https://www.rtbf.be/info/societe/onpdp/detail_pollution-diesel-vers-le-tourisme-du-controle-technique?id=10507166
Pollution diesel : vers le tourisme du contrôle technique ?
C’est un fameux pavé dans la mare que vient de lancer la VRT : la ministre flamande de la Mobilité, Lydia Peeters (Open VLD) aurait décidé que les centres flamands de contrôle technique ne devront pas mesurer les taux de particules fines émis par les moteurs diesel.
Or, rien n’empêche une Wallonne ou Wallon de passer le contrôle technique en Flandre…
Petit rappel de la situation
Depuis 2015, les questions de mobilité sont en voie de régionalisation par vagues. C’est ainsi que chaque Région a d’ores et déjà la tutelle sur les centres de contrôle technique. Mais, jusqu’à présent, rien n’empêche un Wallon ou une Wallonne de passer le contrôle technique en Flandre. Ni un Flamand ou une Flamande de le passer à Bruxelles. Dans tous les cas, le certificat est valable dans les trois régions. Pour l’instant, cette situation ne pose aucun problème, puisque les tests pratiqués sont les mêmes.
En ce qui concerne la détection de la pollution, les voitures diesel subissent donc, dans les trois régions, la même épreuve : on mesure l’opacité des fumées. Le problème est que les moteurs diesel actuels produisent moins de fumées. Et plus de particules fines, que les machines actuelles sont bien en peine de détecter. Résultat, selon un test cité par la VRT : six voitures diesel dont on avait ôté le filtre à particules ont été contrôlées. Toutes ont passé le test sans aucun souci.
Volonté commune ?
Il y avait donc une volonté belge de progresser dans cette question et d’imposer un test à même de détecter les particules fines. Car, comme l’explique Marie Thibaut de Maisières, la porte-parole d’Elke Van Den Brandt (Groen), la ministre bruxelloise de la Mobilité :
On estime à 160.000 le nombre de voitures en Belgique dont le filtre à particules ne fonctionne pas ou pas correctement. Chacun de ces véhicules pollue autant que 80 voitures équipées de filtres fonctionnels.
Si on parvient à les détecter et à leur imposer un remplacement du filtre, c’est comme si on retirait chaque fois 79 voitures de la circulation.
Enfin, quand on dit qu’il y avait une volonté belge… Il y avait donc la volonté des trois régions de collaborer. Les tests sur les nouveaux appareils avaient été effectués. Région de Bruxelles Capitale et Région wallonne ont prévu un poste budgétaire. Tout était prêt pour que, fin 2020 ou début 2021, les contrôles soient plus sévères. Et puis la Flandre a reculé.
Normes européennes
Officiellement la ministre flamande de la Mobilité annonce n’avoir pris aucune décision. Elle affirme juste vouloir continuer, pour l’instant, à s’aligner sur la directive européenne de 2014. Qui prévoit que les tests d’opacité suffisent. " La pollution ne connaît pas de frontières ", explique-t-elle dans un communiqué, " il faut donc aborder cette question au niveau européen. " Elle ajoute que cette directive n’est pas une base minimum mais qu’elle " fixe le contenu effectif des contrôles périodiques ". Les Etats-membres (ou leurs régions) n’ont donc pas, selon elle, à décider de contrôles supplémentaires.
Or, jusqu’à présent, l’idée des trois régions était, justement, d’aller plus loin que la directive européenne de 2014. " Si on attend, dit un proche du dossier, de nouvelles normes européennes, on risque de perdre des années ". Mais, selon la VRT, la position flamande a changé du tout au tout en septembre dernier. Quand Ben Weyts (N-VA), qui était en pointe sur la question et avait déjà fait faire des tests sur les nouvelles machines, a été remplacé à la Mobilité par Lydia Peeters (Open VLD). Qui préfère donc attendre que l’Europe décide.
Coût sanitaire
Au Gouvernement wallon, on choisit de temporiser : Jean-Philippe Lombardi, le porte-parole de Valérie De Bue, ministre wallonne de la Sécurité routière, explique qu’il a appris le revirement flamand par la presse : " Nous n’avons pas été informés officiellement. Personne ne nous a contactés. Nous souhaitons, pour notre part, maintenir le projet.
Ces nouveaux appareils destinés à mesurer le nombre de particules doivent être installés dans les centres de contrôle technique situés en Wallonie pour la fin de l’année ou le début 2021.
Du côté du Gouvernement bruxellois, le ton est plus martial : " Bruxelles, explique-t-on au Cabinet de la ministre de la Mobilité, se retrouve face à une problématique grave. La pollution touche la ville de plein fouet. Ça représente un coût important en termes humains, sanitaires et financiers. Soigner toutes les personnes victimes de la pollution aux particules fines représente un poids pour la Sécurité sociale. "
Passer la frontière (régionale) ?
L’argument de la ministre flamande selon lequel l’installation de ces nouvelles machines nécessiterait l’adaptation de quelques Arrêtés royaux ne trouve pas non plus grâce aux yeux de son équivalente bruxelloise : " Il suffit, explique sa porte-parole Marie Thibaut de Maisières, de changer le Code de la route en précisant que, dorénavant, on vérifie les filtres à particules. Les machines sont censées être implémentées fin 2020. Rien n’empêche Bruxelles d’aller de l’avant. Mais nous allons devoir évaluer l’opportunité de travailler seuls. " Comprenez avec des normes plus strictes que celles appliquées en Flandre. Or, à Bruxelles, on n’est jamais à plus de dix kilomètres de la Flandre…
Chassé-croisé
Aujourd’hui, la situation est donc simple. Supposons que je sois une bonne citoyenne ou un tout aussi bon citoyen, consciente et conscient de l’importance de lutter contre la pollution, et que je roule avec une voiture diesel.
Actuellement, si je désire savoir si mon filtre à particules fonctionne correctement, aller au contrôle technique ne m’aidera absolument pas.
Que ce soit à Bruxelles, en Flandre ou en Wallonie, personne ne sera capable, avec les tests actuels d’opacité, de me dire si je rejette trop de particules fines. Si je suis un mauvais citoyen ou une mauvaise citoyenne, que je roule avec un filtre endommagé ou encrassé, voire que j’ai enlevé le filtre et ne l’ai pas remplacé parce que ça coûte quand même plus de 2000 euros, je ne risque rien.
Demain, disons début 2021, si chaque région campe sur ses positions, le bon citoyen et la bonne citoyenne devront aller faire vérifier leur voiture à Bruxelles ou en Wallonie. Le mauvais et la mauvaise auront tout intérêt à aller en Flandre. Et tous ces allers-retours provoqueront encore plus de fumées nocives…