La Tribune d'Orléans a écrit:A19 : la fréquentation peine à décoller
Publié le jeudi 26 janvier 2012 par : Tribune
INFRASTRUCTURE Un an et demi après son ouverture, le tronçon de l'A19 qui relie l'A10 et l'A6 entre Artenay et Courtenay reste bien peu emprunté, avec 7.000 véhicules/jour, dont seulement 12% de camions. L'éco-taxe poids-lourds, qui devrait être appliquée en juin 2013, pourrait changer la donne.
«C'est bien simple : chez les transporteurs de la région, les chauffeurs ont l'interdiction d'emprunter l'A19 !» Quand on lui parle de ce tronçon autoroutier ouvert le 16 juin 2009, reliant Artenay et Courtenay sur une distance de 101 kilomètres, Laurent Fesneau, co-président de TLF Centre (Fédération des transporteurs routiers), démarre au quart de tour. Il faut dire que les 51€ de péage* exigés pour un poids lourd sur le parcours Saran-Courtenay ont du mal à passer. «Pour comparaison, le péage revient à 38€ pour un Saran-Tours, soit la distance équivalente!», poursuit Laurent Fesneau. «Nous facturons entre 1,20 et 1,30€/km à nos clients. Comment voulez-vous que l'on s'y retrouve ?»
En mai 2002, le CETE (Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement) de l’Ouest avait estimé le trafic pour 2007 entre 6.500 et 7.400 véhicules/jour, dont 22 à 23% de poids lourds, et jusqu'à 13.500 véhicules/jour pour 2020. Finalement mise en service en 2009, l'A19 affiche pour 2011 un trafic moyen inférieur à ces prévisions -déjà peu élevées-, surtout pour les poids lourds qui sont seulement 800 à emprunter le tronçon chaque jour. «Le trafic global sur l'A19 a augmenté de 14% entre 2010 et 2011», fait valoir le conseil général du Loiret, qui reconnaît toutefois que «le trafic poids lourds reste stationnaire». «C'est vrai qu'il y a une petite déception à ce niveau là», ajoute Yves Broussoux, le président de la CCI (Chambre de commerce et d'industrie) du Loiret. «Cela vient aussi du fait que de nombreux GPS ne l'intègrent toujours pas dans leurs tracés !»
Pour comparaison, le trafic moyen sur l'A6 oscille entre 29.000 et 57.000 véhicules selon les tronçons, et entre 31.000 et 51.000 sur l'A10 (francilienne exclue). Quant à la RD2060 (ex RN60), dont le désengorgement était l'un des objectifs du projet de l'A19, le trafic moyen y est de 11.000 véhicules/jour en 2011, en baisse de 24% depuis la mise en service de l'A19 (-22% pour les camions)...mais en hausse par rapport à 2010 : +2% pour les voitures, et surtout +7% pour les poids-lourds. «Sur certains tronçons, comme entre Orléans et Châteauneuf, ça n'a rien changé!», dénonce le conseiller général vert Thierry Soler. «Les accidents sont moins nombreux sur la RN60 depuis la mise en service de l'A19», rétorque Yves Broussoux.
En 2002, le Département avait d'emblée décidé «d'assurer le rôle de chef de file du projet», et avait ensuite apporté 16,6 M€ au projet sur les 80 M€ de fonds public, le reste étant apporté par l'État (40 M€) et la Région Centre (18,4 M€), le montant global de tronçon s'élevant à 830 M€. Un montant justifié par le caractère ''écolo'' du tronçon, mais aussi par un impact positif pour le développement économique du Loiret. «On ne fait pas une infrastructure de cette envergure pour si peu d'utilisateurs», soupire Thierry Soler. «D'autant plus qu'elle est surtout utilisée par des gens qui traversent le département sans s'arrêter. Ça ne sert pas son activité économique». À l'époque, l'ex-conseiller régional vert Jean-Louis Burgunder s'était lui aussi opposé au projet. «J'étais monté jusqu'à Bruxelles, et là-bas aussi ils avaient prévu que le trafic serait inférieur aux attentes !» se souvient-il. «Le doublement de la RN60 aurait été une bien meilleure solution». Yves Broussoux, de son côté, se dit «optimiste à moyen terme : la zone d'activité d'Escrennes se développe déjà, comme à Artenay, et nous sommes maintenant prêts à accueillir de nouvelles implantations d'entreprises».
En attendant, l'éco-taxe poids lourds devrait être mise en service en juin 2013. Celle-ci prévoit de taxer les camions en moyenne de 12 cts/km lorsqu'ils utilisent un itinéraire dit ''local'' (à savoir les routes départementales ou nationales) au lieu d'un tronçon payant. «On sera bien obligés de la prendre, cette A19 !» peste Bruno Robert, le président régional de la FNTR (fédération des transporteurs routiers). «Que les exploitants se rassurent : on arrive !»
Michèle Colombel
*Contacté par notre rédaction, l'exploitant du tronçon Cofiroute n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Les légumes bio de l'A19
L'autoroute A19 recèle décidément bien des surprises : on y trouve notamment un jardin d'insertion qui produit des légumes bio à hauteur de Beaune-la-Rolande. Un projet mis en oeuvre par Vinci, le constructeur de l'autoroute, en octobre 2010. Douze travailleurs en réinsertion y sont employés 24h/semaine, pour une durée moyenne d'un an. Les légumes, vendus directement au jardin et à Pithiviers, pourraient bientôt être proposés sur l'aire d'autoroute voisine. L'histoire ne dit pas si les employés sont dérangés par le passage des voitures...