Le JDD a écrit:
Un nouveau parc urbain en bord de Seine
Dimanche prochain, Anne Hidalgo inaugure le parc des Rives de Seine. Huit hectares livrés aux piétons malgré les polémiques sur les embouteillages. Présentation.
Un hamac et des pelouses sont accessibles sur les berges, en contrebas de l'Hôtel de ville.
Rive droite, les berges de la Seine, entre le tunnel des Tuileries (1er) et le bassin de l'Arsenal (4e), n'ont plus rien à voir avec la voie express inaugurée il y a tout juste un demi-siècle. Ces 3,3 km d'asphalte sont fermés à la circulation automobile depuis l'été 2016. Et dimanche prochain, le 2 avril, Anne Hidalgo inaugurera le parc des Rives de Seine, réunissant les quais bas piétonnisés de la rive droite et ceux de la rive gauche. En dépit des contestations, la maire PS de Paris entend ainsi sceller définitivement la métamorphose de l'ancienne autoroute urbaine où circulaient 43.000 véhicules par jour.
"La création du parc des Rives de Seine est un acte majeur de reconquête de l'espace public par les piétons et les circulations douces. Il est à l'image du Paris du XXIe siècle : une ville plus apaisée, plus propice à la détente, aux sports et aux loisirs, plus agréable à vivre", se félicite la première élue de la capitale. Qui ajoute : "Ces 8 hectares constituent un espace de respiration en cœur de ville, où se retrouver entre amis et en famille, où boire un verre après une journée de travail. C'est également un lieu de développement durable nous permettant de lutter contre les îlots de chaleur." Budget global de l'aménagement des 4,5 hectares des quais bas rive droite : 5,5 millions d'euros.
L'inauguration de ce nouveau parc urbain est aussi une réponse à Valérie Pécresse. La présidente LR du conseil régional d'Île-de-France conteste depuis le début la fermeture des voies sur berge. La patronne de la Région a même créé un "comité d'évaluation régional", qui rend des rapports très critiques sur les embouteillages, le bruit et la pollution imputés à cette fermeture. Le 14 mars, elle a présenté deux "scénarios de piétonnisation alternative", l'un créant "une voie apaisée à 30 km/h sur les quais bas", l'autre "une voie de transit à 50 km/h".
Plutôt que de s'en offusquer, Anne Hidalgo a choisi une autre approche : "J'ai apprécié que Valérie Pécresse annonce à la presse qu'elle ne s'oppose plus au projet et aille jusqu'à proposer que le conseil régional finance des enrobés phoniques sur la chaussée des quais hauts et des feux tricolores intelligents pour fluidifier les carrefours les plus sensibles." Valérie Pécresse estime toutefois que "la fermeture n'est pas définitive, car nous l'avons attaquée en justice". La maire de Paris, elle, considère que "l'arrêté de piétonnisation de la rive droite, publié l'automne dernier, est à durée indéterminée. Il ne prévoit pas de réouverture à la circulation automobile".
Une promenade et des jeux pour enfants
Anne Hidalgo s'est engagée auprès du préfet de police à la réversibilité de ses aménagements et au maintien d'une voie pour les services de secours. Ces conditions acceptées, le parc des Rives de Seine permet déjà une "continuité piétonne, de Bastille à la tour Eiffel, sans croiser une voiture", se réjouit Christophe Najdovski, adjoint EELV chargé de la voirie et des déplacements. Les continuités cyclables entre ces deux points seront effectives en mai, après l'achèvement des "travaux de jonction" qui viennent de démarrer au niveau du port de l'Arsenal et au débouché du tunnel des Tuileries.
Des dispositifs anti voiture-bélier empêchent toute intrusion en haut des rampes d'accès. Des mises en accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ont aussi été prévues. Le long du fleuve des "platelages d'assise en bois" ont été installés. Ainsi que des fontaines, des WC automatiques 24 h/24 et des sanitaires saisonniers. Pour les enfants, des aires de jeux viennent d'être construites : un bateau en bois et des balançoires, jouxtant un hamac dans le square Federico Garcia-Lorca, et un parcours d'équilibre en souches et grumes, conçu et réalisé par les bûcherons du bois de Vincennes, à la rampe du Châtelet. Autant d'installations submersibles et bien arrimées en cas de crues.
Des plantes, des pelouses et des fruits
L'un des objectifs affiché est de "développer la biodiversité" le long de la Seine. "Nous avons prévu 1.200 m2 de pelouses accessibles en fond de quai et dans le square", annonce Pénélope Komitès, adjointe chargée des espaces verts. Mais aussi 500 m² de massifs vivaces, de graminées et d'arbustes. Ou encore des "tonneaux végétalisés". Sur les murs des quais prendront place des plantes "retombantes" – type lierre – au niveau du square et des "plantes grimpantes indigènes" – chèvrefeuilles ou clématites – entre le pont au Change et le pont Notre-Dame.
La mairie tient beaucoup à la présence de plantes à fruits comestibles : vignes, kiwis, groseilliers et mûriers. "Les promeneurs pourront les cueillir et les déguster", assure la maire adjointe. De même, elle va installer 25 arbres fruitiers palissés – pommiers, poiriers, cognassiers – en fond de quai entre le pont Neuf et le pont de Sully, "de 8 à 12 ans d'âge". Enfin, deux hôtels à insectes et plusieurs nichoirs offriront l'hospitalité aux oiseaux et chauves-souris ainsi qu'aux abeilles.
Activités de loisirs et cafés-restaurants
Outre des stations Vélib' démontables sous les ponts, un "atelier vélo solidaire", animé par une association d'insertion, propose des réparations et des cours d'autoréparation. Plusieurs équipements sportifs émaillent le parcours, comme des agrès en bois, d'autres au sol ou des vélos statiques permettant de recharger son téléphone en pédalant devant le fleuve. Les petits Parisiens peuvent déjà grimper sur la rampe Lobau et celle du Châtelet grâce à deux "via ferrata" – des parcours d'habileté sur les murs. Cinq terrains de pétanque au pied du pont Louis-Philippe bénéficieront de prêt de matériel pendant les vacances scolaires, dès le 2 avril (9h-20h). Dans le square de l'Hôtel-de-Ville, un terrain de mini-foot (19 m x 7 m), en forme de bateau renversé, n'attend plus que ses joueurs. Et un terrain de basket (10 m x 5 m) doit bientôt être installé à la sortie du tunnel des Tuileries.
Des activités économiques sont aussi au menu : une "buvette solidaire" (gérée par La Table de Cana) ; un "café-club équitable, comprenant une scène tremplin pour des concerts de jeunes artistes, et un lieu de débats (proposé par le Café Monde et Médias, du groupe SOS) ; un magasin de "souvenirs touristiques équitables, responsables et durables" (Altermundi) ; un "restaurant locavore" (Origines) ; un "restaurant collaboratif", avec cours de cuisine et sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire (Dorma). Des bornes Wi-Fi sont installées tout le long des berges. Sur l'eau, au moins deux péniches supplémentaires doivent venir s'amarrer dans les mois qui viennent. Restera aussi à trouver un porteur de projet pour le tunnel des Tuileries et ses 860 m de long (7.000 m²) qui relie la Concorde au pont Neuf. Un "parcours artistique" doublé d'un café, voire d'une zone de logistique urbaine, pourrait s'y implanter.
Un site "classé" rendu au public
Les voûtes des ponts ont été nettoyées, les éléments rappelant le caractère autoroutier supprimés (passages piétons) ou camouflés (feux tricolores), et une signalétique spécifique d'orientation et d'information doit être progressivement déployée sur les deux rives. Ainsi qu'un système de comptage de la fréquentation. Un ponton sera installé pour l'expérimentation des SeaBubbles (minibateaux électriques) cet été. Une exposition de photos en plein air (Doisneau, Christo, JR…) retracera l'histoire des berges de Seine. Anne Hidalgo souligne la situation extraordinaire de ce nouveau parc urbain, grâce auquel les habitants pourront "redécouvrir leur fleuve et les monuments qui le bordent", dit-elle, insistant sur "les points de vue exceptionnels, sur ce site classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Ils nous rappellent à quel point Paris est une ville unique au monde. D'ailleurs, les professionnels du tourisme ne s'y trompent pas : ils sont déjà nombreux à encourager les touristes à se rendre sur les Rives de Seine."
Bertrand Gréco - Le Journal du Dimanche