La Montagne a écrit:Droite/gauche : qui a vraiment réussi à achever la mise à 2x2 voies de la RN145 en Creuse ?Il y a dix ans s’achevait la mise à 2x2 voies de la RN145 entre La Croisière et Montluçon. La Creuse est sortie gagnante de ce chantier étalé sur 100 kilomètres et plusieurs décennies. Mais toute à ses rêves de développement économique et le soulagement d’un trajet sécurisé, elle n’a jamais bien su qui a fait quoi.
Une route qui traverse d’est en ouest, raccrochant de grands espaces au reste du monde, colonne vertébrale du territoire qu’elle irrigue, et repère si évident pour les gens du coin qu’ils ont transformé sa numérotation en un petit nom familier sans même s’en apercevoir : la “145”, c’est un peu la “Route 66” des Creusois !
Cela fait dix ans cette année que la “mise en 2x2 voies” de cette transversale emblématique a été achevée entre les deux verticales qu’elle raccorde, l’A20 à l’ouest et l’A71 à l’est. Le contournement de Montluçon mis en service à l’été 2011 avait suivi de quelques mois l’ouverture de la “4 voies” entre Gouzon et Lépaud, en décembre 2010.
De la Suisse à l’océan, en passant par là
Douze derniers kilomètres creusois qui parachevaient ce qui avait été la grande affaire de ce territoire pendant deux décennies. Au tournant du millénaire, il fallait que la Creuse ait aussi son autoroute (même si l’axe n’est pas classé comme tel).
Une petite musique s’était peu à peu installée dans la région, conditionnant son développement à son désenclavement. Par exemple avec Michel Moreigne (sénateur, 1973-2008) : « Les travaux prévus sur la portion Guéret-Montluçon représentent un important enjeu, tant du point de vue de l’économie locale, de l’aménagement du territoire, que de la sécurité routière », lance-t-il en juin 1997 dans l’hémicycle.
Durant cette décennie, le parlementaire porte plusieurs fois ce sujet à Paris. En 1993 déjà, il s’était fait confirmer en séance que le contrat de Plan État-Région permettrait bien « d’achever la partie ouest entre Guéret et la future A20 ».
La sécurité routière a pesé autant que le développement économique
C’est qu’à l’époque, il ne s’agit que de la partie creusoise d’un ensemble plus large que l’on nomme la Route Centre-Europe-Atlantique (RCEA), ou la Suisse-Océan... Et les élus creusois se rassurent en évoquant des décisions très officielles prises dans les années 1970-80 par les gouvernements Chirac puis Mauroy inscrivant cet axe parmi les grands objectifs d’aménagement du Massif central.
Les différentes étapes de la mise à 2x2 voies de la RN145 sur deux décennies. Infographie L.Chazal
« Droite, gauche, il y a eu convergences de volontés politiques à différents échelons », retrace Jean-Jacques Lozach, alors élu à la Région Limousin (1998) et à la tête du Département (2001).
Je me souviens que le sujet revenait systématiquement lors de l’assemblée des maires de Creuse, et quels qu’ils soient.
« Le président Savy (de la Région) tenait à ce sujet mais ni la Région ni le Département n’avaient évidemment de tels moyens. La réussite pour nous a été de faire inscrire 500 millions de francs pour la RCEA en complément du nouveau plan État-Région de 2000-2006. Et aussi de rediriger des fonds européens du Feder que le Limousin allait perdre : nous avons déposé un dossier à Bruxelles pour la RCEA et cela a fonctionné ».
Homme fort de la droite creusoise, Jean Auclair qui était alors député (1993-2012) a ses propres souvenirs. Pour lui, le dossier est plus politique. Il faut dire que les portions qui tardaient le plus à être doublées traversaient le cœur de son fief est creusois.
L’ouest dans les années 90, l’est après 2000
« Je ne sais pas si j’ai réussi à être un bon député mais c’est ma fierté d’avoir réussi à achever ces travaux, déclare-t-il aujourd’hui. Vers 1994, on avait emmené Baladur qui était en visite en Creuse sur le chantier en cours dans l’ouest... Puis, il ne s’est plus rien passé sous Jospin... Jusqu’à ce que les choses se débloquent sous Raffarin. »
Entre temps, j’étais allé voir Chirac, pour lui dire : “Jacques, il faut faire quelque chose”
Fin 2003, le député UMP l’écrit dans une lettre aux habitants de sa circonscription : « L’horizon s’éclaircit à l’est. J’ai su sensibiliser et obtenir une intervention exceptionnelle du gouvernement [pour la RCEA] : 62 millions d’euros hors contrat de plan et 3,3 millions de plus pour la déviation de Gouzon ». Il est intéressant de noter ici que le total de M. Auclair avoisine la somme annoncée en francs par M. Lozach. S’agirait-il de la même enveloppe dont chacun réclame la “paternité” ? Pas impossible.
En tous les cas, les faits sont là : après une décennie 90 marquée par la réalisation d’une moitié ouest, les années 2000 seront celles de l’est. Et les deux hommes se rejoignent au moins sur un point : la sécurité routière a autant pesé que l’enjeu économique sur leur action. « Il ne faut pas oublier qu’on parlait de route de la mort... », souligne M. Lozach. « C’était un mouroir, abonde M. Auclair. Je me souviens particulièrement d’un accident à la sortie de Gouzon où quatre jeunes avaient été tués... L’une des familles m’avait téléphoné... » Personne en Creuse n’a oublié ces silhouettes placées au bord de la chaussée pour matérialiser les victimes. Aujourd’hui, elles ont laissé place aux panneaux touristiques. La Creuse en sort grandie.
Floris Bressy
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