Le Parisien a écrit:À la veille de manifester samedi contre le projet d’autoroute reliant Castres à Toulouse, les opposants ont construit un campement et se sont perchés sur des platanes sur le tracé de l’A69.
Le militant Thomas Brail, rencontré mercredi, s'est installé dans un platane de Vendine (Haute-Garonne), sur le tracé de la future autoroute. LP/Rémy Gabalda
Par Frédéric Mouchon, envoyé spécial à Vendine (Haute-Garonne)
Le 21 avril 2023 à 07h17
Du géant vert décapité par les tronçonneuses le mois dernier, il ne reste plus qu’une souche. Sur laquelle une épitaphe a été inscrite à la bombe : « Cent ans pour pousser, quinze minutes pour m’abattre ». Le jour où les scies sont entrées en action, Thomas Brail, fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), est venu faire rempart de son corps pour éviter que d’autres platanes ne soient abattus sur le tracé de la future A 69.
Sur la jolie petite route qui mène au village de Vendine (Haute-Garonne), le grimpeur-arboriste nous invite à 12 m de hauteur, dans l’arbre où il a installé sa tente. Aussi loin que porte le regard, le voilà, ce fameux Pays de Cocagne que veulent préserver les détracteurs de l’autoroute censée relier plus rapidement Castres à Toulouse.
Au pied de la montagne noire, champs de blé vert tendre et parcelles jaunes de colza s’étendent à perte de vue. Par temps clair, les cimes enneigées des Pyrénées sont visibles. C’est ici que l’association la Voie est libre a établi son camp de fortune. Avec les Soulèvements de la Terre, qui avaient appelé aux manifestations anti-bassines de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et que le ministre de l’Intérieur veut dissoudre, cette association locale participe ce samedi à un week-end de mobilisation contre l’A 69. Plusieurs milliers de personnes sont attendues.
Ambiance bon enfant
« Cette autoroute est devenue emblématique de ces projets nationaux injustifiés, inepties écologiques et économiques », explique Geoffroy. Près de lui, sous une tente, des tempes grises et de jeunes parents fourbissent leurs arguments dans une ambiance bon enfant. « On nous stigmatise en nous présentant comme des écolos-bobos qui s’extasient devant un ver de terre et l’on nous traite même de violents simplement parce qu’on dérange le projet de quelques lobbys privés », s’enflamme Laurent, 72 ans.
Le 5 avril, Gérald Darmanin avait classé l’A 69 parmi les 42 projets « susceptibles de faire naître des contestations extrêmement violentes ». « Nous ne voulons pas d’un Sainte-Soline bis », lui répondent les organisateurs de la manifestation de ce samedi.
« Tu trouves que ça ressemble à une ZAD, ici ? nous glisse Thomas Brail, qui a le tutoiement facile. Il n’y a que des familles et des personnes âgées inquiètes de voir disparaître des centaines d’hectares de terres agricoles et des arbres. Tout ça pour construire une autoroute inutile. »
Le Tarn, « un cul-de-sac »
À quelques mètres bourdonne la N 126, bande de bitume reliant Castres à Toulouse. Une nationale qui serait en partie annexée par l’A 69. « On va nous obliger à prendre une autoroute qui coûte 17 € l’aller-retour alors que nous avons déjà payé pour l’élargissement de la nationale qui sera en partie privatisée, s’étrangle Régis, qui vit à Loubens, tout proche. Pour contourner l’A 69, la N 126 va devoir repasser au milieu des villages, ce qui créera des bouchons et de la pollution. »
« L’A 69, je ne la trouve pas forcément utile et ceux qui s’y opposent ne sont pas des casseurs, nous dit Jean-François, maçon rencontré à Puylaurens. Mais je crains que ce ne soit chaud samedi et que certains viennent ici juste pour casser et chahuter les symboles de l’État. » Luc appréhende lui aussi « l’arrivée de casseurs qui ne sont même pas concernés par le projet et sont juste attirés par l’odeur du soufre ». Ce conseiller principal d’éducation est plutôt favorable aux travaux : « Ils permettront de désenclaver le sud du Tarn qui est un vrai cul-de-sac, mais l’idéal aurait sans doute été de réaménager la nationale déjà existante. » « On gagnera presque une demi-heure pour aller à Toulouse », avance Delphine, qui vit dans un petit village de l’arrière-pays castrais.
À une volée de choucas, au bar de Cuq-Toulza, René est persuadé que l’A 69 finira par être construite. « Beaucoup d’élus locaux y sont favorables et les grandes entreprises aussi », confie l’ex-hôtelier.
En attendant, le bruit des pelleteuses fait cauchemarder ceux qui se trouvent au milieu du tracé. « Ma ferme de 80 ha sera coupée en deux, soupire un céréalier de Vendine. On nous prend vraiment pour des moins-que-rien. » Du haut d’un arbre, une jeune arboriste-grimpeuse n’a qu’une obsession : ne pas laisser que du « goudron » pour l’avenir à ses enfants : « On est en train de massacrer la nature pour des histoires de gros sous. »
Le Parisien a écrit:Martial Gerlinger, directeur général du concessionnaire Atosca, chargé du projet d’autoroute entre Castres (Tarn) et Toulouse (Haute-Garonne), se veut rassurant quant à l’impact qu’aura la construction de cette voie rapide, alors que ses opposants s’apprêtent à manifester.
Des militants écologiste ont planté leur campement à Vendine (Haute-Garonne), sur le tracé de la future A69. LP/Rémy Gabalda
Par Emilie Torgemen
Le 21 avril 2023 à 07h23
Pour le directeur d’Atosca, concessionnaire en charge du projet polémique d’autoroute de la discorde A69, ces 53 km d’asphalte respectent « les derniers standards environnementaux » et surtout répondent aux besoins d’une population enclavée. À la veille d’une manifestation des opposants au projet, ce samedi, il a répondu à nos questions.
L’A 69 est-elle nocive pour l’environnement ?
MARTIAL GERLINGER. Tout le monde, y compris les opposants, s’accorde : la région est mal desservie. Nous parlons d’un bassin de vie de 140 000 personnes, le dernier de cette ampleur sans autoroute. Ce projet très attendu répond aux derniers standards environnementaux : nous avons baissé l’empreinte foncière de 80 ha par rapport au projet initial, notamment grâce au « flux libre », c’est-à-dire la suppression des barrières de péage.
La question des arbres est particulièrement sensible…
De petits arbres qui captent moins de CO2…
Au total, pour chaque arbre et arbuste impacté, nous en replanterons cinq. Deux cents arbres d’alignement, dont de grands platanes patrimoniaux, seront bel et bien coupés, mais nous en replanterons le double.
Mais ils grandiront. Par ailleurs, l’État a mis en place un comité de suivi avec des associations de protection de la nature pour vérifier que nos mesures de compensation sont sérieuses. Et ce pendant cinquante-cinq ans, le temps de la concession. Nous allons mettre en place des aires de covoiturages supplémentaires, et des bornes de recharges pour les voitures électriques.
17 € l’aller-retour entre Toulouse et Castres, le trajet sera cher !
Des abonnements pour les habitués permettent d’avoir de 60 à 70 % de réduction. Par ailleurs, le tarif au kilomètre est parmi les moins chers des autoroutes récentes. Selon un récent sondage, 75 % de la population locale est favorable au projet, avec ces prix-là.
Craignez-vous que le chantier n’aille pas au bout ?
Non. On a eu l’autorisation environnementale, un avis favorable de la commission d’enquête. La déclaration d’utilité publique avait été attaquée, elle a été purgée. Les attaques des opposants sur les abattages d’arbres ont été rejetées au tribunal administratif de Toulouse et ce jeudi encore par le Conseil d’État. Les travaux ont bien démarré. Tous les feux sont au vert.
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