisatian de ces tarifs qui a fait bondir la Cour des comptes, Dans un rapport, en février, elle a sérieusement épinglé les concessionnaires d'autoroutes. Selon
les magistrats, leur politique tarifaire est "opaque pour les usagers" et "incohérente économiquement". En conclusion,le système serait "trop favorable aux concessionnaires». Principale critique: le "foisonnement", une technique en expansion depuis la privatisation. Elle consiste, pour les sociétés d'autoroutes, à maximiser les profits en concentrant les hausses sur les tronçons les plus empruntés et en pratiquant des augmentations bien plus mesurées sur les portions les moins utilisées.
Résultat: la hausse annuelle globale des tarifs fixée par l'Etat (1,42%en moyenne pour 2007) est bien respectée sur l'ensemble du réseau autoroutier... mais le compte n'y est pas pour les usagers. D'un tronçon à l'autre, les prix au péage varient de 1 à 10. "Les concessionnaires ont joué de manière intellectuellement malhonnête. Mais la principale erreur revient à "Etat, qui a privatisé à la hâte sans avoir remis d'ordre dans le système des péages", indique Christian Descheernaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes.
L'UFC-Que choisir fait le même constat: une "passivité de l'Etat, au lendemain de la privatisation, alors qu'il aurait dû renforcer son
contrôle", constate Arnaud de Blauwe, spécialiste du sujet, à l'UFG-Que choisir. Alors que les sociétés d'autoroutes font des gains de productivité, notamment en développant le télépéage, l'automobiliste n'en voit pas les retombées. Un exemple: sur les autoroutes Escota, pointe l'association, le badge facturé aux automobilistes a augmenté dans certains cas de plus de 13%. Une aberration, puisque le télépéage fluidifie le trafic et nécessite un nombre réduit de péagiers. Et l'association de constater "une sorte de fatalisme chez le consommateur face à l'absence de transparence sur les modes de fixation des tarif, où les hausses ne sont jamais justifiées". Il est vrai que les automobilistes sont plus concentrés sur la hausse des prix des carburants que sur le prix des péages.
Cinq mois après le rapport de la Cour des comptes, il est trop tôt pour qu'un changement s'opère cet été. Rien ne sera fait avant la renégociation tarifaire de l'automne. Mais, du côté de la Direction générale des routes, on assure que, d'ores et déjà , "des choses sont sur la table, notamment pour plus de transparence et la suppression du foisonnement." Selon la Cour des comptes, les concessionnaires se sont engagés à diminuer la hausse des tarifs des deux prochaines années pour annuler le foisonnement des deux derniers exercices. L'abandon de cette pratique sera vérifié par par la Cour des comptes dès la fin de l'année.
.... VINCENT LONCHAMPT
(1) Source ASPA, Association des sociétés françaises d'autoroutes, bilan 2007.