Découvrez l'incroyable épopée de l'aérotrain
L'événement Gometz-la-Ville
DANS UN BOSQUET de Gometz-la-Ville, d'étranges blocs de béton reposent depuis trente ans sous un matelas de ronces. Derniers vestiges des 6,5 km de rails reliant Gometz-le-Châtel à Limours pour les essais des prototypes de l'aérotrain. Cet engin futuriste fut testé sur ces voies de béton par son inventeur, Jean Bertin, dès 1965.
Et, pour que cet OVNI ne tombe pas à jamais dans l'oubli, une sculpture est inaugurée ce matin sur un rond-point de la D 988 (*). Car les souvenirs se font rares. Le rond-point est construit sur l'ancienne base d'essais, et une partie des rails a laissé place à la déviation de Gometz. L'unique exemplaire de l'aérotrain, lui, a brûlé en mars 1992 dans un incendie. Triste destin pour une invention qui dépassa bien avant l'heure les performances du TGV, chronométrée à 428 km/h. Ancien ingénieur à la Snecma, Jean Bertin a conçu cet engin sans roues, glissant le long d'un rail de béton, monté sur un coussin d'air et propulsé par des réacteurs. Grâce à ses essais concluants, une voie d'essai grandeur réelle voit le jour dans le Loiret. Prémices d'une future ligne Paris-Orléans. Mais la SNCF planche déjà sur le TGV, et les opposants à l'aérotrain profitent de l'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing au pouvoir pour signer son arrêt de mort en 1974. Un an plus tard, Jean Bertin décède d'une tumeur au cerveau. « Un ingénieur talentueux, visiblement brisé par le chagrin », se souvient un retraité de Limours. Madeleine avait une trentaine d'années lorsqu'elle s'est installée à Gometz-le-Châtel, en 1967. Son pavillon était à deux pas de la « plaque tournante » permettant à l'aérotrain de faire demi-tour. Lorsqu'elle percevait le bruit des moteurs, elle courait « jusqu'à un petit pont pour admirer l'appareil ». « Il brillait sous le soleil, se souvient-elle. Au début, il y avait ces grandes hélices, remplacées par des réacteurs très puissants et bruyants. L'aérotrain allait vraiment très vite, j'en avais le souffle coupé. » Pendant des années, elle a découpé et gardé précieusement les coupures de presse, fière de voir citer dans les journaux sa petite commune. « A l'époque, poursuit Madeleine, les gens étaient surtout gênés par le bruit. Je pense qu'ils comprennent mieux aujourd'hui l'importance de Jean Bertin et de son invention. » Et cette retraitée n'oubliera jamais le jour où elle a réussi à pénétrer dans le hangar qui abritait un prototype. « Cet endroit était à l'abandon. J'ai eu de la peine en voyant l'appareil vandalisé. Mais quelle joie de monter dans la cabine. Il y avait tant de boutons... Quel souvenir ! »
(*) Le conseil général et le maire de Gometz inaugurent la sculpture à 11 heures. Expo jusqu'au 20 novembre en mairie de Limours. Aujourd'hui, à 20 heures, conférence-débat à la Grange, à Limours. Entrée libre.
GOMETZ-LA-VILLE, LE 23 DECEMBRE 1966. Bien avant le TGV, Jean Bertin avait lancé son aérotrain à 428 km/h sur des rails de béton entre Gometz et Limours. Ce matin, une sculpture est inaugurée à Gometz (voir photo ci-contre) à la mémoire de cet engin fut (LP/CHRISTIAN THEUVENOT.)
Stéphanie Auguy
Le Parisien , samedi 13 novembre 2004
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