En attendant, la Cour des Comptes préconise des mesures drastiques pour trouver quelques 38 milliards d'euros... Grand Paris, Grenelle, Logement risquent d'en pâtir !
Les Echos a écrit:Rigueur : plus de 30 milliards nécessaires, selon la Cour des comptes
Dans son audit publié ce lundi matin, la Cour des comptes appelle à un effort «substantiel» et «impératif» pour respecter le retour du déficit à 3 % de PIB en 2013. Si l'action devra porter «en priorité» sur la baisse des dépenses, des hausses de CSG ou de TVA paraissent incontournables.
L'effort à réaliser est très substantiel et il aura des conséquences négatives sur la croissance, mais il est encore réalisable et ne rien faire serait pire : la France perdrait le contrôle de son destin, alors que sa dette va « probablement » dépasser 90 % de PIB en fin d'année. C'est, en substance, le message qu'a délivré ce lundi matin Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, en remettant au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, son rapport annuel sur la situation des finances publiques. Pour les rapporteurs, le moment est historique : il faut agir vite et fort, mais sans se tromper sur les moyens.
Un engagement jugé « impératif »
Le volet audit (y-a-t-il des impasses cachées dans le budget 2012 ?) sera bien sûr beaucoup commenté, mais le message le plus important porte sur 2013 : pour ramener le déficit public à 3 % de PIB comme la France s'y est engagé, il faudra imposer un plan de redressement de 33 milliards d'euros en se basant sur une hypothèse de croissance de 1 % (peu ou prou celle du gouvernement qui table désormais sur 1 % à 1,3 %). Et encore ce chiffre ne comprend-il pas les sommes considérables (près de 5 milliards en 2013, ce qui porte l'effort à 38 milliards !) que la France va devoir rembourser à la suite de deux condamnations au niveau européen sur des affaires fiscales anciennes (OPCVM, « précompte »). La Cour n'a pas non plus intégré le coût des mesures prises par François Hollande depuis son élection (coup de pouce au SMIC en particulier).
Pour respecter cet engagement jugé « impératif », les magistrats préconisent d'agir « en priorité » sur la baisse des dépenses. Mais sachant que réaliser des réformes concertées et acceptables par l'opinion prend forcément du temps, ils estiment qu'en 2013, le gouvernement devrait réaliser 16,5 milliards d'économies et imposer autant de prélèvements nouveaux. Pour les quelque 1.100 milliards de dépenses publiques, qui progressent « naturellement » 1,5 % plus vite que l'inflation, cela implique de les stabiliser.
Trois leviers
Comment ? Trois leviers sont mis en avant. Le gel de la masse salariale des administrations publiques en valeur absolue, tout d'abord. Faute de suppressions de postes, cela nécessitera, pour l'Etat, de poursuivre le gel du point d'indice (augmentations générales), de réduire très fortement les mesures catégorielles voire de « bloquer temporairement des avancements et des promotions ». Matignon, qui veut stabiliser en valeur absolue la masse salariale de l'Etat, est prévenu.
Deuxième levier, le plus crucial aux yeux de la Cour : le « réexamen » des dépenses d'intervention (1.300 dispositifs), que la « RGPP » a laissé en plan alors qu'elles représentent la grande masse des dépenses publiques. Le rapport évoque plusieurs réformes à mener, sur la formation professionnelle, la politique du logement ou encore, l'organisation des soins, etc. A court terme, il préconise de revoir les mécanismes d'indexation automatique sur les prix des retraites (sauf pour les plus basses) et des allocations familiales. Sur le fond, la Cour suggère de revoir les avantages familiaux pour les retraites et prône un « réexamen d'ensemble des prestations familiales notamment en recherchant un meilleur ciblage des aides au profit des plus vulnérables », un sujet très sensible.
Troisième levier d'économies : « Mieux choisir les investissements publics », car « les projets envisagés (Grenelle de l'environnement, investissements d'avenir, Grand Paris) pourraient se traduire par une forte croissance » de ces investissements « incompatible avec la situation financière du pays. »
Réviser les niches fiscales et sociales
Du côté des prélèvements, la Cour réitère son discours anti-niches fiscales et sociales, en s'attaquant à l'abattement de 10 % sur les pensions, la TVA réduite dans la restauration, la défiscalisation des emplois à domicile (plafond trop haut), la CSG des retraités (qui devrait être alignée sur les salariés), le forfait social sur la participation jugé trop bas, etc. Mais « en 2013 l'ampleur de la consolidation budgétaire nécessaire rend difficilement évitable, au moins à titre temporaire, le recours à des impôts à assiette et fort rendement, comme la TVA et la CSG ». Une voie refusée jusque-là par l'exécutif, qui entend au contraire annuler la hausse de TVA prévue par le gouvernement Fillon. Le débat sur une hausse de CSG pourrait monter
En attendant 2013, un effort de redressement sur les recettes de 6 à 10 milliards d'euros est déjà nécessaire en 2012. C'est le volet sur l'héritage du rapport. En cause : la moindre croissance (3 milliards) et un calcul trop optimiste des rentrées fiscales (impôt sur les sociétés, droits de mutation). Pour y parer, le gouvernement a arrêté son « paquet » fiscal de près de 8 milliards (ISF, heures supplémentaires, forfait social, etc.), qui sera dans le collectif budgétaire de mercredi, en Conseil des ministres.
Côté dépenses, la Cour estime qu'il y a 1 à 2 milliards d'euros non financés dans le budget, mais considère que cela est du niveau malheureusement habituel chaque année : AAH, hébergement d'urgence, Défense, prime de Noël... Elle suggère pour y remédier de faire appel à la « réserve de précaution » en y ajoutant un milliard de crédits gelés supplémentaires. Cela tombe bien, Bercy l'a déjà annoncé. En revanche, pour 2013, tout reste à faire...