Pas de bande d'arrêt d'urgence sur l'A29, normal…
Pour ménager ses investissements, la Sanef a eu également l'autorisation, au moment de la conception de l'autoroute, de réaliser le viaduc de la Somme en deux fois une voie, contre deux fois deux voies sur le reste du parcours.
REGION - L’A29 est la seule autoroute de France à avoir une portion de voirie qui ne dispose pas de bande d’arrêt d’urgence. Et elle n’est même pas hors la loi…
Les automobilistes saint-quentinois qui empruntent régulièrement l'A29 en direction d'Amiens, voire de la Normandie ont-ils seulement remarqué l'incongruité qui conduit chacun de leur trajet en tête d'un palmarès hexagonal peu banal ? A 130 km/h, la limite autorisée par le code de la route, ce n'est pas si sûr.
D'une longueur totale de 224 km, cette autoroute mise en service entre 1994 et 2005 a en effet la particularité d'avoir « omis » d'implanter une bande d'arrêt d'urgence sur plus de 40 km. L'oubli qui débute à Saint-Quentin se poursuit jusqu'à la gare TGV Haute-Picardie… Endroit où la « BAU », comme l'appellent les professionnels de la route, reprend miraculeusement l'emplacement initial qu'elle n'aurait peut-être jamais dû quitter…
« Le faible trafic » et l'autoroute qui « coûte cher »
L'A29 est la première autoroute en France à avoir été dispensée d'un tel équipement. Et aujourd'hui, c'est encore la seule. Avant elle, aucune autre de ses consœurs n'avait pu y échapper. Après elle, aucune autre n'y a été autorisée. Alors, pourquoi ? Au service communication de la société d'autoroute du nord et l'est de la France (Sanef), concessionnaire de la fameuse parcelle incriminée, on s'abrite derrière les autorisations délivrées à l'époque. « Nous avons suivi le schéma directeur. Tout est dans la norme, sinon nous n'aurions pas pu ouvrir. Une autoroute coûte cher, peut-être que cela n'aurait pas été possible il y a quarante ans, mais là il a été tenu compte du faible trafic qui est bien moindre avec 5 000 véhicules/jour que sur l'A1 par exemple avec ses 80 000 véhicules/jour ».
En lieu et place de la fameuse BAU, les exploitants ont préféré l'aménagement d'une simple bande herbée qui prend dans le jargon le doux nom d' « accotement stabilisé ». Aujourd'hui, le ministère des Transports, qui a effectivement donné son aval lors de l'ouverture de l'axe Saint-Quentin-Amiens en 2001, ne trouve d'ailleurs rien à redire. « Il n'y a pas plus d'accidents ici qu'ailleurs, nous explique t-on - un état de fait confirmé par la Sanef, ndlr cela a permis de diminuer la consommation d'espace sur une autoroute dite légère. ».
Les syndicats de la Sanef n'ont pas été entendus
Ce discours bien rodé, tant du côté de la Sanef que de l'administration, tranche, avec celui observé côté syndical. Les agencements « lights » du concessionnaire, Frédéric Minet, pour la CFTC, en garde ainsi un souvenir amer. « Ca fait plus de dix ans, ça a fait un pataquès à l'époque. On a dénoncé ça au moment de la construction, ils voulaient tout simplement faire des économies en achetant moins de terrains. Mais quand on a vu qu'ils avaient quand même l'autorisation, on a arrêté… »
Le délégué syndical reconnaît toutefois que « curieusement », la zone n'a pas été plus accidentogène que dans des parcelles où la bande d'arrêt d'urgence a le droit de cité. Il précise aussi que des équipes de sécurité supplémentaires y ont « heureusement » été déployées, mais… « Le gros problème, ce sont les camions. Eux, n'ont pas de place pour s'arrêter. Alors, en cas de pépins, ça peut vite être la catastrophe. »
Selon les Motards en colère, « c'est du n'importe quoi »
Un avis partagé par la fédération des Motards en colère de la Somme. Son responsable, Philippe Leduncq, tout en expliquant qu'il « n'avait jamais remarqué » l'absence de « BAU », ne mâche pas ses mots. « Alors, comme ça, on peut faire tout et n'importe quoi. Je ne vais pas trop charger la mule, car je n'y avais jamais fait attention. Mais tout de même… Déjà que la durée de survie sur une bande d'arrêt d'urgence est de 20 minutes, comment on fait s'il n'y en a pas ? Et est-ce que l'on peut attaquer la Sanef en justice parce qu'il n'y en a pas » Remonté, le Samarien entend bien, à ce sujet, aller interroger le service juridique de son association
Il n'en aura peut-être pas besoin. La Sanef aurait programmé l'aménagement d'une BAU « en 2013, ou 2014 ». Problème, la CFTC nous a indiqué « ne pas être au courant. » d'une telle décision.
En attendant, de Saint-Quentin à la gare TGV haute-Picardie, circulez en toute sécurité, il n'y a presque rien à voir. Rarement, un message officiellement véhiculé aura collé à ce point à la réalité…