Les élus haut-viennois veulent récupérer leur participation financière à la ligne Tours-Bordeaux puisque Poitiers-Limoges ne se fait pas. Ce n'est pas ce qui va arranger les comptes de la SNCF déjà en procès avec d'autres collectivités.
Limoges-Poitiers
Après l'enterrement de la LGV, les élus haut-viennois crient "Remboursez"
Limoges Transport
Publié le 05/07/2017 à 08h36
Après l'enterrement de la LGV, les élus haut-viennois crient "Remboursez"
Après la pause sur les LGV annoncée par Emmanuel Macron, les élus hauts-viennois demandent le remboursement des sommes engagées. Et le désenclavement du Limousin.
«Rupture d’un contrat entre notre Département et l’État. » pour le président de la Haute-Vienne Jean-Claude Leblois) « Abandon d’une politique équitable d’aménagement du territoire » pour le président de Limoges Métropole, Gérard Vandenbroucke. L’annonce par Emmanuel Macron, ce week-end, lors de l’inauguration des LGV Paris-Rennes et Paris-Bordeaux, d’une pause dans la construction et le financement des LGV a entraîné, en Limousin, une réaction pour le moins inattendue - ou inespérée, selon le point de vue.
Les deux collectivités et leur figure de proue ont décidé, ce lundi, de réclamer sur leurs comptes Facebook respectifs, le remboursement du fameux « ticket d’entrée » sur la LGV Tours-Bordeaux, qui devait, à terme, autoriser le raccordement du barreau Limoges-Poitiers. Soit cinq millions pour le Département et 3,2 M€ (études comprises) pour l’Agglo. « Quand une région fait un effort aussi important par rapport à ses moyens, on peut penser que le traitement qui nous a été réservé est limite malhonnête, tance Isabelle Briquet, vice-présidente PS de l’agglo. Une action, peut-être même en justice est indispensable, pour montrer qu’on n’a pas fait ça pour rien. »
La ville de Limoges aussi concernée
Après l’annulation de la déclaration d’utilité publique sur le barreau, la déclaration du président Macron est un nouveau clou enfoncé dans le cercueil de la LGV. Pour ceux qui espéraient encore, cette prise de position vient confirmer des propos tenus, en juin dernier, lors de sa venue aux Vaseix. « Il faut arrêter des projets que l’on pousse depuis des années et qui ne se feront jamais », avait-il expliqué alors. Sans déclencher de trop vives réactions.
Tant que François Hollande, qui a sabordé la LGV était au pouvoir, il n’était pas question de demander le remboursement.
« Tant que François Hollande, qui a sabordé la LGV était au pouvoir, il n’était pas question de demander le remboursement, décrypte le maire de Limoges Emile-Roger Lombertie (LR). Aujourd’hui, je constate et je m’étonne de ce changement soudain. » L’ex-capitale limousine a ainsi versé 125.000 € d’études post-DUP et 2,6 M€ pour la ligne SEA et son premier magistrat se dit « favorable au remboursement, s’il n’y a pas de possibilité de raccordement à la LGV Tours-Bordeaux. » « Dès que la DUP a été cassée, j’ai évoqué cette nécessité », ajoute l’élu limougeaud.
« Cause commune »
Alors qu’un éventuel remboursement demeure hypothétique, ces demandes sont également une façon de reprendre la main et d’essayer de faire avancer de nouveaux dossiers, comme la 2X2 voix vers Poitiers, le développement de l’aéroport de Limoges et les travaux sur le POLT ou sur les TER. « Puisque M. Le Président de la République affirme sa priorité pour les trains du quotidien », souligne Gérard Vandenbroucke. Sur ces sujets, le maire de Limoges (voir ci-dessous) compte appeler les élus locaux à « faire cause commune ». « Il faut qu’on ait une position commune avant la rentrée », annonce-t-il. Une question demeure cependant : quelle position pour la Région, bénéficiaire en partie de la LGV, à l'exception notable de l'ex-Limousin ? De quoi devenir schizophrène...
Emile-Roger Lombertie :
"Il n'y a pas de raison de ne pas faire le point sur cette duperie"
Conseil communautaire agglo Limoges Métropole à la mairie de Limoges. Lombertie, vandenbroucke
"Dès que la DUP a été cassée, j'ai évoqué la nécessité de se faire rembourser." Alors que les demandes de remboursement sur les fonds engagés pour la LGV, le maire de Limoges, fait valoir l'antériorité de sa proposition. Mais au delà des prises de position politique, le premeir magistrat limougeaud veut voir plus loin : le désenclavement du Limousin.
Combien la mairie de Limoges a-t-elle engagée pour la LGV ?
Il y a les études et les travaux. Sur les études, il y a 1,7 M€ avant la Déclaration d'utilité publique et 125.000 € après. Sur la SEA (l'autre nom de la LGV Paris-Bordeaux), il y a 2,6 M€ engagés avec un contrat de réciprocité où les tenants du SEA s'engagent à construire le barreau de Poitiers pour raccorder Brive et Limoges à Poitiers par la LGV. Si on demande les remboursements, ce sont sur les 125.000 € et sur le 2,6 M€.
Réclamez-vous le remboursement par la SNCF ?
Dès que la DUP a été cassée, j'ai évoqué la nécessité de se faire rembourser. Tant que François Hollande, qui a sabordé la LGV, était au pouvoir, il n’était pas question de demander le remboursement. Aujourd’hui, je constate et je m’étonne de ce changement soudain. Je suis favorable aux demandes de remboursement s'il n'y a pas de possibilité de raccordement à Poitiers et à la LGV Tours-Bordeaux. Et puisqu'on ne l'aura pas, il n'y a pas de raison de faire le point sur cette duperie.
Ne paye-t-on pas là les divisions limousines ?
Pour le citoyen que j'étais, le raccordement à la grande vitesse, pour avoir une ouverture sur Paris et sur l'Europe, était une priorité. Mais depuis mon élection, je constate qu'on est beaucoup plus dans le miroir aux alouettes que dans une réalité connue et organisée - et ce, alors même que tous les élus étaient de la même couleur politique. Ce qui nous a tués, c'est que François Hollande ne voulait pas de la LGV. Hollande et la gauche nous ont tués. On a assisté à une guerre inutile et stérile opposant les tenants de la promesse de la LGV et les tenants du POLT. Alors que si on regarde, il faut les deux.
Quelles sont pour vous, les perspectives d'avenir ?
Les propos du président de la République sont clairs. Compte tenu du déficit de la France et de celui engendré par la LGV, il n'y aura rien tant qu'il n'y aura pas de conférence sur la mobilité. Cependant, pour ceux qui étaient au repas en préfecture, lors de sa venue en juin, il ne semble pas opposé à une amélioration de la ligne existante Poitiers-Limoges. C'est peut-être le piste du futur.
Que préconisez-vous pour désenclaver le Limousin ?
Il y a la question ferroviaire, mais ce n'est pas la seule. Il faut rattrapper un retard terrible. La RN 147 est une priorité absolue et laquestion de la RN 21 se pose aussi. Il y a aussi l'aéroport de Limoges. En 2014, quand le département a voulu se retirer, l'Agglo qui avait pourtant la compétence économique, a refusé de monter sa participation. J'ai accepté de de mettre plus d'argent. Mais aujourd'hui, nous espérons, bénéficier d'une obligation de service public, comme à Brive, pour avoir une liaison régulière Limoges-Paris et un prix du billet modéré. On est dans une situation catastrophique : pas de LGV, pas de route et un aéroport en difficulté. Mais nous n'avons pas le droit de baisser les bras.
Politiquement, comment faire bouger les choses ?
J'ai un courrier qui est prêt à partir, à destination des présidents d'exécutifs locaux. L'agglo, le département, voire les départements, avec la Corrèze et la Creuse, Brive également et pourquoi pas la Région. Il n'y a jamais eu de position commune. Il est urgent de refaire le POLT - les travaux sont déjà engagés. Il est urgent de voir les propositions du rapport Delebarre, pour savoir que quoi nous allons faire porter nos efforts. Il faut qu'on ait adopté une position commune avant la rentrée.
Isabelle Briquet : "Ca va être compliqué de se faire rembourser"
Vice-présidente de Limoges Métropôle, Isabelle Briquet veut "aller au bout de la logique". "Quand une région fait un effort aussi important par rapport à ses moyens, on peut penser que le traitement qui nous a été réservé est limite malhonnête. Une action, peut-être même en justice, est indispensable, pour montrer qu’on n’a pas fait ça pour rien." "Clairement, Emmanuel Macron l'avait plus que sous entendu, ajoute-t-elle. Ce n'est pas une grande surprise."
Combien l'Agglo a-t-elle engagée sur la LGV ?
Il y a 2,7 M€ de travaux et 500.000 € d'études. Pour cet investissement crucial pour le développement du Limousin, on avait conditionné les études et les travaux au raccordement. Mais au moment de l'annulation de la DUP, on a appuyé sur la pédale de frein. Aujourd'hui, il n'y a plus aucun crédit dans le budget de l'Agglo. Je le regrette profondément, car le désenclavement ferroviaire est très important. Mais ça ne servirait plus à rien. Plus qu'oubliés, on se sent méprisés.
Sera-t-il réellement possible de se faire rembourser ?
Il y a une chance, mais ça va être compliqué de se faire rembourser. Mais si on ne le demande pas, c'est sûr qu'on ne l'aura pas. Il faut aller au bout de la logique. On est content d'avoir participé au financement de la LGV pour Bordeaux, mais le reste du territoire ne doit pas être laissé pour compte.
Quelles sont les perspectives d'avenir ?
Qu'est-ce qu'il nous reste ? La ligne historique. Le train, c'est le meilleur moyen de transports et il est impératif que cette ligne soit améliorée. Le désenclavement routier doit également être optimisé. J'espère que l'Etat portera sur ces sujets un oeil bienveillant. Et puis, il y a la question cruciale de l'aéroport. C'est le seul équipement qui permette de nous mettre en contact avec le reste de l'Europe. Encore faut-il s'en donner les moyens...