Billet provenant du blog Mythes, Mancies & Mathématiques
La Convention citoyenne manipulée ? Le cas de la vitesse sur les autoroutes
Par Rémy Prud’homme.
On ne cesse de nous répéter que les problèmes de climat sont principalement scientifiques. En même temps, les prêcheurs les plus prolixes et les plus écoutés sur ce thème sont des personnalités comme Nicolas Hulot, Greta Thunberg, ou le pape François, sans doute fort estimables, mais rien moins que scientifiques. Cette contradiction, ou ce paradoxe, peut être éclairé par deux considérations assez évidentes. La première est que les problèmes environnementaux, mais aussi économiques ou sociaux, ne se réduisent pas à des faits et des considérations scientifiques. Vient un moment où des choix de type éthique ou politique doivent être effectués (un peu plus de bien-être contre un peu moins d’égalité par exemple) ; pour ces choix, le jugement de Nicolas Hulot a la même valeur que celui d’un prix Nobel ou celui de ma concierge. Mais la seconde considération est que ce moment ne doit intervenir que lorsque les « décideurs » disposent d’une information scientifique objective suffisante sur les problèmes considérés ; il est difficile de croire que Greta Thunberg, qui a pratiquement quitté l’école à 15 ans, remplisse cette condition.
Cette problématique concerne directement la Convention citoyenne pour le climat. 150 citoyens tirés au sort formulent 149 propositions sur la politique à engager sur le climat (et même sur beaucoup d’autres thèmes). Leurs choix reflètent-ils une bonne connaissance des problèmes ? On a considéré une de ces propositions: la réduction de la vitesse maximale autorisée (la VMA) sur les autoroutesOn l’a choisie un peu au hasard, parce qu’elle est importante, et parce que l’on dispose sur la question d’une excellente analyse coûts-bénéfices préparée récemment (2018) par le Commissariat Général du Développement Durable. Pour cette proposition, la réponse est : non, le texte rédigé et adopté reflète une méconnaissance complète du sujet. On peut le montrer sur trois exemples.
Le premier concerne la situation des pays étrangers. Tout ce que le texte en dit est : « la VMA est inférieure à 130km/h dans de nombreux pays : 113 en Grande Bretagne, 110 au Brésil et en Suède, 100 en journée aux Pays-Bas depuis le 1er mars », véhiculant ainsi l’idée que nos 130 sont plus élevés qu’ailleurs. Le texte cité n’est qu’à moitié vrai pour la Suède, où la VMA est de 120 sur les meilleures autoroutes du pays, et semble inexact pour le Brésil, où plusieurs sources donnent 120. Surtout, il escamote les cas de la Belgique (120), de l’Espagne (120), de la Suisse (120), du Danemark (130), de la Grèce (130), de la Hongrie (130), de la République Tchèque (130), de l’Italie (130-150), de l’Autriche (140) et de l’Allemagne (pas de VMA). Le texte de la Convention est ainsi un bel exemple de mensonge par omission. Ou bien ses membres n’ont pas été correctement informés, ce qui est fâcheux ; ou bien ils l’ont été, et ils travestissent délibérément la réalité, ce qui est encore plus fâcheux.
Le deuxième exemple est plus lamentable parce qu’il touche à l’essence même de l’objet de la Convention. Elle écrit que sa proposition entraînera « une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre en moyenne sur ces transports [sur autoroutes] ». L’analyse du CGDD évalue cette réduction à moins de 5%. Cette extravagante multiplication par 4 provient peut-être d’une confusion entre la baisse de la VMA (de 20 km/h) et la baisse de la vitesse moyenne (bien inférieure, estimée à 5 km/h par le CGDD). Ignorance grossière ou mensonge délibéré ? Il ne s’agit en tout cas pas d’un détail, mais de la justification même de la proposition.
Un dernier exemple se rapporte au temps perdu du fait de la proposition, qui en est l’inconvénient principal et motivera l’opposition qu’elle va susciter. Lorsque l’on roule moins vite, on met plus de temps. La Commission nie ou minimise cette évidence. Elle parle du « faible temps perdu ». Un membre de la Commission a déclaré : « De 130 à 110 km/h on perd 3 minutes sur 200 km ». Un candidat au certificat d’études primaires sait que le temps d’un déplacement est égal à la distance divisée par la vitesse, et il peut calculer que de 130 à 110 km/h on perd 17 minutes, 6 fois plus. En réalité, le temps perdu sera d’environ 70 millions d’heures par an.
Ces exemples à peine croyables suggèrent que l’information sur les réalités (on n’ose employer ici le mot : science) donnée aux 150 membres de la Convention a été erronée ou/et biaisée. Bases factuelles tordues, propositions tordues. Au moins en ce qui concerne le cas considéré. La composition de l’équipe dirigeante et encadrante de la Convention explique sans doute cette dérive. Dans la dizaine de noms qui la composent, il n’y a guère qu’un scientifique (Jean Jouzel). Les autres membres sont des philosophes, des agrégés de lettres modernes, des sociologues, des politicologues, des anthropologues – tous parisiens, macronistes et talentueux. Leurs CVs mentionnent davantage leurs participations à des cabinets ministériels ou des instances administratives que leurs publications scientifiques. Ils n’avaient ni la capacité ni l’envie d’éclairer nos conventionnels sur la « science du climat ». Ils étaient là pour jouer les marionnettistes, et ils se sont fort bien acquittés de cette tâche.
Mythes, Mancies & Mathémathiques