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RTBF a écrit:Réforme de l'Etat: il n'y a désormais plus de code de la route à Bruxelles
L’affaire était passée un peu inaperçue, tant les autres dossiers sensibles, comme la scission de BHV ou l’autonomie fiscale des entités fédérées avaient monopolisé l’attention, mais c’est bien aujourd’hui qu’entre en vigueur la régionalisation du code de la route, avec les réformes que Wallonie et Flandre voulaient entreprendre, chacune pour ce qui la concerne.
De la Région flamande à la Région wallonne, il suffira aux automobilistes de s’adapter aux quelques différences qui vont à présent se faire jour d’une partie à l’autre du territoire belge mais cela ne devrait normalement pas poser trop de problèmes, selon les experts qui ont validé ces différentes réformes.
On savait par exemple depuis longtemps que la Flandre souhaitait supprimer les feux clignotants orange pour les remplacer par des clignotants jaunes, pour un effet jaune-noir en accord avec les bandes de couleur qui ornent déjà les mats des feux flamands. Personne ne s’y est opposé.
On pensait par contre qu’un accord serait trouvé in extremis pour harmoniser les vitesses maximales sur autoroute entre les deux Régions. Mais chacun a campé sur sa position. Résultat : ce sera bien 150 km/h maximum en Wallonie, et 90 km/h maximum en Flandre.
Le patron de la délégation wallonne à la cellule d’experts, Walter Dermouche, est un peu amer et voit dans le jusqu’au-boutisme flamand une forme de mépris pour la culture populaire wallonne de la vitesse au volant. "On avait enfin l’occasion de s’adapter aux attentes de la population à travers toute la Belgique. Mais bon, il faut constater que les Flamands voulaient marquer cette réforme de leur empreinte. Tant pis", regrette celui qui est aussi administrateur de la société de promotion du circuit de Francorchamps.
Attention donc aux automobilistes qui empruntent l’E40 entre Liège et Bruxelles : entre Waremme et Tirlemont, il leur faudra lever le pied à chaque passage de la frontière linguistique…
Bruxelles prise dans la nasse
Et puis, il faut revenir sur le cas bruxellois. Là, en effet, c’est une situation totalement inédite qui prévaut depuis ce matin. Malgré tous leurs efforts les négociateurs ne sont pas parvenus à se mettre d’accord pour décider lesquelles des règles flamandes et lesquelles des règles wallonnes s’appliqueraient à la capitale. Résultat : sur l’ensemble du territoire bruxellois, le code de la route tout entier a finalement été abrogé ce vendredi matin à 00h01.
Pour les Flamands de Bruxelles, pas question en effet d’admettre que la Région bruxelloise développe son propre règlement de sécurité routière. Cet élu flamand qui préfère garder l’anonymat, explique que cela aurait conduit Bruxelles à adopter quasi intégralement les règles wallonnes. "Onbespreekbaar ! Nous n’avons tout de même pas mis tant d’énergie à séparer Bruxelles de la Wallonie pour voir cette dernière imposer ses règles à notre capitale !", rugit-il. Et pourquoi pas des mesures transitoires, dans l’attente d’un règlement définitif ? "Non, non et non ! Tant qu’ils ne seront pas d’accord de négocier à nos conditions, les francophones n’auront rien ! Plutôt pas de sécurité routière qu’une sécurité routière wallonne !", tranche notre interlocuteur.
Les francophones n’ont pas été, il faut le dire, beaucoup plus conciliants. A chaque fois que les négociateurs flamands formulaient une proposition, il se trouvait un parti francophone pour dire tout le mal qu’il en pensait. De raidissement en raidissement, et à l’approche de la date fatidique, il a fallu constater l’échec.
Un vide juridique
Faute de mieux, on s’est donc résolu à abroger le code de la route à Bruxelles. Désormais, il n’y plus ni limitation de vitesse, ni règle de stationnement, ni aucune règle de priorité dans la capitale. Dans les principales artères ce matin, c’était un peu le chaos entre ceux qui, par habitude, respectent le code et ceux qui s’estiment dans leur bon droit en négligeant les règles habituelles. "Oui, j’avoue que c’est un peu surprenant de se faire klaxonner de toutes parts lorsqu’on est à l’arrêt au feu rouge", témoigne ce monsieur d’un certain âge, légèrement ébranlé par l’expérience.
"C’est vrai, je dois désormais faire attention lorsque je traverse avec mon landau, nous dit aussi cette jeune maman, car j’avais l’habitude de voir les automobilistes s’arrêter pour me laisser passer". "Maintenant, ils ne me regardent même plus", explique-t-elle, un brin désabusée.
Les automobilistes par contre sont plutôt satisfaits : "C’est tout de même plus facile de se garer en double file pour aller chercher ses cigarettes, non ?", demande Roger. "L’ennui, c’est quand on est plusieurs en double file. Parfois ça coince complètement ; mais qu’est-ce que vous voulez, hein, on ne peut pas faire plaisir à tout le monde", poursuit, philosophe, le conducteur bruxellois.
La police, elle, ne voit que des avantages à la situation. Le commissaire Hazewee, de Laeken, constate que le bon sens proverbial bruxellois l’emporte en toutes circonstances : "Au plus qu’on fait le con, au mieux que c’est !", rigole-t-il. Plus sérieusement : "On a moins de paperasse et de toutes ces choses ! Avant, quand tu en mettais un dessus, ça te faisait tout de suite tout un brol. Et tout le monde faisait sauter sa contredanse en stoemelings ! Maintenant ça c’est terminé".
D’ailleurs, le gouvernement bruxellois n’est pas loin de penser que l’abrogation du code de la route pourrait s’avérer payante à moyen terme : moins de frais d’entretien des panneaux de signalisation, moins de policiers affectés à la circulation, moins de frais administratifs pour des amendes que la plupart des contrevenants ne payaient jamais… Et puis aussi, étonnante conséquence de cette nouvelle donne institutionnelle, les réservations en hausse de touristes italiens et surtout romains fascinés, paraît-il, à l’idée de pouvoir vivre en vrai leur fantasme absolu…
Bruxelles avait jusqu’ici le "privilège" de posséder le mode de gouvernement le plus compliqué au monde ; voici que la capitale de l’Europe peut se targuer à présent de disposer des règles de circulation routière les plus simples de la planète ! Mais après un premier tour dans la capitale en ce vendredi 1er avril, on se disait finalement que la situation n’était pas si différente de celle qui prévalait auparavant…
Solène Meunière, avec T.N.