Une réponse sur l'effondrement de l'A75 qui est parue sur le Moniteur :
Le Moniteur a écrit:TRANSPORT ET INFRASTRUCTURES
Exclusif : pourquoi l’A75 s’est effondrée à Lodève
Olivier Baumann - LE MONITEUR.FR - Publié le 22/09/15 à 16h09
Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le Sud-Est le 12 septembre dernier ont provoqué l’effondrement de la chaussée sur un tronçon de l’autoroute A75. Le Moniteur révèle les causes probables de cet événement rarissime. Entre autres facteurs explicatifs : le sous-dimensionnement d’une buse hydraulique.
Le 12 septembre dernier, suite à un épisode cévenol particulièrement violent, un pan de l’autoroute A75 reliant Clermont-Ferrand à Montpellier s’est effondré à quelques kilomètres au sud de Lodève, dans l’Hérault. Barrant la totalité de l’une des deux voies de circulation, un trou de plusieurs mètres de profondeur s’est formé, laissant apparaître en son fond un mélange chaotique de plaques d’enrobé, de terres et gravats, et d’éléments de buse en béton.
Cet affaissement brutal n’a fait aucune victime et l’exploitant, la Direction interdépartementale des routes (DIR) Massif Central, a rapidement coupé la circulation dans les deux sens, avant d’envoyer un groupe de géologues et hydrauliciens sur place.
La chaussée inondée
Si le rapport technique reste confidentiel à ce jour, un fait semble d’ores et déjà confirmé : ce sont les venues d’eau exceptionnelles qui ont entraîné le remblai sous-jacent et provoqué l’effondrement de la chaussée. Plusieurs experts contactés par Le Moniteur laissent entrevoir le détail des enchaînements des aléas qui ont pu entraîner la chute de l’ouvrage.
L’épisode cévenol, qui a vu plus de 300 mm d’eau tomber en seulement 3 heures, « a commencé par mettre totalement en charge la conduite hydraulique à l’amont de l’ouvrage, constituée d’une buse en béton de 2 mètres de diamètre », explique un agent de la DIR Massif Central. Ce conduit était également en partie saturé « par des écoulements solides ». Le débit n’étant plus absorbé en totalité par l’ouvrage hydraulique, l’eau a commencé à s’accumuler en amont avant d’inonder la chaussée.
Un défaut d’étanchéité
Ce n’est pas ce « débordement » en surface qui aurait provoqué l’écroulement, mais des infiltrations d’eau au cœur du remblai. Et plus précisément au droit d’une conduite hydraulique métallique qui était « branchée » à la conduite amont en béton. Héritage de l’ancienne RN 9 au-dessus de laquelle a été construite l’A75 à cet endroit, cette buse métallique de type Armco de 2,5 mètres de diamètre aurait été victime « d’un défaut d’étanchéité au niveau de la tête d’entonnement à l’entrée de la conduite ».
A partir de ce moment, le scénario est le suivant : les infiltrations d’eau ont d’abord entraîné les particules fines du lit de sable sur lequel la buse était posée. Progressivement, c’est tout le remblai technique qui a été emporté. Si bien qu’à un moment donné la conduite s’est retrouvée «sans support et a cédé brutalement, entraînant dans sa chute la totalité du remblai supérieur et la chaussée ».
La conjonction de plusieurs paramètres
Sous-dimensionnement, vice de construction, mauvais vieillissement de l’ouvrage… Quelle est la cause de cet effondrement ? D’après les experts, celui-ci résulterait en réalité « d’une conjonction de plusieurs paramètres », qui sont au moins au nombre de trois : une hauteur d’eau exceptionnelle, des écoulements solides obstruant un ouvrage hydraulique au diamètre insuffisant et un défaut d’étanchéité de l’ouvrage.
Sans attendre les conclusions des experts, la DIR a procédé au « nettoyage » de la zone d’effondrement et l’exploitant a confié à ses services d’ingénierie (le SIR) le soin de concevoir l’ouvrage qui devrait remplacer la conduite hydraulique. Il devrait s’agir d’un ouvrage cadre en béton préfabriqué calculé selon les méthodes de dimensionnement du guide Sétra (désormais Cerema) ad hoc. L’ouverture de ce passage hydraulique devrait être trois fois plus importante que le diamètre de la buse (7 mètres contre 2,5 mètres).
Un sous-dimensionnement « chronique » des ouvrages hydrauliques ?
Alors que la DIR indique mener une série d’inspections sur les conduites similaires à celle-ci pour en détecter d’éventuelles faiblesses, cette réévaluation radicale de la capacité hydraulique de l’ouvrage amène à se poser une question : les ouvrages hydrauliques de la région seront-ils capables d’absorber un prochain épisode cévenol aussi intense, voire davantage ?
Un spécialiste en génie civil pense déjà avoir la réponse. « Dans cette région que je connais bien, la plupart des passages hydrauliques passant sous chaussée sont sous-dimensionnés», affirme-t-il. Et ce, en toute connaissance de cause : « Les précipitations peuvent être tellement fortes dans cette zone que s’il fallait calculer les ouvrages en fonction des événements exceptionnels, les routes ne seraient plus posées sur remblais mais sur des ponts continus ! Par principe de réalité économique, les ouvrages hydrauliques sont alors sous-dimensionnés ». Cette affirmation, qui n’a pas été démentie par un expert des services de l’Etat, pourrait porter à conséquence. Par chance, cet effondrement n’a fait aucune victime. Mais miser sur le fait qu’il en serait de même lors d’un prochain et similaire aléa est un pari très risqué.