La Nouvelle République a écrit:Alors que le gouvernement souhaite abandonner plusieurs projets autoroutiers, l’État prévoit toujours le début des travaux d’élargissement de l'A10 sur 70 km pour 2025. À la charge du concessionnaire privé.
L’opposition au chantier de construction d’une autoroute entre Toulouse et Castres s’intensifie. Le ministre des Transports a annoncé que plusieurs projets autoroutiers seraient abandonnés pour privilégier les investissements dans le ferroviaire et répondre à l’urgence climatique. Et la question se pose dans la Vienne : faut-il maintenir l’élargissement de l'A10 à 2x3 voies prévu sur 70 km entre Sainte-Maure-de-Touraine et Poitiers Sud ?
Pour l’État, la réponse est oui. En Indre-et-Loire, les travaux d’élargissement des 24 premiers kilomètres se sont achevés avant l’été, entre Veigné (au sud de Tours) et Sainte-Maure-de-Touraine. « En toute cohérence, il est donc pertinent de poursuivre », indique la préfecture de la Vienne.
Une concession prolongée jusqu’en juin 2034
Les près de 94 km de section à élargir avaient été inscrits dans le plan de relance autoroutier signé par Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, en 2015. Ce contrat confiait au groupe Vinci la mission de réaliser la première phase des travaux d’élargissement en Indre-et-Loire ainsi que l’enquête publique pour la totalité du projet jusqu’à Poitiers. Cette phase de concertation a abouti à une déclaration d’utilité publique en 2018.
Au passage, l’État avait alors accepté de prolonger la concession accordée à Vinci de deux ans et demi, jusqu’au 30 juin 2034. Depuis, les profits réalisés par les délégataires privés des autoroutes ont fait scandale et ces prolongations de concession en contrepartie d’investissements ne sont plus permises. Pour poursuivre le chantier jusqu’à Poitiers Sud, l’État et Vinci devront donc trouver une autre forme d’accord.
Travaux à l’horizon mi-2025
La préfecture de la Vienne indique sans attendre que « le calendrier prévisionnel prévoit un démarrage des travaux à l’horizon mi-2025, pour une durée de cinq ans ». Elle ajoute que la déclaration d’utilité publique a été prorogée l’été dernier.
Directeur opérationnel de Vinci Autoroutes en Centre - Val de Loire, Éric Sauner précise de son côté que rien n’est encore acté : « En 2022, le préfet de la Vienne nous a demandé de mener une concertation, mais nous n’avons reçu aucune demande officielle pour réaliser les travaux. Les discussions sont en cours. Nous n’avons pas de bon de commande. »
Le groupe Vinci ajoute qu’il financera lui-même ces travaux dans le cadre du contrat de concession actuel si l’État le lui demande. « Environ 40 % du prix du péage va à l’investissement », souligne Sylvie Marty, responsable de la communication à Chambray-lès-Tours, en précisant que « la marge de Vinci n’est que de 10 % ».
Des tarifs révisés
Les tarifs des péages qui sont révisés chaque année vont nécessairement augmenter. Mais Sylvie Marty assure que le concessionnaire ne fera « pas supporter aux usagers » le coût de l’investissement à réaliser. Il était de 244 millions d’euros entre Veigné et Sainte-Maure-de-Touraine. Il est estimé à 606 millions d’euros pour l’élargissement des 70 km restants jusqu’à Poitiers Sud.
Reste la question : pourquoi élargir l’autoroute ? « Le projet a pour but, d’une part, d’améliorer la sécurité des usagers de l’autoroute en fluidifiant le trafic, et d’autre part, d’améliorer l’insertion environnementale et sonore de cette autoroute, dont la construction remonte au milieu des années 1970 », explique la préfecture de la Vienne.
35.000 véhicules par jour en moyenne
« Selon les textes techniques, il faut une autoroute à 2x3 voies au-delà de 35.000 véhicules par jour », indique Éric Sauner, de Vinci Autoroutes. Or, en 2019, l'A10 a enregistré 34.915 entre Châtellerault Sud et le Futuroscope et 35.080 entre le Futuroscope et Poitiers Nord. Avec une saisonnalité importante : 52.000 véhicules par jour en moyenne en juillet et en août, avec les vacanciers. À Poitiers, Vinci estime même les pics à 80.000 véhicules par jour.
Cette section de l'A10 présente, en outre, une forte proportion de poids lourd dans le trafic total : environ 6.400 camions par jour en moyenne en 2021, provoquant de fréquents ralentissements. Et une importante part de déplacements locaux : le flux domicile-travail est estimé à 4.500 personnes par jour dans les deux sens entre Poitiers et Châtellerault.
L’impact environnemental du projet
Le projet global sur plus de 93 km entre Veigné et Poitiers a un impact sur 100 exploitations agricoles (49 dans la Vienne et 51 en Indre-et-Loire), soit une surface agricole utile interceptée de 337 ha, dont environ 192 dans la Vienne. Selon Vinci - Cofiroute, l’emprise exacte porterait sur 30 ha de terres agricoles, indique la chambre d’agriculture de la Vienne dans une étude de 2017. Le rapport rappelle que la construction de la LGV a déjà fait disparaître 1.000 ha de surfaces agricoles dans la Vienne. L’artificialisation des sols est l’un des principaux arguments des opposants au projet, avec la destruction de la biodiversité. Les émissions de carbone en sont un autre. « Les émissions de gaz à effet de serre sur les routes représentent une part importante des émissions totales et la grande vitesse accroît les émissions », selon la Convention citoyenne pour le climat qui préconise la réduction de la vitesse maximale à 110 km/h pour répondre à l’urgence climatique.
La préfecture de la Vienne, pour sa part, considère que « l’élargissement permettra l’amélioration du traitement de la ressource en eau, avec la création de 14 bassins supplémentaires, ainsi que le rétablissement des continuités écologiques sur une dizaine d’ouvrages hydrauliques et la création d’aménagements pour la petite faune ». Elle ajoute que 6 km de protections acoustiques complémentaires sont prévus pour réduire la pollution sonore.